Essai – Ford Mustang Mach-E AWD

Après un premier essai électrique « hors Tesla » avec l’Audi RS e-tron GT, j’ai retenté l’expérience avec un autre prétendant sérieux dans le domaine de l’électrique : Ford. Le constructeur historique arrive tardivement sur le marché par rapport à certains mais il arrive fort(d) et ose beaucoup. Un véhicule électrique chez Ford ? Logique. Qui s’appelle Mustang ? Ok… soit c’était une question de temps. Qui s’appelle Mach-E ? Logique, avec d’autres appellations historiques comme Mach 1. Qui a la forme d’un crossover ? QUOI ??? Oui, vous avez bien lu, ça a déjà été abordé 120.000.000 de fois sur la planète automobile… et personnellement, je trouve ça extrêmement osé et en même temps d’une logique extrême. Voici donc la Ford Mustang Mach-E AWD à l’essai, la première Mustang électrique.

L’éléphant dans la pièce ayant été identifié et évacué en brisant toute la porcelaine, on peut maintenant se consacrer au tour du propriétaire. Mustang Mach-E ressemble… à un crossover et à une Mustang. C’est possible et Ford le prouve en mêlant avec brio les codes sportifs du coupé légendaire et la silhouette forcément un brin pataude de ces autos qui ne savent pas vraiment à quel sein se vouer. Certains ont très bien réussi la chose, je pense par exemple au DBX, d’autres sont un peu moins heureux ; Ford s’en tire très bien. Je me souviens néanmoins de ma réaction en découvrant l’auto : je l’avais trouvée assez laide. Depuis, j’en ai croisé un bon paquet sur les routes et maintenant face à ma version d’essai, je suis finalement plutôt convaincu.

Pas de doute, la silhouette reste haute et assez massive. Un crossover reste un mélange bizarre de berline, SUV et coupé et il en ressort forcément quelque chose de « gros ». Une Mustang thermique, ceci dit, est loin d’être un petit gabarit et dans l’ensemble, on doit donc manoeuvre une grosse machine, la différence ici étant que l’on monte dans l’auto là où historiquement on y descendait. Cette silhouette n’en reste pas moins dynamique et curieusement séduisante grâce à un capot avant bien plongeant et creusé, mettant en évidence les ailes. Les roues sont plutôt quelconques mais elles cachent en revanche un système de freinage que l’on identifie comme étant généreusement dimensionné, tandis que les ailes arrière, musculeuses et bien décrochées de la ligne fuyante « fast back », en imposent.

Fort a bien sûr fait le nécessaire pour que Mustang Mach-E ressemble bien à une Mustang : le regard à l’avant rappelle bien quelque chose, tout comme la signature lumineuse à l’arrière. La calandre est un peu différente, forcément, mais il y a là-aussi quelque chose et le « pony » est bien présent à l’avant comme à l’arrière, au cas où on douterait, aucun logo Ford n’étant visible nulle part. Les réactions à son contact furent en tout cas extrêmement positives, l’auto étant jugée impressionnante, dynamique, sportive, musculeuse, etc. Soit Ford avait dépêché des acteurs sur mon parcours, soit l’auto plaît, cochant un bon nombre de cases de la demande populaire. Alors, certes, ce n’est pas la passion déclenchée par une Mustang V8 mais il s’est quand même passé quelque chose. Comme quoi…

Je me permets de rajouter une mention « extrêmement bien » sur trois points de détails, que j’ai trouvé brillants. Il y déjà l’ouverture des portières, qui se fait via un tout petit bouton rond intégré dans les montants de portière. Simple, efficace. Il y a ensuite la petite poignée très aérodynamique qui sert pour les portières avant. L’appendice surprend, au départ, tant il est inhabituel. On remarque du coup l’absence totale de poignées de portières sur l’automobile, chose qui a du permettre la suppression de pas mal d’opérations de montage et du nombre de composants associé. Sans parler du travail facilité pour les presses fabriquant les tôles. Brillant. Enfin, côté conducteur, un petit clavier tactile se cache au dessus du bouton d’ouverture de porte, permettant à quiconque dispose du code d’ouvrir l’auto et de la verrouiller. Extrêmement pratique quand on veut aller nager où que l’on veut envoyer untel chercher quelque chose dans la voiture. Du détail, donc, mais du détail utile et très bien pensé. Pas du détail, donc, quand on parle expérience utilisateur.

