Essai d’adieu – Renault Megane R.S. Trophy

Le couperet était attendu à un moment ou à un autre, mais il restait fut un temps un peu d’espoir de voir une nouvelle génération de Megane R.S. voir le jour… Las, il est finalement tombé et l’espoir n’est absolument plus permis. La production de la voiture va d’ailleurs toucher à sa fin, alors qu’elle est d’ores et déjà plus ou moins remplacée par une nouvelle Megane en déclinaison E-Tech. Cette mouture 2022 de la quatrième génération de Renault Megane retravaillée par les sorciers de Renault Sport, la Megane R.S. Trophy EDC, sera donc la dernière qu’il me sera donné d’essayer et la dernière « Renault Sport » aussi. Je crois que ça me fend un peu le cœur.

Il faut dire que l’histoire entre Renault Sport, Megane R.S. et moi remonte à loin. 2009 exactement, lors d’un essai organisé par Continental France dont le programme comprenait l’incroyable R26-R. Le virus vient de là, de cette rapide prise en mains dont je n’ai plus d’images mais dont les souvenirs sont encore bien présents. 2010, rebelote ! Cette fois-ci, toujours sous l’égide de Conti, c’est la M3RS qui s’y colle, une petite jeunette présentée une année plus tôt au salon de Genève. Le virus achève de s’implanter et la Megane R.S. s’installe dans mon paysage automobile de façon tout à fait durable.

2011. Le parc presse s’ouvre aux blogueurs et à la question « qu’est-ce que tu aimerais essayer ? », je réponds un timide « Megane R.S. ? ». C’est oui et c’est parti pour un premier essai en mode « ON » en permanence. Mon compte en banque s’en souvient encore mais je retiens surtout de cet essai une première leçon : il faut rester attentif jusqu’au dernier mètre d’un essai car la roue arrière gauche fera connaissance avec les bordures du trottoir de parking Renault de Boulogne. Plus de dix ans plus tard, je me souviens encore du bruit et de mon air déconfit. Et dire que j’avais réussi à ne pas la casser… Bon, les sensations, je m’en souviens aussi, heureusement.

2012 et 2013. Je remets le couvert avec une version d’ores et déjà un peu corrigée et j’enchaîne avec un épisode du Garage des Blogs qui me met au volant de la série limitée RB8, que j’essorerai gaiment sur les routes de Bourgogne, terrain de jeu d’ores et déjà identifié pour tout ressentir d’une auto ! 2014. C’est un peu l’apothéose pour cette génération avec un immense roadtrip vers le Nüburgring pour découvrir les M3RS Trophy et Trophy R sur le circuit. Mieux, j’ai le droit de faire deux tours au volant de la première, un souvenir impérissable. Encore mieux, un baptême de Trophy R me fait percevoir les limites tout à fait délirantes de cette voiture quand elle est emmenée sur circuit. Je n’aurai malheureusement jamais la chance de la conduire moi-même… 2015. La Trophy équipée des ressorts de la R, poussée à 275 ch, tombe toutefois entre mes mains pour un nouvel essai endiablé. C’est l’adieu à M3RS. Un premier adieu à Megane R.S. aussi.

2016 est étrange, avec la nouvelle génération de Megane à l’essai en version GT « seulement ». Déjà travaillée par Renault Sport, elle annonce toutefois la couleur des futurs trains roulants de l’auto, portés par le système 4Control. 2018. Présentée toute fin 2017, la M4RS est enfin à l’essai, en châssis Sport et boîte EDC. J’en ressors… perplexe. J’aime toujours autant l’auto mais il me manque quelque chose et je n’ai pas tout compris du châssis. 2019. Le tir est corrigé avec la version Trophy, châssis Cup et la boîte mécanique. Mais là encore, je n’y trouve pas tout à fait mon compte. 2020. J’ai la chance de mettre pour cette génération mon séant dans l’exclusive Megane R.S. Trophy R ! Le système 4Control a disparu et je retrouve des sensations nettement plus proches de celles de l’ancienne génération, avec toutefois la nécessité d’atteindre un niveau d’engagement délirant pour faire fonctionner l’auto sur route ouverte. Quel outil, tout de même, quel outil !

