En balade à la Collection Rosenblum and Friends – Born In Dystopia

Il y a deux semaines, j’ai eu l’occasion de visiter un lieu plutôt unique qui s’il est certes ouvert régulièrement au public, n’est pas forcément situé là où l’attendrait et mérite clairement un coup de projecteur. Ce lieu, c’est la Collection Rosenblum and Friends.

Rosenblum, ce nom vous dit sûrement quelque chose, surtout s’il est accolé à deux prénoms, deux frères. Reste que Steve Rosenblum et sa femme, Chiara, sont des amateurs d’art en général. D’art africain à l’origine (il y a à peine 15 ans), d’art contemporain plus récemment (disons entre 5 et 8 ans). Un constat s’est imposé à eux : ils aiment collectionner et ont aussi des amis partageant cette passion pour l’art contemporain et pour la mise en valeur d’artistes n’ayant pas toujours pignon sur rue ou n’arrivant pas à se faire connaître.

La Collection Rosenblum est justement un lieu qui leur est dédié : mettre en valeur des oeuvres d’artistes connus ou méconnus répondant à un thème propre à chacune des expositions, « Born In Dystopia » étant la toute première accrochée depuis le mois d’octobre et l’ouverture de ce lieu qui coupe le souffle. Et pour cause ! Porte noire mat, gigantesque vestibule plongé dans la pénombre où se découpent deux rais de lumière tandis qu’au fond une oeuvre faite de film vidéo brille d’un feu noir. Magistrale entrée mais c’est quand on tourne la tête à droite en pénétrant dans le premier rai de lumière que le lieu prend toute sa dimension.

Oeuvres colossales, plafonds haut-perchés, lumière légèrement tamisée et du parquet partout au sol. On est loin des expositions d’art contemporain où le froid domine le froid. Ce lieu est vivant et chaleureux, tout comme ses propriétaires. Autant de préjugés anéantis grâce à ce lieu. D’ores et déjà l’occasion d’un remerciement enthousiaste !

La visite, effectuée sous l’égide de Steve Rosenblum, nous a permis de faire un tour détaillé des nombreuses oeuvres présentées pour « Born In Dystopia ». Tout commence par Little Boy & Fat Man de Matthew Day Jackson, une réflexion sur la chute sans fin de ces bombes symbolisant ce que l’humanité a fait d’un pouvoir énorme, le détournant, l’usant d’une manière qui est l’un des véritables témoins de notre époque : le déclin. On retrouve d’ailleurs cette réflexion dans les autres oeuvres de l’artiste, que ce soit « Second Home », ce gigantesque caisson contenant un abri antinucléaire se répétant à l’infini dans les glaces sans tain. Crâne de plomb, combinaison de protection faite de ses vêtements et juste à côté, cette empreinte d’un pas sur notre Terre (à moins que ce ne soit la Lune ?), là aussi symbole d’un déclin de l’empire américain depuis les années 1970.

D’autres oeuvres trônent aux murs. Celles de Kelly Walker, entièrement travaillées sous Photoshop et mettant en abîme la réalité de l’information, des sources, de la vérité, couche sur couche sur couche et ainsi de suite. Et puis les deux Boltanski avant d’attaquer le remarquable travail de Lilli Reynaud-Dewar, deux poèmes entièrement retravaillés à la main tandis que les affiches d’Alan Ruppersberg et la première statue humaine de Duane Hanson se répondent.

On continue dans une autre pièce consacrée à Steven Shearer, artiste canadien qui entre autre oeuvres nous montre la culture comme un fluide dans son cube de cuivre. Puis c’est ce container explosé, celui de Christoph Büchel. Et le pétrole qui coule à flots de ce 9/11 et de ce G8. Et de la Cold War II qui se joue de nos jours. Oeuvres frappantes que celles-ci.

La suite est du même niveau avec les « Connections » de Mounir Fatmi… Pas d’explications, tout est dans le face à face avec l’oeuvre. Même impression avec les oeuvres d’Ahmed Alsoudani ou de Tala Madani, engagées, subversives, violentes et définitivement bourrées de talent.

L’exposition s’achève ensuite avec d’autres oeuvres mais celles de Loris Gréaud sont à tomber. Tout comme ce dernier homme composé de tant de matériaux et de symboles, une de mes oeuvres préférées que l’on aperçoit sur l’une des photos, je vous laisse chercher. Mais ce qui reste dans mon crâne, c’est ce fax, envoyé par J.G. Ballard sur son lit de mort.

Vous l’avez compris, cette Collection Rosenblum est un véritable concentré de perles, toutes dissemblables et pourtant complètement dans cette thématique de la dystopie. Concentré de talents, concentré de passion aussi et volonté de partager ce lieu, de l’ouvrir, de sortir les pièces des entrepôts où elles finissent trop souvent.

Si vous avez vous aussi envie de découvrir ce lieu, cette exposition et la prochaine, c’est ouvert le samedi entre 11h et 17h avec visites guidées à 11h et 15h. Et ça coûte 10€ si je ne m’abuse. Au vu de la quantité et de la qualité des oeuvres exposées, de la nature privée de la collection, cela me semble un prix tout ce qu’il y a de plus honnête.

Courez-y !