Eure – Visite du château de Vascoeuil

Au gré de mes essais, je continue depuis de nombreuses années de me rendre en Normandie et plus spécifiquement dans l’Eure. Sauf que cela faisait bien longtemps que je n’avais pas profité de ces excursions pour continuer mon exploration du département. Pourquoi ? Aucune idée.

Toujours est-il qu’il me reste encore beaucoup à découvrir dans la région, entre jolis châteaux, villages croquignolets et jardins remarquables. Au menu cette fois-ci : le château de Vascoeuil, tout au nord de l’Eure, à la frontière avec la Seine-Maritime.

Le site est remarquable à de nombreux égards ; de part sa situation et sa conversation architecturale d’une part, mais aussi pour son histoire récente, marquée par le grand historien Jules Michelet. On est d’ailleurs accueilli à l’entrée par une jolie grange abritant un musée consacré au personnage, lié au château puisqu’il y établit un cabinet de travail, invité sur place par l’un de ses élèves, Alfred Dumesnil. Il vécut ici une relation platonique avec la mère de celui-ci, la châtelaine de Vascoeuil, Françoise Adèle Poullain-Dumesnil.

On pénètre ensuite dans le parc, peuplé d’arbres plutôt remarquables, tandis qu’ici et là, des oeuvres tout à fait contemporaines se laissent voir, entrevoir et découvrir, joliment intégrées dans ce décor naturel traversé par une agréable rivière. Braque, Dali, Chemiakin, Cocteau, Szekely, Volti, Coville et tant d’autres : il y a dans le parc et dans le jardin à la française de quoi rêver un brin.

On se balade ainsi, passant devant l’ancienne grange du moulin, dont le canal a été conservé afin de générer une belle cascade et un cadre idyllique au restaurant / bar du domaine. Idéal pour boire un verre et grignoter une gourmandise après la visite. Il faut en tout cas bien prendre le temps de déambuler et d’apprécier l’intégration talentueuse de ces bronzes, céramiques et autres marbres dans l’environnement du château de Vascoeuil.

On approche ensuite du château, ancienne maison forte médiévale dont le bâti actuel, construit entre les XVème et XVIIème siècle, conserve une tour octogone. L’endroit m’a fait pensé au manoir des Brumes, dans lequel j’ai passé un superbe séminaire. Ancienne commanderie templière, l’endroit avait beaucoup de similitudes, en sus d’être proche géographiquement : colombier, rivière, moulin, maison fortifiée et ainsi de suite. Un site remarquable, comme Vascoeuil donc.

La cour centrale, en sus d’abriter quelques oeuvres supplémentaires, accueille un superbe colombier du XVIIème siècle. Remarquablement conservé, il sert de lieu d’exposition pour les affiches des collections de Bernard Buffet, disposées sur le diamètre intérieur, tandis que l’échelle rotative, plutôt unique, servait d’accès aux boulins abritant les colombes du seigneur du domaine. Plus de boulins bien sûr… ils ont été détruits à la Révolution !

On découvre ensuite de plus près le château et son autre côté, avec un joli jardin à la française abritant lui-aussi de belles oeuvres, dont cette Dryade de Morel, comme mangée par la haie. Beauté. L’équilibre entre ces anciennes pierres restaurées avec soin et amour et ce foisonnement d’oeuvres bien choisies est remarquable, conférant un caractère très (très) particulier à Vascoeuil. Je ne m’attendais pas à cela, très honnêtement !

Les actuels propriétaires du lieu, acquis en 1964, ont un goût tout à fait certain et ont su créer une belle harmonie, qui pousse à la flânerie, à la contemplation et à l’admiration. On resterait ici des heures, à passer d’un banc à l’autre, de l’ombre à la lumière, en écoutant les flots de la rivière s’écouler discrètement derrière soi.

Il est maintenant temps de découvrir les intérieurs du château, restaurés avec soin et servant de lieu d’exposition pour quelques oeuvres permanentes mais surtout des expositions et manifestations temporaires. Jusqu’au 20 Octobre prochain, c’est Bernard Buffet qui est à l’honneur et cette seule exposition mérite que l’on s’arrête à Vascoeuil. Déjà que le parc et le château le méritaient… cela fait une double raison et une double ration de plaisir visuel.

Né en 28 et considéré comme l’un des plus grands peintres français contemporains, Bernard Buffet était un être rare, entrant aux Beaux-Arts à l’âge de 15 ans, avant d’être consacré par le Prix de la Critique à seulement 20 ans… Il vivra avec Pierre Bergé avant que ce dernier n’ait son célèbre coup de foudre pour YSL. Il rencontre alors Annabel Schwob avec qui il vivra jusqu’au dernier moment. Ne pouvant plus peindre puisque souffrant de la maladie de Parkinson, il met fin à ses jours en 1999.

Il nous reste ses oeuvres, ses témoignages, empreints de figuration, de vérité, d’austérité. Il fixe sur ses toiles les vanités, la cruelle réalité des natures mortes, des nus, des écorchés ou encore de la mort. L’exposition lui rend parfaitement hommage, avec une cinquantaine d’oeuvres à portée de main, si proches de nous, rendant l’expérience assez viscérale.

Au sommet de la tour, comme une respiration, le cabinet de travail de Jules Michelet, joliment reconstitué, offrant de superbes vues sur la cour du colombier et sur le jardin à la française et les collines avoisinantes. C’est certain, définitif, Vascoeuil est un petit paradis. Foncez-y avant la fin de cet hommage à Buffet.

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