Je pensais que la saga Megane R.S. s’arrêterait là pour moi, j’étais préparé à me dire que l’essai de Trophy R serait le feu d’artifice final de la relation entre elle et moi. L’idée a germé toutefois de profiter des évolutions du modèle 2022 (les évolutions datent en réalité de septembre 2020) pour réaliser un essai un peu spécial. Un « véritable » adieu, sur des routes incroyables, dans un environnement remarquable : les Alpes. Une bonne idée également pour se réconcilier avec le 4Control ? La réponse se trouve après ces quelques photographies « historiques » !

Extérieurement, la Megane R.S. n’a que très peu évolué pour la deuxième et dernière phase de sa vie véhicule. Si les boucliers et la calandre ont été très légèrement revus, elle conserve toujours ce regard acéré et étonnant et ses feux annexes en forme de damier intégrés au bouclier. La traditionnelle lippe grise porte le badge Trophy, peu lisible soit dit en passant et les ailes avant semblent toujours démesurément élargies, pile comme on aime ! Le système de freinage, déjà copieux, n’a pas changé et reprend les habituelles pinces Brembo peintes en rouge, avec de belles roues diamantées pour les envelopper. La gomme est toujours confiée à Bridgestone avec des pneus Potenza conçus pour elle. On ne manquera bien sûr pas le petit blason Renault Sport située à l’arrière de l’écope des arches avant, ultime occasion de lire ce grand nom de la sportivité automobile, dont l’avenir se déroulera désormais sous les couleurs Alpine.

Pour ce qui est de l’arrière, les changements sont un tout petit peu plus notables avec des blocs optiques sensiblement retravaillés et à mon goût mieux intégrés à la ligne générale de la caisse. Le pot central, gueule béante surlignée de chrome, n’a pas changé et en impose toujours autant ! Les hanches de la Megane R.S., massives également de ce côté de la voiture, sont toujours un régal, annonciateur du plaisir à venir dans toutes les courbes des cols alpins ! En somme, Renault Sport a simplement peaufiné ce qui était déjà réussi. Si elle n’est pas aussi démonstrative d’une Civic Type R ou que la toute nouvelle mais non commercialisée chez nous GR Corolla , elle en impose, surtout quand elle revêt en option la reconnaissable couleur maison, le jaune Sirius. Je ne m’en lasse absolument pas, ni de la couleur, ni de l’allure générale, subtil équilibre entre « sleeper » allemand manquant de charisme et exubérance japonaise assumée.

La vraie révolution se trouve en fait à l’intérieur. Renault a heureusement mis à jour les deux écrans de l’auto, pour un aspect sensiblement plus moderne, mieux intégré mais surtout pour une interface homme – machine enfin satisfaisante et au goût du jour. Les compteurs passent donc au tout numérique via un bloc de 10 pouces de diagonale. Le design est réussi, reprenant par ailleurs les partis-pris graphiques vus sur la première itération de la M4RS. La navigation entre les différents menus et informations est aisée, via les boutons au volant. Le constat est le même pour ce qui est de l’écran central, de 9 pouces de diagonale quant à lui, qui abandonne enfin les touches extérieures pour une seule et même interface de commande. L’écran est très réactif, offre une très bonne qualité d’affichage : c’est ENFIN un plaisir de s’en servir !

Le volant n’a pas été oublié et il intègre même ce qui ressemble à une révolution. Le régulateur / limiteur de vitesse a ENFIN quitté la zone centrale de l’habitacle, particulièrement inaccessible, pour être intégré au volant. Ce dernier, toujours aussi agréable à tenir avec sa belle jante, devient réellement pratique et complet, sans que cela ne soit pour autant perçu comme une prolifération de boutons. L’équilibre de la modernité, les corrections de fautes ergonomiques évidentes : il aura fallu attendre la toute fin de la Megane R.S. pour y avoir droit. Le bouton R.S. Drive se situe quant à lui en retrait du levier de vitesse, pile sous la main. Pratique même si une présence au volant via une touche personnalisable aurait été un must. En tout cas, voilà qui rend encore plus attirants ces tous derniers modèles, tout à fait aboutis. Bon… il reste toutefois les palettes de la boîte EDC, petites et hauts perchées avec ce très cher comodo radio / son que je me suis forcé à utiliser tout en continuant de le maudire sur plusieurs générations.

