Ce nouveau voyage de 3 semaines aux Etats-Unis était à la base une sorte de prétexte à la visite du parc de Yellowstone qui s’était avéré être bien trop loin de mon parcours de 2017. Comme je le disais précédemment, le cours des billets d’avion m’a poussé à arriver et repartir de San Francisco, m’offrant l’opportunité de revoir complètement le parcours d’origine, au départ de Seattle.
Une chose est restée certaine dans cette refonte : la nécessité de passer un maximum de temps dans les parcs de Grand Teton et de Yellowstone, cette double escale constituant le coeur du voyage avec une semaine complète leur étant dédiée. Voici donc le début de cette belle semaine d’escale dans le Wyoming avec le sublime (oui) parc de Grand Teton.
N’ayant pas vocation à remplacer les guides de voyage, je vous renvoie à Wikipedia ou autres pour savoir d’où vient cette drôle d’appellation… ! D’ailleurs, en parlant de guides et autres (notamment le Michelin Nord-Ouest des Etats-Unis), j’ai fini par me décider par passer trois journées complètes sur place. Etait-ce trop ? Non. Etait-ce assez ? Non. Disons à posteriori que j’aurais pu et peut-être du prolonger d’une ou deux journées, tant ce parc fut un coup de coeur.
Comme pour chaque parc, qu’il soit d’état ou national, cela commence pour moi au Visitor Center, celui de Moose en l’occurrence ; du côté sud du parc puisque j’ai logé à Victor pendant toutes ces journées, faisant la route entre l’Idaho et le Wyoming tous les jours – et quelle route d’ailleurs, avec le Teton Pass à 2570 m !
Les rangers nous ont conseillé divers parcours en fonction de nos aspirations, notamment celle de s’éloigner le plus possible des coins les plus fréquentés et de s’en mettre pas mal dans les jambes sans toutefois passer du côté « wilderness » avec camping à la clé. Oh, on a aussi demandé une ou deux randonnées pour maximiser nos chances de voir des bestioles…
Première journée – Jenny Lake, Cascade Canyon et le couple Bradley & Taggart Lake
Pour la première journée, après être passé voir les rangers de Moose, je prends la direction du Jenny Lake et de ses multiples sentiers. On nous a conseillé d’aller faire un tour à Inspiration Point et dans le Cascade Canyon pour nous en mettre plein les mirettes. Le premier parking à côté du Jenny étant plein, je démarre finalement la randonnée un tout petit peu plus loin, au niveau du String Lake.
Le sentier se balade dans une belle zone de forêt avant de franchir très vite le canal faisant la jonction entre les deux lacs pour longer le Jenny Lake sur son bord ouest. La chaîne des Tetons déploie ses sommets à l’horizon, le Grand Teton apparaissant et disparaissant au gré des courbures du lac dans une zone qui a été dévastée par le feu il y a quelques années.
Le sentier rejoint au bout d’un peu moins d’une heure l’embarcadère du lac, où la plupart des touristes débarquent, amenés là depuis l’autre visitor center voisin. Il y a tout de suite plus de monde, voire trop de monde à dire vrai, autour des « Hidden Falls » qui n’ont rien de caché et jusqu’à Inspiration Point, un promontoire de toute beauté.
C’est à partir de là que les choses plus ou moins sérieuses – en tout cas plus longues – commencent ! Il n’y a soudainement plus grand monde sur le sentier du Cascade Canyon et le paysage change petit à petit, devenant plus alpin avec beaucoup de sapins et quelques « meadows » où l’on cherche les moose et les ours, sans succès. La sente, en fond de canyon, est parfaitement visible et entretenue, dominée par les sommets environnants : Mount St John, Mount Owen, Teewinot Mountain et bien évidemment le Grand Teton lui-même.
J’étais à l’origine parti pour rejoindre la fourche du sentier menant soit au Lake Solitude, soit au Schoolroom Glacier mais j’ai décidé de finalement faire demi-tour pour avoir le temps de voir d’autres zones du parc, trouvant la balade certes sympathique mais pas assez « variée », surtout dans le cadre d’un sentier en aller/retour. Pas une critique hein, juste une décision. Si vous ne poursuivez pas jusqu’au Lake Solitude, vous pouvez tout à fait envisager de faire comme moi.
La journée étant toutefois encore loin d’être terminée, je file boire un café et manger au cookie au Visitor Center du Jenny Lake. C’est l’occasion de voir quelques unes des hordes de touristes qui traversent une seule et unique journée les parcs de Yellowstone et Grand Teton ; au mieux en deux journées. Autant dire qu’il y a peu de temps consacré au second et c’est finalement tant mieux pour les animaux et pour les randonneurs !
Je reprends la voiture pour rejoindre un autre parking, un peu plus au sud, le Taggart Lake Trailhead. On a ici une jolie petite boucle vers deux lacs : le Bradley Lake et le Taggart Lake. Le soleil commence à descendre tout doucement, la lumière est plus douce, c’est l’heure où on peut espérer croiser un peu plus de monde animal sur le bord des sentiers.