Une fois monté dans l’habitacle, on découvre que Ford a fait avec Mustang Mach-E le choix de la continuité et de la rupture. La continuité se retrouve logiquement dans certains éléments stylistiques ou certaines fonctions et boutons déjà vus ailleurs dans la gamme américaine. Elle se retrouve aussi avec quelques clins d’oeil comme le « ground speed » qui perdure sur le petit écran 100% numérique. En revanche, on oubliera les commandes aviation car au centre de l’habitacle trône désormais une immense tablette verticale. Cela vous rappelle quelqu’un ? C’est normal ; il n’y a pas de honte à s’inspirer de ce qui se fait bien ailleurs. Là où Audi m’avait surpris par son conservatisme, Ford ose nettement plus de choses et se paye aussi un très joli tableau de bord. Résultat ? Ma voisine de voiture a préféré cet habitacle à celui de l’Audi. Plus lumineux, plus moderne, mieux perçu au global.

La Mustang Mach-E soigne par ailleurs bien ses occupants, avec un mix USB-C et USB-A, de nombreux espaces et volumes de rangement, un coffre avant compartimenté (que l’on peut remplir de glace pour l’apéro et vider / nettoyer au jet d’eau, si si, je vous laisse chercher l’info), de petites poignées d’ouverture de porte rigolotes, un écran devant le conducteur simplifié au possible qui affiche juste ce qu’il faut, un système son B&O performant et donc ce grand écran avec sa molette chromée qui trône en bas, un peu surprenante au premier abord. On retrouve à l’affichage une version évoluée du système Ford Sync, l’itération 4A, qui est une belle évolution de ce que la marque a déjà réussi à faire, à savoir un système certes pas aussi sympathique qu’Apple CarPlay, mais pas désagréable à utiliser du tout.

Le seul grief est pour moi l’impossibilité d’avoir un itinéraire en cours sur Waze et un autre, avec le planificateur de charge Ford, sur Sync ; l’un désactivant l’autre. Pour le reste, l’interface est très claire avec ses petits blocs fonction : pression pneus, consommation, accès rapide à CarPlay, etc. Les commandes de siège et climatisation sont en revanche assez petites et situées tout en bas de l’écran, rendant leur accès et leur réglage en roulant un peu moins aisé que ce à quoi je m’attendais. On y découvre aussi deux grands sous menus, Commandes et Réglages, bien gérés. C’est ici que ça se passe pour les modes de conduite, la possibilité d’activer ou non le mode « One Pedal » et ensuite le changement de code de la porte ou encore les seuils d’activation du mode « batterie faible », par exemple. Clair et efficace, j’ai vraiment apprécié le travail mené sur Sync en intégration des spécificités d’un véhicule électrique.

En parlant de véhicule électrique, que dit Mustang Mach-E à ce sujet ? Bon, déjà, que j’ai la version AWD, à savoir dotée d’un second moteur électrique entraînant le moteur avant, ce qui augmente sensiblement le couple et la puissance disponibles, mais on en reparlera plus tard. Ce qui est important, c’est que la voiture est équipée d’une batterie de 99 kWh (88 utiles) et se dote d’un port de charge d’un côté uniquement, en Type 2 ou en CCS. Le branchement est simple, l’ouverture aussi d’ailleurs et tout devrait normalement bien se passer. C’est… partiellement vrai et c’est à la fois lié à mon expérience m’ayant mené en Charente-Maritime et à quelques améliorations nécessaires tant du côté de Ford que de celui des réseaux de recharge.