Pour le reste, l’habitacle de cette Megane R.S. Trophy conserve l’essentiel : un très bon volant et ses remarquables baquets Recaro. L’affichage tête haute est aussi de la partie, avec son petit écran qui se plie et se déplie, on appréciera l’effort fait sur les finitions et sur les principaux matériaux accessibles. Née en 2016, la Megane est une « vieille » voiture désormais mais les évolutions d’ergonomie mentionnées précédemment lui permettent de rester absolument vivable et au goût du jour. Les années qui viennent, sans nouveau modèle au catalogue pour venir changer la donne, peuvent s’envisager tranquillement de ce point de vue. Le sport est toujours là, les responsables produit ont pour le reste bien travaillé pour offrir une belle fin de vie à ce modèle emblématique.

Paris – Bourg-Saint-Maurice. Le mode Save du R.S. Drive est activé pour mon trajet autoroutier et je roule tranquillement. L’objectif est de descendre à l’économie et dans le confort jusqu’aux Alpes. Dans ces conditions, l’équilibre de la suspension de la Megane R.S. surprend toujours, même avec ce châssis Cup qui raidit sensiblement l’amortissement de la caisse. Le confort de roulage à basse vitesse reste bien sûr spartiate et les joints entre blocs de bitume, les nids de poules, les saignées de travaux et autres dos d’âne divers et variés se doivent d’être approchés avec un minimum de circonspection. Non pas que la suspension va talonner ou que la caisse va frotter de tout son museau, c’est juste que votre dos s’en souviendra, les baquets Recaro étant bien là pour transmettre tout ce qu’il se passe autour de l’auto afin d’en percevoir et d’en anticiper la dynamique.

A plus haute vitesse, légale, le confort devient tout à fait acceptable. Les bruits d’air et de roulement sont contenus et le bon système son s’occupe de masquer ce qu’il reste, tandis qu’en mode Save, toujours, l’échappement Akrapovic sait se faire très discret. Le grondement est juste flatteur, trahissant à peine la nature passablement énervée du bloc 1.8 L turbo développant 300 ch et 420 Nm. Le souffle très caractéristique du bloc de la M3RS ne se retrouve pas ici, la sonorité du moteur de la M4RS ayant toujours semblé un peu plus « naturellement » aspirée que son prédécesseur. La direction, jamais vraiment mollassonne, va bien avec ce tempérament plus coulé qui sied à la conduite au long cours sur d’immenses et ennuyeuses lignes droite. Elles le sont dans tous les cas quand on roule à moins de 250 km/h, alors autant rouler à 110 km/h pour préserver le précieux breuvage automobile pour les routes qui le méritent.

Megane R.S. se montre donc comme une bonne compagne pour le voyage au long cours, sachant se faire presque sobre (un peu plus de 8 L/100 sur mon trajet) malgré les dénivelées positives me menant de Paris à Bourg-Saint-Maurice et quelques incartades à la conduite économique. Elle est également raisonnablement confortable, bien aidée par les baquets qui savent tout faire et le confort à bord, sensiblement amélioré avec les mises à jour numériques. La boîte EDC, laissée en automatique, se fait discrète et fluide. Ce n’est toujours pas la meilleure des boîtes à double embrayage mais elle atteint un excellent niveau dans ces conditions. Les freins… quels freins ? En conduite coulée, leur dosage est franc mais aisé et c’est tout ce qu’on leur demande. A la fin, on est à bord d’une sportive, cela se sent mais ça n’en devient pas désagréable pour autant quand le rythme est doux. La polyvalence de la Megane et à fortiori de la Megane R.S. n’a pas été abandonnée pour ces ultimes versions, même dans sa déclinaison Trophy.

