Etalonnage des capteurs – Honda Civic Type R

Honda Civic Type R. Renault Megane R.S. Deux noms, deux monuments sportifs, une lutte sans merci depuis plusieurs années, à grands coups de records ici et là, de spécifications toujours plus extrêmes et d’ambitions démesurées. L’objectif est clair : dominer de la tête, des épaules, du torse, du bassin, des cuisses et éventuellement des mollets le reste la production du segment C pour ce qui est des tractions, tout en cherchant des noises à toutes les autres.

Depuis tout ce temps, l’une comme l’autre ont réussi leur coup, VTEC et R26.R faisant la légende avant que la M3RS n’atomise la concurrence et que la dernière Civic Type R ne vienne remettre les pendules à l’heure. La M4RS est arrivée entre temps avec ses roues arrière directrices et quelques atouts dans sa manche, ne me faisant pas douter au premier abord avant d’enfoncer quelques portes et fenêtres avec sa déclinaison Trophy. La Trophy R récemment essayée ? Trop extrême pour être comparée, clairement invivable au quotidien mais délicieuse.

Il n’empêche, Trophy et Trophy R m’ont fait douter, ont excité mes capteurs de passion automobile au point de questionner mon essai de 2017 (diantre !). Un étalonnage semblait nécessaire, même s’il n’était pas forcément prévu à l’origine ; ce créneau d’essai étant initialement réservé à un petit coupé gris très excitant nommé A110 S. Les hasards du calendrier et de la mécanique… mais la passion dans tous les cas !

A l’extérieur, rien n’a changé si on est honnête et réaliste. La Honda Civic Type R en fait toujours des caisses à base de gros appendices aérodynamiques à l’avant comme à l’arrière. Le regard est agressif, les prises d’air sont massives et l’aileron dépasse des rebords du toit au cas où l’auto qui vous découvre dans son rétroviseur aurait un quelconque doute.

Hasard familial, je me suis retrouvé ici et là derrière un véhicule de la fratrie de ma compagne et le constat  au debriefing fut à chaque fois sans appel : le charisme, l’air très méchant, la « gueule » de la Civic Type R donnent envie de se cacher sur le bas-côté de la route pour laisser passer la petite balle toute vêtue de blanc, de noir et de rouge.

Faut-il vous reparler de la triple sortie hétérogène pour des raisons de compressions / échappements ? De l’aileron si visible et agressif et semblant tellement à sa place ? Des naseaux évasés et excités de la face avant ? Du « R » qui rougeoie dans un petit coin de la calandre ? Des flaps aéro dispersés ici et là dont on pourrait penser qu’ils ne servent à rien sauf quand on sait comment l’ingénierie japonaise fonctionne ?

Deux années et plus ont passé mais la Civic Type R a toujours ce charisme unique, cette gueule de grande méchante qui annonce la couleur de ce qu’elle sait faire. Et elle sait faire, elle. Tout cela n’est pas du chiqué dans mes souvenirs, même si je souhaite rafraîchir ces derniers. Cette gueule, tout de même. Cette gueule. Singulière, clivante, jusqu’au boutiste. Les peintures de guerre de la Trophy R font presque sourire.

A l’intérieur, rien n’a changé, pour le moment. Les baquets sont toujours aussi enveloppants et bien faits, assez confortables à l’usage (j’ai fait Paris-Perpignan sans avoir envie de voir mon kiné/osthéo sur le champ) ; le volant et le petit levier à pommeau rond tombent parfaitement sous la main, la position de conduite est parfaite.

De son côté, l’écran est heureusement toujours compatible CarPlay car le système a pris un énorme coup de vieux en deux ans pour ce qui est de sa résolution et son ergonomie. L’équipement est globalement complet avec une régulateur et un limiteur de bonne facture, mais aussi une belle quantité d’affichages faciles d’accès pour les compteurs sous mes yeux.