Le premier point concerne les recharges sur autoroute. Doté de ma carte FordPass et d’un véhicule compatible Plug&Charge, je m’attendais à profiter du réseau Ionity sans me poser une seule question. Tu arrives, tu prends la première borne disponible, tu branches, la borne et la voiture se disent bonjour et hop, tu vas prendre ton café, ton sandwich, faire pipi, te dégourdir les jambes et te remplir les esgourdes de discussions d’aire d’autoroute et tu reviens quand la batterie a coché la case 80%. Sauf que non. Déjà, le Plug&Charge n’a jamais fonctionné. Ensuite, la carte FordPass n’a jamais été reconnue. Bilan : appeler le service Ionity, expliquer la situation (Mustang Mach-E, parc presse, carte FordPass, todo bem) à chaque fois pour démarrer la charge. C’est… pénible mais gratuit, donc je vais pas pleurer mais en tant que client, ça m’aurait gentiment agacé de me rendre compte que les systèmes ne communiquent pas bien ensemble.

Le second point est relativement comparable puisque sur les bornes de Charente-Maritime compatibles FordPass, la carte n’a là non plus pas été reconnue. Hmmm, ça commence à faire, là. Certes, les services clients sont absolument adorables et une fois le numéro de carte FordPass fourni au téléphone, la charge démarre ; mais on a envie d’une expérience un peu plus fluide que ça. Largement plus fluide, même. Il n’en demeure pas moins que la charge, une fois lancée, dépote bien. La puissance annoncée par Ford est au rendez-vous et elle se tient très bien de 10 à 50-60% de batterie. Au delà, on redescend tranquillement mais le plein 20-80% est effectivement réalisé rapidement.

Le dernier point concerne quant à lui Ford et son planificateur d’itinéraire. L’interface Sync 4A est très claire, tant dans la recherche que dans la planification des itinéraires, permettant de choisir lors de la recherche les stations compatibles FordPass ; mais pas le planificateur – ou alors je n’ai pas trouvé. Bilan : le système m’a proposé un Supercharger Tesla pas encore ouvert à la concurrence. Ou m’a collé un détour vers de belles bornes 300kW non compatibles FordPass. Ou ne gère pas bien le fait qu’une station soit d’un côté de l’autoroute ou de l’autre avec accès réellement faisable ou pas (coucou les barrières…). Tout cela m’a permis de tester par deux fois une autonomie restante de 20 km, l’occasion d’ailleurs de saluer la précision somme toute assez bluffante du système de calcul de la Mustang Mach-E – qui m’annonçait tout de même 70 km d’autonomie restante à l’arrivée, lors du lancement de l’itinéraire.

Bref : aller loin avec cette auto est tout à fait faisable mais cela nécessite quelques connaissances et adaptations, ainsi que suffisamment de trajets à son bord pour bien la connaître. Je n’ai pas vécu ça avec l’Audi RS e-tron GT ou la Mercedes-Benz C 300 e, encore moins avec une Tesla et son réseau Supercharger extrêmement rassurant de par sa fiabilité et son maillage – pas forcément par ses tarifs si j’en crois une rencontre fortuite lors de mon dernier ravitaillement aux alentours d’Orléans, sur le retour. Cela rejoint d’ailleurs un commentaire entendu par ailleurs, à savoir qu’il vaut mieux s’abonner à toutes sortes de services (ChargeMap, FordPass, etc.), afin d’être sûr de bénéficier du meilleur tarif négocié ! Le voyage à longue distance en électrique est donc bien possible, avec des temps de pause tout à fait raisonnable, mais il reste à améliorer la fiabilité et la fluidité de l’ensemble du service.

Et la conduite, alors ? Parce que bon, on parle d’une Mustang, là… La version AWD de la Mustang Mach-E annonce 351 ch (68 à l’avant, 286 à l’arrière) et surtout 580 Nm de couple et cela se sent pas mal à l’accélération et aux relances. Les performances, quel que soit le mode de conduite choisi, sont convaincantes malgré les 2.2 tonnes de la bestiole. On a bien sûr vu plus foudroyant mais il ne faut pas oublier qu’il ne s’agit pas de la version GT, on est là face à un SUV à vocation somme toute familiale, bien que typé dynamique. Mission accomplie donc pour la mise en mouvement, juste ce qu’il faut de copieuse.