Autour de Bourg-Saint-Maurice. Dans les jours qui suivent mon arrivée, comme un fil rouge, j’ai eu l’occasion d’arpenter de nombreuses routes des alentours immédiats ou à peine plus lointains du cœur d’activité de la vallée. Oh, je ne parle pas de la départementale principale qui passe au pied des montagnes, assez peu sinueuse, surtout très passante et souvent encombrée de tous types de véhicules. Je parle de toutes les petites routes d’altitude faisant la jonction entre villages, en vallée principale et vallons. Il s’agit là de petites merveilles idéales pour explorer (de nouveau) les immenses capacités de la Megane R.S. ! Ces routes, par ailleurs, obligent à une certaine humilité puisque dénuées de protections vis à vis du vide. Précision des trajectoires, anticipation, adaptation de la vitesse à la visibilité également, sont autant de clés qu’il faut maîtriser pour rouler en sécurité pour soi mais aussi, surtout, pour les autres qui n’ont strictement rien demandé.

Le R.S. Drive est évidemment calé sur Sport dans ces conditions, paramétrant une réponse plus franche de la direction, de l’accélérateur et de la boîte, que je bascule toutefois en mode Manuel l’immense majorité du temps. Le mode Auto de la boîte est loin d’être indigent dans ces conditions mais comme je l’ai dit plus haut, la boîte est de bonne facture et donne envie de manipuler les palettes pour jouer entre les différents rapports. Les 420 Nm, disponibles dès 3200 tr/min font qu’il est possible d’adopter une conduite dynamique mais fluide, sur le 3ème ou 4ème rapport. L’échappement, libéré par une petite valve, pétarade gaiment à chaque relâcher de gaz ou lors de certains rétrogradages. C’est une rareté, de nos jours, de trouver ce genre de bruits dans une auto, les contrôles d’émissions étant passés par là pour rajouter une couche des nécessaires silencieux et filtres à particules. La naissance de l’auto en 2016 explique sûrement cela.

Les virages s’enchaînent et le rythme, parfois, augmente très sensiblement, s’approchant d’une franche attaque même ! L’équilibre général de l’auto est extrêmement rassurant et les différentes bosses, parfois cossues, sont autant de tests pour valider l’excellence de la mise au point de la suspension. En délestage, en compressions franches ou même avec de sacrés déséquilibres, le maintien de la caisse est royal, sécurisant au possible. Rentrez dans les freins et elle se calera sur ses appuis, même dans le bosselé, tandis que le train avant ne lit pas trop la route et ne tire pas l’auto d’un bord à l’autre. Rajoutez à cela que l’endurance des freins n’est absolument pas mise en défaut sur ces courts tronçons de « spéciale » et vous avez un scalpel automobile, capable de passages monstrueux quand la visibilité l’autorise.

Le placement de l’auto se fait au cordeau, la direction ayant une bonne précision et offrant aussi un bon retour d’information sur les remontées de couple en provenance du train avant. Le Torsen garantit une motricité terrible dans les courbes, on peut mettre gaz très fort en sortie d’épingles en conservant de l’angle au volant, au prix d’un certain élargissement de la trajectoire. Ces petits tronçons, toujours bien trop courts, autour de Bourg-Saint-Maurice, sur des routes aux revêtements variés, de qualité tout aussi variable et à la largeur parfois très changeante, étaient une petite dose de plaisir quotidien, que ce soit à allure normale où l’auto est vivable et précise, à allure plus engagée où elle se montre équilibrée et communicative, ou enfin à l’attaque où elle sait alors se montrer parfaitement sécurisante dans ses réactions !

Les Arcs. Une de mes randonnées m’amène à monter aux Arcs et évidemment, à en redescendre. La route est globalement très large, ne croisant que très peu de hameaux une fois les premiers kilomètres avalés. Il y a en revanche de nombreux cyclistes qui font l’ascension et la descente, aussi je n’aurai de cesse de répéter à tout apprenti conducteur sportif qu’on ne coupe pas des trajectoires en aveugle et qu’on n’attaque pas dans une courbe sans visibilité en serrant le bord droit… J’en vois encore tellement faire ça, cela me rend absolument dingue. Mais bref : il est encore tôt quand j’entame la grimpette vers Arcs 2000, tout là-haut, soit 1200 mètres d’ascension et plein de kilomètres de courbes superbes.