En somme, rien n’a changé et en fait, c’est plutôt « tant mieux » car la Civic Type R préserve l’essentiel en 2020 pour une sportive : la position de conduite sportive et ses éléments majeurs ; tout en se révélant compatible des smartphones modernes dont tout le monde est équipé. Pour les autres, il faudra composer avec un système terriblement vieillissant et une ergonomie des commandes au volant donnant quelques boutons.

L’essentiel reste toutefois ailleurs. La sonorité du quatre cylindres de cette Type R FK8 développant 320 ch à 6500 tr/min et 400 Nm sur une belle plage allant de 2500 à 4500 tr/min est assez quelconque dans l’habitacle. En revanche, dehors, ça gronde un peu et le van / poisson-pilote du beau frère croisé ici et là sur la route confirmera la chose. La Civic Type R s’entend bien de dehors, hurle gentiment à l’intérieur mais reste tout de même plutôt discrète.

Ce n’est pas que le moteur soit timide, loin de là. Ce moteur aime toujours autant aller chercher son régime maximal de 7000 tr/min et maltraite par moment le train avant quand les gommes ContiSportContact 6 ne sont pas encore tout à fait en température. Il est rageur et réactif, pas autant qu’un VTEC atmosphérique mais il aime être conduit le couteau entre les dents, tout en se montrant somme toute assez sobre, avec 10.2 L/100 de moyenne sur mes 2300 km d’essai (tant mieux car le réservoir est minuscule – 46 L). Bref : il sait tout faire et il le fait avec une grosse énergie à défaut de le faire avec une grosse voix.

La boîte accolée à ce moulin ? Elle est pour ainsi dire parfaite, ne tirant jamais trop long, jamais trop court. Surtout, sa commande est définitivement la référence et je m’en rends parfaitement compte après avoir pris contact avec celle de la Trophy R. Autant la M3RS pouvait faire jeu égal, autant cette dernière Civic Type R place la barre trop haut pour que la Megane 4 réussisse à l’atteindre.

Jouer avec le petit pommeau de boîte s’avère tout à fait jouissif sur les routes des Pyrénées-Orientales, où le mot « virolo » prend tout son sens. Entre les petites montées de col larges comme l’auto alternant sections à flanc de falaise à la bonne visibilité et les sections de franche montée d’épingle en épingle, on passe son temps à jouer entre 2, 3 et 4. Il ne manque qu’un léger tintement métallique de grille pour toucher au sublime.

L’auto de mon essai affichait un très respectable kilométrage : un peu plus de 30.000 km. Quand on sait ce que vivent les voitures de parc presse, même en considérant un entretien et une attention de tous les instants, on peut presque s’inquiéter de l’état de cette voiture. C’est une erreur car la Civic Type R se montre justement en parfaite santé. Pas de grincements dans l’habitacle, pas de couinements ou de jeux perçus ici et là. L’auto est un rail et un élastique tendu pointant tantôt à droite et à gauche.

Le train avant semble connecté très directement à la direction qui ne se durcit que peu au changement des modes de conduite. Son ressenti et son poids semblent naturels, avec un excellent toucher des limites des gommes Continental, parfois un peu en délicatesse à haute température. Je me demande ce que donneraient des bib’ PS 4S voire des PS Cup2 sur ce rasoir très tranchant qu’est le train avant.

Le mot indestructible revient souvent quand il s’agit de parler d’un excellent train avant et je l’ai déjà prononcé sur quelques essais. Je le redis ici tant les limites ne semblent jamais vouloir venir, sauf à être un goret fini (et dangereux, en fait). Les changements d’un appui à l’autre, d’une courbe avalée à 80 à l’autre, l’auto se place, mord le bitume, s’y tient, plonge à la corde sur demande et s’en extrait avec célérité grâce au différentiel. Tournez manège !

Les freins ne sont pas non plus là pour vous limiter. L’auto ne rechigne à priori pas à quelques sections sur circuit ; autant vous dire qu’il va falloir un peu plus qu’une petite descente de col descendue tambour battant pour en venir à bout. Pourtant, quand je m’arrête pour une pause photo, la chaleur qui se dégage des disques est infernale. Un allongement pédale ? Non. Une perte de consistance ? Non. Du crissement au refroidissement ? Oh que oui. Le prix à payer semble raisonnable en regard ce que l’auto sait faire.