Il est donc tout à fait possible d’avoir un rythme bien dynamique mais malheureusement, le bât blesse rapidement du côté du dos, avec un amortissement exagérément ferme sur les petites routes, plus ou moins bosselées. Les divers ralentisseurs sont également assez pénibles, rendant l’expérience de conduite franchement un rien trop sportive à mon goût. La tenue de caisse reste bonne et ne se désunit pas, montrant que Ford n’a pas totalement perdu la main et s’est sûrement fait un peu dépasser par la masse du bestiau et le choix d’une suspension passive. Ce n’est pas comme s’ils ne savaient pas faire un bon châssis, après tout !

Côté direction, ce n’est pas forcément parfait, celle-ci se montrant assez peu communicative mais sans être transparente ou artificielle non plus. En somme, Mustang Mach-E porte le blason Mustang et on s’attend donc, même sur la version « milieu de gamme » à avoir un minimum de sportivité et de ressenti ; comme ce fut par exemple plutôt bien fait sur la version EcoBoost de Mustang, un peu plus légère du nez et finalement assez amusante. Ici, on ronge un peu son frein et cette Mustang apparaît vite comme étant une bonne voiture électrique plutôt qu’une Mustang, profitant d’un centre de gravité abaissé, d’une bonne répartition des masses et d’une suspension (très) bien tenue.

Le freinage est lui aussi sportif, agressif à souhait et rassurant quant à son dimensionnement dès qu’on enchaîne quelques décélérations appuyées. Mieux, le toucher de pédale est excellent, que l’on choisisse le mode One Pedal ou non. Pour le premier, on rentre directement dans les freins, avec une réactivité pédale très grande ; pour le second, les transitions entre freinage régénératif et freinage étant bien faites. Il est bien sûr possible d’activer un mode régénératif plus fort avec la touche L du bloc PRND situé au centre de l’auto. Toujours est-il que j’ai pour ma part surtout roulé avec le mode Whisper et le mode One Pedal, très bien réalisé.

On se prend vite au jeu, comme sur Tesla Model 3, de la modulation avec cette seule pédale, anticipant au maximum pour lâcher la pédale et la moduler au bon moment. La décélération au lâcher de pédale est assez importante, pouvant presque être inconfortable pour le passager qui découvre alors ce que signifie une décélération de 0.3g ! En revanche, en s’adaptant petit à petit à la sensibilité de la pédale, on réussit à trouver systématiquement le bon compromis afin de s’arrêter pile au bon endroit, uniquement sur le régénératif. Objectif : ne plus toucher les freins. Et cet objectif est très facile à atteindre !

C’est l’occasion de parler consommation, puisque Mustang Mach-E se montre efficient et fidèle aux autonomies annoncées. En moyenne, j’ai consommé 20.5 kWh/100 sur mes 1472 km d’essai. Sachant que ce kilométrage impliquait un aller/retour sur autoroute, réalisé à 130 km/h GPS, entre Paris et Saintes, c’est tout à fait correct ! Sur trajets normaux, j’ai réussi à baisser la consommation aux alentours des 17 kWh/100, convenable vu le gabarit de l’auto. On est bien sûr encore loin de l’efficience d’une Tesla mais n’oublions pas qu’il s’agit là d’une première auto électrique pour la marque à l’ovale bleu. Sur autoroute, la consommation oscille plutôt entre 23 et 25 kWh/100, selon la pente / le gros vent de face / l’âge du capitaine.

La Ford Mustang Mach-E AWD est donc une très bonne voiture électrique, surtout pour un premier opus, mais ce n’est pas une sportive. Pourtant, elle en a quelques « défauts » pour ce qui du confort et elle porte un blason historique tout ce qu’il y a de plus légitime pour la sportivité. Le verre est à moitié vide, à moitié plein, on ne sait pas trop. Je choisis pour ma part d’oublier le blason et retiens la qualité du travail fourni par la marque sur l’expérience numérique dans l’auto, sur l’attention aux détails de la partie électrique du véhicule, sur le mode one-pedal et la bonne utilisation des kWh de la batterie. Pour un premier jet, c’est très convaincant, à défaut d’être encore au niveau de la concurrence qui a pris une avance de toute façon non négligeable ; mais c’est aussi très bien positionné d’un point de vue tarifaire, voilà qui rééquilibre sérieusement la comparaison. Il me tarde d’essayer la version 2RM et bien sûr, la GT à la puissance gargantuesque.