Le voyage touche gentiment à sa fin alors que je me lève à Crescent City. Je suis de retour en Californie et il faut désormais descendre doucement mais sûrement vers San Francisco, le long de la côte et de l’océan (tout sauf) Pacifique. Il y a dans cette zone nord de la Californie une multitude de petits State Parks visant à protéger tant la faune que la flore et il n’y aura donc vraiment pas trop de problèmes pour trouver de quoi faire…
C’est encore plus vrai pour la première journée, puisque Crescent City est en fait l’épicentre de nombreux parcs dédiés à la préservation d’un écosystème bien particulier : celui des séquoias, la zone de Redwood. Pas les giganteum, non, visités deux ans auparavant au Sequoia NP, les sempervirens. Ce séquoia à feuilles d’if, toujours vert donc, est en fait l’arbre le plus haut du monde. Du moins celui qui en a la capacité !
Le Redwood National Park n’est pas seul dans ce combat puisqu’il y a ici une alliance unique entre National et State Parks. C’est le seul endroit des USA où les parcs se sont alliés au service d’une cause commune : Prairie Creek Redwoods State Park, Del Norte Coast et Jerediah Smith Redwood State Park travaillent de concert avec le Redwood NP pour sauver ce qu’il reste des séquoias géants de la côte californienne.
Une escale au visitor center de Crescent City permet de définir le programme de la journée, avec un accueil encore une fois extraordinaire et des conseils avisés, entre goût personnel et approche pragmatique. Devant terminer la journée à Fort Bragg, je ne repartirai pas vers le nord et Jerediah Smith SP, traversé le soir précédent en arrivant de Crater Lake ; trop loin, trop de route ensuite.
Je file donc plein sud, vers l’autre zone accueillant les plus vieux et plus grands spécimens de « Redwood », le Prairie Creek Redwoods SP. Une petite route quitte la 101 à travers les arbres, la Newton B. Drury Scenic Parkway. Il ne faut pas hésiter alors à s’arrêter de temps à autre sur les menus parkings qui la parsèment et s’égrènent en direction du Prairie Creek visitor center.
Ce sont autant de possibilités de balades entre les géants, à la découverte de groupements préservés de l’abattage ou dans certaines zones en reconstruction, après que les différents chemins d’exploitation forestière aient été détruits et que la forêt ait commencé à reprendre ses droits. L’histoire de la zone est remarquable, vraiment ; c’est celle d’un sauvetage in-extremis des 5% d’arbres légendaires étant encore debout et qui reprend peu à peu sa place.
Un peu avant le visitor center, une double zone de toute beauté mérite vraiment un arrêt ! Il y a d’un côté une belle balade le long de la rivière de Prairie Creek, côté droit en venant du nord et un tout petit peu plus au sud, le point clé de la zone : Big Tree.
Les rangers ne manquent pas d’humour car si le Big Tree est effectivement un sacré beau morceau de séquoia, il y a une tonne d’autre « Redwood » à côté, tous plus beaux et massifs les uns que les autres. Pas de doute en tout cas, ce coin du parc regroupe de très beaux spécimens qui méritent vraiment qu’on s’arrête et que l’on se perde dans le calme brumeux et frais de la forêt.
Le ranger m’avait ensuite conseillé d’aller faire un tour dans la Cal-Barrel Road, une impasse de quelques miles, large comme une voiture ; un ancien chemin d’exploitation forestière laissé volontairement en l’état. La route, tracée on ne sait trop comment, serpente de façon laborieuse entre les fûts immenses. On se sent ici un nain et notre voiture, pourtant pas si petite que ça, ressemble à une miniature ! Un détour à ne pas manquer, vraiment.
La route continue et on rejoint la fameuse 101 pour la quitter aussitôt, en direction de Lady Bird Johnson Grove. Les arbres ici sont immenses mais la forêt devient nettement plus mixte, les séquoias laissant en partie la place à d’autres espèces de pins. Il fait un froid de canard pour être honnête et la brume est épaisse, on n’y voit plus grand chose…
Décision est prise d’abandonner, on a déjà pris une bien belle dose d’arbres gigantesques et si je pourrais marcher à longueur de journée d’un redwood à l’autre, la route est encore un peu longue. On trouvera bien une autre escale en chemin !
Et oui… effectivement, quelques miles plus au sud, après avoir dépassé l’officiel Redwood National Park, on découvre sur la droite, après quelques belles lagunes dénuées malheureusement de phoques ce jour-là, le Patrick’s Point State Park.
C’est ici que vivaient les populations Yurok avant que les européens ne les déciment peu à peu, avec leurs maladies et leur colonialisme ; avec leur soif pour l’or également. On trouve dans le parc un village traditionnel, où les populations viennent renouer avec leurs origines ; tandis que de nombreux sentiers permettent de découvrir la côte environnante, du Wedding Rock au Rocky Point, en passant par le Patrick’s Point, le tout battu par la fureur du Pacifique.
Les villes côtières s’enchaînent, le long de la belle route 101. Eureka, Fortuna, Myers Flat… et puis à hauteur de Leggett, on tourne à droite, sur la légendaire route 1. Une longue montée sinueuse, un régal pour le conducteur, franchit alors la barrière rocheuse qui nous sépare du Pacifique, grimpant haut et fort au milieu des arbres. Le soleil commence à descendre doucement.
Le débouché de l’autre côté des arbres, à l’aplomb de la côte Ouest, est fantastique. La route 1 descend alors, parfois rapidement, vers l’océan baigné d’une lumière de fin de journée mêlant chaleur et légères brumes remontant des flots en contrebas. Rockport, DeHaven, Westport, Newport, les courbes s’enchaînent et je résiste plusieurs fois à l’envie de m’arrêter mais la brume monte désormais avec vigueur et le soleil disparaît. Il faut rejoindre Ford Bragg pour la nuit. Mais quel bout de route, vraiment, quel régal !