La largeur des routes est telle que j’engage le mode R.S. Race, encore un peu plus affûté pour ce qui est de la réactivité de l’auto et de sa sonorité, grondante voire hurlante jusqu’aux 6000 tr/min où les 300 ch sont atteints. Surtout, le système 4Control continue de braquer les roues arrière dans le sens opposé des roues avant (jusqu’à 2.7° d’angle) jusqu’à 100 km/h, augmentant très sensiblement le dynamisme de l’auto. Mes souvenirs de ce mode étaient assez mitigés, sûrement très influencé par les routes sur lesquelles j’avais pu essayer l’auto. Ici, dans un pays où les virages s’enchaînent par centaines, pour la plupart serrés et offrant de la visibilité, conserver ce niveau de braquage au delà des 60 km/h du mode Sport est un pur régal, c’est une révélation et une réconciliation.

L’empattement virtuel de l’auto diminue autant que le braquage nécessaire, tandis que l’immense majorité des virages s’aborde à vitesse tout à fait légale. Le passage au mode Race permet de conserver un dynamisme de l’auto et du train arrière absolument bluffant. Il y a bien une petite phase d’adaptation, notamment pour ce qui est de l’inscription de l’auto en courbe, beaucoup plus directe et ne nécessitant pas un gros angle au volant. La Megane R.S. semble envelopper le virage, coller à sa trajection à l’avant comme à l’arrière tout en cherchant à s’extraire au plus vite de la courbe grâce au différentiel Torsen. Là-aussi, le cerveau a besoin d’un peu d’adaptation mais une fois le mode d’emploi bien remis en tête, c’est diabolique ! J’étais passé à côté du système 4Control, en fait, en me réjouissant de son abandon sur la Trophy R.

Les derniers kilomètres de l’ascension vers les Arcs, toujours aussi large et roulante, permettent de tester également l’équilibre à haute vitesse de l’auto, dans des courbes larges. Le 4Control tourne alors les roues arrière dans le même sens que les roues avant, à hauteur de 1° maximum. La stabilité à l’inscription est toujours un bonheur. Cela a toujours été une force de Megane R.S. dans tous les cas, c’est toujours autant le cas avec ce système qui donne l’impression d’avoir un rail sous le bassin, jusqu’au prochain freinage en appui où Megane R.S. montre qu’elle sait toujours déhancher. Quelle ascension… mais aussi quelle descente, avec une endurance remarquable du système de freinage au fil des épingles, même si je ne suis pas descendu couteau entre les dents afin de ne pas atteindre des vitesses stupides.

Le Cormet de Roselend. Le Beaufortain me tend les bras de bon matin. La première partie de l’ascension vers ce haut lieu du massif est très étroite, avec assez peu de visibilité. Rouler vite ici serait criminel, pour de multiples raisons. La plupart des virages sont très resserrés, par ailleurs et le mode Sport est donc parfaitement suffisant avec sa bride à 60 km/h pour le braquage du 4Control. Au delà, l’auto perd donc un peu de dynamisme de braquage mais peu de virages s’y prêtent et surtout, le niveau d’engagement de la conduite ne nécessite pas cette extrême capacité à se jeter dans les cordes ! J’enroule, donc, adoptant un mode de conduite plus proche de celui de ma première expérience autour de BSM. Fenêtres ouvertes, dans la fraîcheur, avec le petit grondement / sifflement du moteur / turbo et quelques plop-plop-plop sympathiques…

Ce petit bout de route débouche finalement sur un splendide vallon et la route devient alors plus large, continuant ensuite de grimper avec une visibilité parfaite de virage en virage, permettant de largement anticiper. D’un clic, me voici de nouveau en mode Race, les rapports s’égrènent et l’horizon se rétrécit. La route est un vrai billard, avec très peu de bosses et de mauvais revêtements, en plus d’offrir des vues splendides sur l’Aiguille des Glaciers. Voici un joli coin de route où la Megane R.S. fait également des merveilles, scalpel sur roues une nouvelle fois. Je repense à mon essai de la version BVM et je ne regrette pas qu’elle ne soit plus commercialisée. Bien sûr, l’engagement au volant d’une boîte manuelle aura toujours un petit « plus » par rapport à une boîte avec commandes au volant…