Malheureusement, il n’en sera rien. Pas l’ombre d’un moose, d’un ours noir ou d’un grizzli. Pas même un wapiti. En revanche, j’en ai pris plein les yeux et j’ai fortement regretté de n’avoir pas pris mon maillot de bain pour piquer une tête dans l’un ou l’autre lac ! Cela aurait été tout simplement parfait pour terminer la journée.
Seconde journée – Mormon Row, Surprise Lake, Amphiteater Lake et Garnet Canyon
Pour commencer cette seconde journée, je m’arrête dans un premier temps au Mormon Row. Il s’agit là d’anciennes communautés mormones dont certains bâtiments ont été classés et sont donc entretenus ; tandis que d’autres restent bel et bien habités. Pourquoi y venir ? Déjà parce que la vue y est particulièrement belle… et aussi parce qu’il y a parfois des bisons dans le coin ! Point de bisons ce dimanche matin-là mais les belles vues étaient au rendez-vous.
Même combat du côté de Menors Ferry et de la chapelle de la Transfiguration où était donnée une courte messe dominicale. Les anciens bâtiments, la chapelle et bien entendu l’ancien système de ferry avec sa barge mise à sec ; tout cela fleure bon les pionniers et des temps vraiment pas si anciens où Grand Teton était une montagne et pas un National Park.
Trêve de considérations historiques : direction la randonnée ! Nous sommes en « bear area » paraît-il, c’est marqué à peu près partout et il y a même une affichette au départ du Lupine Meadows Trailhead parlant d’un ours ayant reçu une « récompense » de nourriture humaine au côté du camping de Surprise Lake. Bon, ça tombe mal, c’est là où on va ! La bonne nouvelle, c’est que j’ai un spray anti-ours prêté par notre hôte AirBnb, elle-même guide dans la région.
Le sentier serpente d’abord à plat à travers la forêt et les zones humides où l’on imagine volontiers les ours gambader le soir venu, avant de se mettre à grimper de façon très constante le long des pentes de la chaîne des Tetons. On surplombe très rapidement toute la grande plaine à bisons s’étendant de l’autre côté de la route principale du parc, ainsi que les lacs découverts le jour précédent.
L’ascension, si elle est un peu raide, est loin d’être pour le randonneur averti un gros challenge physique. On arrive donc sans trop de difficulté à la première escale de cette randonnée : le Surprise Lake. Niché dans la forêt, entouré de jolis sommets, il est photogénique au possible mais après une courte pause, je ne m’y attarde pas plus que ça.
C’était une erreur car j’ai appris au second lac, quand d’autres randonneurs nous ont rejoint, qu’un ours noir (le fameux ?) s’était pointé là où je me tenais pour faire mes photos une petite dizaine de minutes après mon départ ! Frustration…
Plus haut donc, il y a l’Amphiteater Lake et une fois encore, j’ai regretté de n’avoir pas pris mon maillot de bain ! L’endroit est idyllique et s’il y a bien sûr un peu de monde sur place (c’est dimanche, les locaux se baladent aussi), on est en petit comité de randonneurs. Il ne faut d’ailleurs pas manquer de grimper un peu sur les quelques sentiers surplombant le lac. De quoi vraiment se rendre compte du côté « amphitéatresque » du lieu.
A la descente, il en reste encore un peu dans les jambes alors décision est prise de prendre une bifurcation vers le Garnet Canyon. Pile au niveau de ce changement de chemin, un léger bruissement se fait entendre dans les fourrés à droite. Quelle surprise que de tomber nez à nez avec un cerf hémione pas gêné plus que ça par notre présence et continuant ses petites affaires comme si de rien n’était !
Plus loin, le Garnet Canyon se laisse découvrir et se resserre peu à peu tout en continuant de grimper doucement. Le sentier s’achève au niveau d’une zone de repos et d’une énorme zone d’éboulis. Il y a pourtant matière à continuer, puisque le sentier n’est pas tout à fait terminé… On peut alors pousser jusqu’au pied du Middle Teton, avec sa gigantesque ligne droite distinctive ! Superbe.
Troisième journée – Two Ocean Lake, Jackson Lake et des grizzlis !
Dernier jour. Dernière chance de voir d’autres animaux que les antilopes aperçues le soir précédent en bord de route ou que cet adorable cerf en bord de chemin ? Peut-être bien. J’avais en tout cas bien l’intention de maximiser mes chances en choisissant les coins à grizzlis…
Je m’arrête d’abord au Snake River Overlook, où fut prise l’une des photos les plus célèbres des parcs nationaux américains ! L’endroit est effectivement scénique au possible. Plus en tout cas que la première vue en arrivant au Two Ocean Lake Trailhead. La randonnée ne paye en effet pas de mise, faisant le tour du lac éponyme et offrant potentiellement l’opportunité d’aller faire un tour au Grand View Point, un point de vue assez éloignée de la chaîne des Tetons.
