Bazar du weekend – Blogueuse et le Rêve Américain de Duane Hanson à la Villette

Petit weekend tranquille, le second de ce genre après la succession de déplacements et autres petits bonheurs qui se sont enchaînés entre la mi-juin et la mi-juillet, l’occasion d’aller faire un tour dans Paris. Au programme : une pièce de théâtre, Blogueuse, à la Manufacture des Abbesses. Mais aussi « le rêve américain » de Duane Hanson à la Villette. Et puis de longues balades entre les Abbesses, la Villette et le retour à la maison en passant par la place Ste Marthe et un bar qui est bien parti pour devenir ma nouvelle taverne.

On commence par Blogueuse, pièce qui m’a été recommandée assez chaudement et que nombre d’influentes sont allées voir paraît-il. Du coup j’y allais avec un mélange d’intérêt et de circonspection et mon sentiment à la sortie est du même genre ! L’intérêt est lié à la richesse du texte (du « vrai » français, soutenu), à sa très bonne interprétation (les actrices sont au poil, facétieuses et complémentaires) et au choix de poser les différentes scénettes comme autant de « billets » de blog auxquelles les trois actrices insufflent la vie et l’humour.

La circonspection, ou plutôt la légère déception, vient du fait que j’attendais quelque chose de plus cynique, de plus dur, de plus méchant. Ce n’est que très peu le cas ici : quelques piques, quelques constats finalement assez faciles sur la vie de blogueuse « influente » courtisée et sollicitée par tel ou tel journal ! Les auteurs de la pièce se sont contentés de pointer quelques défauts très visibles pour peu que l’on lise un blog, quel qu’il soit (et celui-ci inclus) : la propension du blogueur à raconter sa vie quand bien même tout le monde s’en tape, le nombrilisme parfois galopant, la capacité à dénuder des zones énormes de vie privée alors que les proches n’en sont pas informés voire même n’ont pas le droit de connaître l’information tandis que les « lecteurs », si ! Mais voilà, on reste en surface, on ne creuse pas. Le texte aborde finalement le début de la vie d’une blogueuse, son amour des statistiques et son ego qui enfle. Quid de la suite ?

Blogueuse est donc bien interprété, bien écrit mais il manque une dose de cynisme, d’ironie plus mordante, quelque chose qui fasse que la pièce se démarque de son accroche : « Si Bridget Jones avait eu internet »… Car voilà, sous le couvert d’un titre aguicheur qui plaît à la blogobulle, ce sont finalement des histoires de fille racontées sous forme de billets de blog qui sont ici racontées et détaillées. Le « blogueuse » et les terminologies « web 2.0 » ne sont donc qu’un prétexte pour raconter ces histoire intemporelles. Toutefois, si cela vous dit de vous faire votre avis, n’oubliez pas de chuchoter « churros » au moment de réserver vos places… tarif réduit garanti !

La suite, c’est donc un très rapide passage à l’expo Duane Hanson à la Villette, baptisée « Le Rêve Américain » et qui traduit la vision hyperréaliste de l’artiste de son pays et de ses contemporains : l’ennui, la déception, l’abattement…

Premier choc : le réalisme. Confondant, troublant, bluffant. Hallucinant. L’exposition est à voir pour cette raison toute simple : son réalisme (bon, en plus, c’est gratuit…). J’ai été totalement abasourdi par le niveau de détail atteint par l’artiste dans ses sculptures à taille réelle.

Le second choc vient de l’abattement visible de ses personnages, leur ennui, leur tristesse à peine masquée, l’expressivité des visages figés dans une position du quotidien. Cela en est presque bouleversant, on se prend à chercher un mouvement dans le regard, un mouvement d’une veine, une frissonnement des poils des bras, un orteil qui tressaute. Mais non, rien. Ces gens là ne sont pas là et pourtant leur présence muette est un fardeau que l’on trimbale tout le long de l’exposition, un brin courte.

Car oui, on aimerait en voir plus, se gorger du désespoir figé de ces gens. On aimerait aussi se convaincre que l’on n’est pas comme ça, qu’on ne souffre pas nous-mêmes de ce syndrome de désillusion que Duane Hanson a si habilement mis en forme. Et pourtant, on nage d’ores et déjà en plein dedans. Du coup je me raccroche à mes voyages, à mes envies d’avoir un oeil neuf sur les choses qui m’attendent par la suite. Mais cette exposition m’a mis un coup, malgré tout. Courez-y.