Toutefois, encore faut-il que la boîte en question soit bonne. Or, la BVM de la M4RS n’était pas la meilleure, loin s’en faut. Je me souviens lors de mon étalonnage des capteurs au volant de sa sœur ennemie, la Honda Civic Type R, sur un terrain de jeu remarquable là-aussi (les Pyrénées-Orientales !) de m’être dit que c’est vraiment ce qu’aurait dû être la boîte de la Megane R.S. ! Tant pis, elle n’est plus là de toute façon, émissions obligent. La boîte EDC n’est en tout cas jamais fainéante comme on a pu en voir chez d’autres constructeurs (coucou le groupe VW). Pas d’hésitation à la descente, pas d’hésitation à la montée où les rapports claquent gentiment sans trop en faire, c’est un bonheur qui serait parfait si les palettes faisaient la taille de celles de la Roma ou de GT-R. On ne peut pas tout avoir, à ce qu’il paraît.

Le col du Cormet de Roselend est atteint. L’échappement, brûlant désormais, ne pétarade plus à la levée de pied. La voiture sent le pneu. Tout ça est bon signe, je peux lui laisser le temps de refroidir doucement tandis que la route descend désormais doucement vers le lac, au pied du Rocher du Vent. Un voyant de défaut surgit soudain, au niveau du col. Défaut ESC, système de freinage, démarrage en côté, etc. Le bloc ESC s’est mis en rideau. Pourquoi ? Comment ? Sûrement des incohérences entre capteurs de vitesses de roue ? Quelques heures plus tard, après ma randonnée, le défaut est toujours présent mais disparaît après quelques centaines de mètre. Ouf, défaut temporaire, j’avoue avoir été un peu inquiet et je descends doucement de la montagne, la température extérieure étant très élevée. Je n’allais pas en rajouter.

Le Col du Petit-Saint-Bernard. Le lendemain, après un parcours matinal sur la route menant à l’Iseran mais avec une bifurcation m’emmenant sur une route d’une étroitesse où la sagesse oblige à rouler tout doux, je prends en soirée une autre route mythique, celle menant du Col du Petit-Saint-Bernard. Encore 1200 ou 1300 mètres d’ascension et de descente ensuite, à la tombée de la nuit ! Le profil de la route est bien différent de celui de celles menant aux Arcs. Jusqu’à la station de la Rosière, à 1850 mètres d’altitude, la route est large, roulante, avec de superbes sections où on peut engager et rouler gaiment. La voiture me semble être dans sa zone de confort, moi aussi et pourtant, le rythme est élevé, très élevé. La Megane R.S. fait partie de ces voitures avec lesquelles on peut faire corps et se sentir en quasi osmose.

Passée la station, on entre toutefois dans un autre domaine. La route se rétrécit, les protections latérales disparaissent et laissent apparaître un vide impressionnant. Les virages s’enchaînent, souvent assez rapides, très rarement en aveugle, la montée se faisant vers le col restant sur un même versant avec une pente à peu près douce. L’altitude et la présence régulière de neige, au delà de la station, font que la route est aussi très bosselée, avec parfois des sauts et ressauts ! C’est un terrain de jeu fabuleux pour Megane R.S. et la suspension, ici encore plus qu’ailleurs, fait des miracles. Une, deux, trois voire quatre roues décollent de temps à autre. La boîte claque, les freins travaillent, fort, malgré la montée. On voit si loin qu’il est difficile de garder raison, sauf à conserver une marge de sécurité vitale sur route ouverte.

J’arrive au col en sueur alors que je n’ai pas encore commencé à randonner ! La voiture est également bouillante, freins inclus. Ils n’ont pas failli une seule fois, exemplaires, malgré les demandes répétées générant de copieuses décélérations. Les pneus me brûlent doucement la main, ils sont également de bonne humeur, après avoir crissé par endroits. Ces Potenza sont très satisfaisants, montrant une excellente tenue en latéral, sans perte de motricité lors des relances, malgré les 300 ch et 420 Nm. Tout passe au sol et c’est seulement à la limite, alors qu’on est méchamment calé sur le bord du baquet, la jambe gauche plaquée sur le repose-pieds, qu’on les sent dire « non ». Il suffit alors de décharger légèrement l’angle au volant, voire de relâcher légèrement les gaz en sus, pour décaler le train arrière et repartir de plus belle.