Pour ma part, j’ai le regard au loin et je regarde partout, cherchant des traces de passage d’animaux, voire même des animaux, qui sait ! Mais non, rien. Pas un moose, pas un cerf. Et puis à un moment, à environ 200 mètres du chemin, il y a comme une souche qui bouge. Avec deux petites souches qui bougent à côté. Je suis dos au vent, pile dans le bon axe et la souche tourne la tête vers moi. C’est une femelle grizzli avec ses deux petits.
Allongée dans les herbes, les petits qui gambadent autour… Elle m’a vu. Elle nous a vus. Elle nous sent. Elle s’en fout. Elle est loin certes, mais il y a une petite peur dans les tripes, une excitation aussi, plein de respect et d’amour enfin. J’aimerais être plus près mais je suis très bien là où je suis.
La fin de la randonnée s’achève presque sans un bruit, avec les émotions qui continuent de faire du yoyo et l’attention toujours au maximum dans les dernières zones boisées, entre espoir d’une nouvelle rencontre et soulagement que la première se soit faite à bonne distance.
Prenant la direction du Jackson Lake, je m’arrête rapidement au niveau d’Oxbow Bend, un superbe point de vue sur la Snake River et la chaîne de montagnes désormais sous la menace d’un bel orage. Le contraste est saisissant !
En arrivant au Visitor Center de Colter Bay, sur les bords du Jackson Lake, il est clair que la pluie ne tombera pas ici et restera sur les flancs des montagnes. Il est donc encore temps de se promener un peu, dans la zone semi-lacustre d’Hermitage Point. Il paraît que c’est là qu’on a le plus de chances de voir des moose. Alors bon, le moose, c’est un peu l’animal mystérieux. Jamais vu un seul. Ou alors sur des photos pixelisées au possible. C’est à se demander si ce n’est pas le dahu…
Mais bref, le coin a l’air joli de toute façon, avec son Heron Pond, son Swan Lake et sa Half Moon Bay. De quoi se promener à plat, en fin de journée, dans un environnement forestier superbe et avec des vues sur les montagnes orageuses en attendant le retour du soleil. Oh, il y a aussi des castors. On ne les a pas vus mais on a clairement vu leurs énormes constructions !
La balade est quasiment finie. En fait, il doit nous rester à peine deux kilomètres jusqu’au parking et nous sommes sur les bords du Swan Lake. Au détour d’un très léger faux plat, je m’immobilise brutalement car il y a devant moi, à une vingtaine de mètres, une grosse marron qui bouge. Un grizzli qui s’éloigne doucement du chemin où il devait marcher quelques secondes auparavant…
Il est temps de reculer doucement en chantonnant « il en faut peuuu, pour être heureuuux… ». Heureux, je le suis. Prudent, aussi. La distance de sécurité avec les ours est d’environ 100 mètres. Là, c’est 5 fois moins ! Autrement dit, vraiment beaucoup trop près. J’attendrai donc le bon moment pour dégainer l’appareil photo et changer mon objectif, malheureusement un 70 mm maximum…
L’ourse s’est posée sur son cul avec la délicatesse qu’ont les ours à ce moment-là : patapouf ! Elle semble être absorbée par autre chose et oui, ce sont bien deux oursons qui apparaissent d’un coup. L’un semble noir comme un petit ours noir tandis que l’autre a bien le coloris doré que l’on attribue (à tord) aux seuls grizzlis.
Au bout d’un moment, alors que l’ourse a clairement tourné la tête vers nous et nous a ainsi clairement signalé qu’elle est au courant de notre présence, je reprends mon chemin pour les dépasser tranquillement. Forcément, une fois dépassés, les ours se remettent en marche, en direction du chemin de randonnée. Nor-mal. Voilà comment on se retrouve à marcher en regardant dans son dos et à marcher à reculons pour continuer l’observation !
Le moment était parfait. Ces deux oursons étaient parfaits. La mère se dressant à la verticale sur un tronc était parfaite. Tout était parfait, sauf mon fichu objectif. Ce sera pour une prochaine fois et à défaut de belles photos, restent clairement dans ma mémoire ces instants très précieux. Pourvu qu’ils y restent ad vitam aeternam.
De retour à la voiture, je reprends la route vers Victor, m’arrêtant une dernière fois au Snake River Overlook. L’orage s’est évaporé mais quelques nuées restent tandis que le soleil a disparu derrière l’immense chaîne montagneuse.
Demain, je dois traverser une nouvelle fois le parc mais sans m’y arrêter : direction Yellowstone. Suis-je triste de quitter si tôt Grand Teton National Park ? Oui. Vraiment, je serais bien resté quelques jours de plus, pour me donner quelques chances supplémentaires de vivre ce genre de moments et profiter de l’extrême quiétude de ce parc.