Crète – Panagia Kera, Spinalonga et Kolokytha

Les nuages aperçus le soir précédent ont semble-t-il disparu mais l’après-midi est annoncée orageuse, voire pluvieuse, aussi pour cette nouvelle journée de découverte de l’Est de la Crète, je me dis qu’il serait plus judicieux de rester au bord de l’eau.

Le programme est alors tout trouvé, limpide même : l’île de Spinalonga et ses alentours ! Mais d’abord, une petite escale à deux pas du village de Kritsa : la Panagia Kera. Il est tôt quand j’arrive et il n’y pas encore de cars de touriste, c’est vraiment l’idéal que de venir à la fraîche ou bien en toute fin de journée, avant la fermeture.

Cette petite église est effectivement très courue puisqu’il s’agit ni plus ni moins de l’une des plus belles de Crète. Elle date du XIIIème siècle, est supportée par de très larges contreforts et abrite au coeur de ses trois nefs des fresques des XIV et XVème siècles, en clair-obscur. La Cène, le Massacre des Innocents, la naissance du Christ aussi, tout y est, entre autres Jugement Dernier, Sainte Anne ou Saint Antoine. Une vraie petite merveille.

Je file maintenant vers Elounda, point bas où l’on frôle un petit isthme séparant le « continent » crétois et la péninsule de Kolokytha. Je poursuis pour le moment ma route au nord, jusqu’au village de Plaka. Plaka reste encore à peu près préservé d’un point de vue architectural mais entre Elounda et Plaka, de nombreux resorts et groupes de maisons ont poussé… pas fameux fameux, mais vraiment pas pire qu’à Agios Nikolaos. Pour le moment.

Il faut dire qu’en face de Plaka, à portée de bateau, il y a l’île de Spinalonga, l’un des hot-spots de Crète, un endroit plutôt unique et surtout très émouvant : l’une des dernières léproseries d’Europe, fermée en 1957 seulement. On embarque pour revenir, quand eux ne revenaient pas. Les anciennes fortifications vénitiennes sont visibles partout sur l’île, qui ne fut ensuite abandonnée par les turcs qu’au début du XXème siècle.

C’est à ce moment-là que l’île fut transformée en léproserie, coupée du reste du monde, développant son économies, son système social, sa vie. La lèpre peut prendre plusieurs formes, l’une contagieuse, l’autre non et il y eut même des naissances sur cette île bien particulière.

La visite mérite d’être complète, à savoir qu’un simple petit tour de l’île ne suffit pas. Il faut grimper vers l’ancien hôpital, trouver les anciens stocks de poudre vénitiens, filer les ruines d’une église haut perchée pour trouver enfin la ligne de crête qui ouvre l’horizon. Quel panorama, là-haut.

Plus bas, on retrouve l’ancien fort, massif, d’autres bâtiments, avec sa petite église, les échoppes aussi – restaurées – qui servaient à la communauté de 300 à 400 personnes. Quelques photos d’époque ici et là, des souvenirs aussi et enfin les bâtiments les plus récents, à deux pas de la zone d’entrée où on trouve encore l’ancien bouilleur.

Pour peu qu’on laisse passer quelques groupes d’excursionnistes, on peut visiter Spinalonga quasiment en autonomie et dans le calme… La foule, on la retrouve après avoir fait le tour de l’île et en avoir arpenté les chemins les moins courus, après avoir découvert le cimetière des lépreux, aux tombes bien scellées. Elle est sur le quai, oppressante, affairée partout à faire des selfies, alors qu’il est désormais un peu plus de midi. Il faut venir tôt à Spinalonga, très tôt. Même hors saison.

La visite de Spinalonga est poignante, émouvante. Il règne ici une ambiance bien particulière, à laquelle on repense bien quand le bateau repart et s’éloigne. Voici le trajet que beaucoup n’ont jamais parcouru, même après la mise sur le marché du traitement contre la lèpre, car rejetés par les communautés de l’île. L’isolement, jusqu’au bout.

Comme j’ai encore envie de me dégourdir les jambes (Spinalonga n’est pas une randonnée à proprement parler), je repars plein sud, vers Elounda et surtout vers le petit pont qui sépare la Crète de l’île de Kolokytha. D’anciennes salines se laissent entrevoir à droite, alors que la route passe littéralement au ras de l’eau pour devenir une piste de quelques kilomètres menant à la première plage de l’île.

Je pose la voiture au niveau d’une petite église, celle de Saint Luc, avant de filer au nord, le long d’un sentier littoral assez peu usité mais bien balisé. La plupart des touristes et visiteurs font en fait le chemin Elounda – plage mais ne vont pas plus loin. Les bateaux d’excursionnistes s’arrêtent également à la plage… Autrement dit, dès que vous remontez au nord en direction de la petite église d’Agios Fokas, il n’y a plus personne.

Une belle balade, avec un petit goût de randonnée tout de même et surtout une belle pause pour se baigner, tandis que les nuages sont bel et bien arrivés ! On s’en fout, tout nu dans l’eau, il fait bien bon…

Comment bien finir la journée ? Ma foi, en repartant au nord ! Je dépasse Plaka pour m’engager sur la route grimpant sec vers Vrouchas. La vue depuis les quelques miradors aménagés sur la pente est splendide, dévoilant Spinalonga comme gardienne du passage entre Kolokytha et la Crète, comme un petit Gibraltar.

Sur les crêtes, la route ondule doucement entre les oliviers, dévoilant de superbes paysages sauvages mais aménagés par l’homme. Le monastère d’Arétiou est caché là, dans la montagne, sur la route qui redescend ensuite doucement vers la grand route et Kritsa. Le lieu est paisible, joliment entretenu par deux moniales invisibles lors de ma venue. Une escale bien agréable en fin de journée.

La carte de cette journée de balade :

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