Dans certaines courbes, l’auto semble parfois glisser des quatre roues, comme une intégrale. Ce n’est bien sûr pas (toujours) le cas mais le feeling se rapproche parfois un peu de ça, la sensation de poussée du train arrière en moins, évidemment. La Megane R.S. n’est une GR Yaris et se comporte tout de même comme une pure traction énervée. Tiens, en parlant de GR Yaris, une digne héritière des 25 ans de la Renault Megane et de Renault Sport d’ailleurs, j’en ai croisé deux lors de mon essai. Quelques anciennes Megane R.S. également. Rouler ici, à l’année, avec ce genre d’outils, doit être une expérience absolument incroyable. La mienne, à bord de cette ultime Megane R.S. Trophy est par nature plus limitée et c’est d’ores et déjà un immense regret. Un VAE et une Megane E-Tech pour tous les jours. La Megane R.S. pour certains weekends…

Le Col de l’Iseran. J’ai gardé le meilleur pour la fin, même si ce n’était pas nécessairement prévu. Les conditions météo remarquables sur l’Ouille Noire m’ont amené à enfin y randonner et cela impliquait donc de grimper depuis Bourg-Saint-Maurice jusqu’au Col de l’Iseran ! Sur le chemin, Tignes, Val d’Isère et enfin, le plus haut col routier des Alpes, soit quasiment 2000 mètres d’ascension pour la Megane R.S. et des routes très variées pour bien tester toute sa gamme de compétences. Une sorte d’entrée, de premier plat, digestif, second plat, fromage, yaourt et dessert d’un coup d’un seul pour cet essai d’adieu. Difficile, franchement, de faire mieux, même si la première section de la route, avec pas mal de travaux, est assez encombrée.

L’horizon se libère soudainement quelques kilomètres après Sainte-Foy-Tarentaise. La route est ici large, parfaitement entretenue, avec une visibilité pas toujours idéale ceci et elle est par ailleurs un peu trop droite à mon goût. Les vitesses atteintes peuvent être trop élevées et ce n’est pas du tout ce que je recherche ici mais certains enchaînements sont très savoureux. A l’arrivée à Tignes, j’ai rattrapé un groupe de véhicules, de quoi rafraîchir l’auto en les suivant calmement. Le mode Race disparaît au profit du profil personnalisé « MySense ». Un peu de sonorité, un peu de réactivité, de la douceur tout de même côté boîte, on peut sélectionner à peu près tous les éléments dans le menu de configuration et je n’ai touché à rien de ce qui avait été préparé tant cela m’a semblé être un bon équilibre pour se sentir au volant d’une sportive et pour rouler à allures normales, sans chercher spécialement l’économie.

Le lac du Chevril est magnifique, avec ses pare-avalanches qui le bordent, protégeant la route et ses utilisateurs en direction de Val d’Isère. La station n’est guère loin et un camion reste devant moi, il y a également une foule de cyclistes et de motards, je continue de dérouler doucement, savourant le fait d’être là, savourant la fraîcheur en altitude aussi. Val d’Isère est à peine dépassée que tout se libère devant moi. Les derniers kilomètres menant au Col de l’Iseran sont vides, absolument vides. Pas un vélo, pas une auto, juste la route, défoncée, bosselée, sinueuse au possible et Megane R.S. qui piaffe désormais d’impatience. Race. Boîte en manuel. Je me recale dans le baquet. Feu d’artifice final.