S’il y a en revanche quelque chose qu’elle ne sait pas trop faire et que je retrouve pour ainsi dire trois ans plus tard, c’est la relative immobilité du train arrière. La Civic Type R FK8 ne déhanche pas ou alors très peu, c’est un rail sur lequel on se repose à haute vitesse comme dans les enchaînements. Il suit, toujours, ne semblant pour ainsi dire jamais plus léger, même quand le frein se veut très appuyé. Dommage ? C’est là le seul défaut de cette auto. On a vu pire ailleurs.

Si j’avais réalisé mes précédents essais sur ma « base » d’essai normande, avec pas mal de profils de routes à disposition pour me rendre compte des progrès réalisés entre FK7 et FK8, je me suis cette fois retrouvé sur des segments routiers empruntés notamment avec l’Alpine A110. Sur ce terrain, cette dernière, avec son poids plume et sa suspension passive, avait fait des miracles.

J’étais donc pressé de voir comment les modes Sport (aka « Normal » pour d’autres voitures) et +R pouvaient se comporter. Le mode Sport est déjà assez engageant mais conserve une certaine polyvalence qui ne m’a jamais choqué, en bien ou en mal. C’est le mode à tout faire sans sacrifier la sportivité ou la velléité soudaine de passer quelques virages à la limite ! Brillant.

Pour le mode +R, c’est un peu plus dur et il faut malgré tout choisir ses routes. Le dos ne finit pas en miettes, loin de là, mais ça tabasse nettement plus du côté des lombaires pour être tout à fait ignoré. Le verrouillage de la caisse progresse fort logiquement, avec une grande maîtrise des détentes également. Bref, ce n’est pas un bout de bois qui rebondit à la moindre perturbation, c’est une vraie suspension bien réglée mais qui pourrait encore gagner un tout petit peu plus en amortissement / pilotage.

Les kilomètres s’enchaînent à haute vitesse. Je m’engueule à quelques endroits où certes, je vois très loin, mais diantre, qu’est-ce que ça passe fort. Et simplement, en connexion avec l’auto, avec une confiance totale dans le train avant et la capacité de décélération. C’est une autre force de cette voiture, cette confiance qu’elle inspire quant à ses capacités quand le cerveau commence sérieusement à dégoupiller. C’est aussi à ça qu’on reconnaît une voiture brillante.

La Honda Civic Type R restera dans les annales pour tout cela. Cet essai à la fois prévu et imprévu a porté ses fruits : les capteurs sont étalonnés de nouveau et le doute n’est plus permis à date : elle est la référence du segment, la plus complète sur les aspects sportifs, la moins problématique dans ses quelques défauts vis à vis de la sportivité justement ; elle est vraiment polyvalente avec un mode Confort parfois bienvenu mais aussi, c’est un parangon de vitesse, de bitume lacéré et de sourires et rires satisfaits kilomètre après kilomètre.

On m’a demandé à un moment s’il s’agissait de la déclinaison 2020. Mais non, vous l’aurez compris à la lecture de l’odomètre, c’est encore « l’ancienne ». Car oui, Honda n’a pas l’air décidé à s’arrêter en si bon chemin et va encore l’optimiser cette année, avec un meilleur refroidissement, une suspension retravaillée et même une version extrême plus légère de 47 kg.

Le rendez-vous, cette fois-ci, est bel et bien pris. Si elle est aujourd’hui meilleure que la M4RS Trophy (malgré les gommes S007 tueuses de courbes), il reste à savoir si elle saura également avoir le délice et la gourmandise d’une Trophy R pour la danse. La tâche est ardue, mais la culture Honda, observée ici et là à titre personnel et professionnel, me fait dire que ce n’est pas vraiment ça qui leur fait peur. A bientôt ?