J’ai rarement attaqué autant que sur ces derniers kilomètres, à la visibilité exceptionnelle. Un groupe de motards, rattrapé en route, m’a gentiment laissé passer (ça se traîne, sur le sinueux bosselé, les motos…), coupant seulement quelques secondes ma concentration et mon effort. Sur ces quelques kilomètres, avec un air frais alimentant le moteur et malgré l’altitude copieuse de 2700 et quelques mètres, Megane R.S. confirme tout ce que je savais déjà d’elle. Freins remarquables. Moteur plein. Echappement plop-plop-plop. Boîte qui claque. Direction qui tranche. Surtout, quel équilibre, quelle danse sur les bosses, quelle tenue dans les compressions et délestages. Jamais, jamais, je n’ai eu l’impression de devoir forcer alors que le rythme était terrible. Quel. Outil. Légendaire.

C’est la fin. La randonnée achevée, je dois bien descendre de cette double montagne. La vraie et l’automobile. Je prends la direction de la Maurienne, que je connais bien. La vallée est sublime, verdoyante au possible, je suis heureux de la traverser au volant de Megane R.S. à un rythme tranquille après la descente du col, dynamique mais pas trop, la fatigue se faisant sentir. Les grandes courbes et oscillations du fond de vallée, avalées avec gourmandise, m’emmènent jusqu’au tortillard de Termignon. J’ai la tentation à un moment d’offrir et de m’offrir le Col du Mont-Cenis mais la raison l’emporte. Il faut que je rentre à Paris. Le parc presse Renault m’attend et il est désormais dénué de trottoirs, je ne devrais donc pas y laisser de jante, cette fois-ci.

L’autoroute pointe le bout de son nez, synonyme d’un ennui terrible après cette quasi semaine de pur plaisir de conduite. Bon, c’est aussi l’occasion de faire baisser un brin la consommation moyenne de cet essai, qui a pris un petit coup dans l’aile au fil des cols ! Je terminerai l’essai à 10.2 L/100 de moyenne, sur 1971 km parcourus, ce qui est bien loin des quelques 19 L/100 de mon tout premier essai ! J’ai sûrement été un peu moins ON/OFF qu’à l’époque mais c’est aussi un bon moyen de voir que Megane R.S. s’est sensiblement bonifiée avec le temps de ce côté-ci, même si elle ne répond toutefois plus aux contraintes des années à venir et souffre à l’heure actuelle d’un malus écologique particulièrement agressif.

La fin de cet essai d’adieu n’aura malheureusement et bien logiquement pas toute la saveur des centaines de kilomètres parcourus dans les Alpes. Circulation francilienne, énervement des uns et des autres, la fin de l’adieu est un peu triste. Mais des adieux, c’est toujours un peu triste, non ? Je rends les clés avec une nouvelle petite fissure au cœur, ce pincement, là, qui vous prend, parfois, vous voyez ? Ai-je besoin de vous dire une nouvelle fois combien j’ai aimé Megane R.S. sous toutes les formes qu’elle a adoptées au fil des années ? Avec toutes ses qualités et tous ses défauts, ses imperfections comme ses fulgurances ? Sûrement pas. Le jaune Sirius brille dans le coin du parking, là où je l’ai laissée. J’ai presque envie de retourner dans le bureau piquer les clés pour repartir aussitôt. Ou alors il faut que je trouve un autre prétexte. Aller l’essayer sur les routes des Pyrénées-Orientales, où j’avais emmené sa némésis ? Pas mal !

Rien de toute cela pour le moment toutefois. Je dois m’y faire, c’est la fin, sauf miracle, prétexte ou mauvaise foi propre aux blogueurs passionnés. Je quitte le parking sur mon vélo en lui jetant un dernier regard. Non loin de là, une Megane E-Tech se terre dans l’ombre, avec sa fort jolie robe rubis. Je me suis laissé dire que Renault avait très bien travaillé sur la liaison au sol. Bon sang ne saurait mentir ? Et les équipes de Renault Sport, devenues Alpine, ne sont pas loin non plus, ayant déjà travaillé sur la mise au point de la sublime A110 que je dois retrouver bientôt. De là à dire qu’il y a chez ces deux marques encore le potentiel de faire naître l’émotion automobile et l’émotion de la conduite chez les futurs conducteurs, en tout électrique ? L’avenir le dira. En attendant, il faut dire dire adieu à Megane R.S. et la remercier pour ces émotions là, qu’elle a nourries avec vigueur pendant trois longues générations.

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