Petite chronique du ridicule – Charles de Peyssonnel

L’autre jour en découvrant une librairie dans le Marais, je furetais dans les étalages quand je suis tombé sur cette « Petite chronique du ridicule » de Charles de Peyssonnel, éditée chez Payot. Le titre me rappelait furieusement le film « Ridicule » et surtout, l’accroche, « Les Français ont-ils changé depuis 1782 ? » m’a bien fait rire…

En 1782, après une longue carrière diplomatique à l’étranger, Charles de Peyssonnel (1727-1790) fut si étonné de redécouvrir ses compatriotes qu’il s’amusa à rédiger cette « critique délicate des ridicules qui nous environnent ». Injustement oubliés, ces petits textes ont conservé toute leur saveur pour décrire les citadins dans leurs maisons de campagne, la folie immobilière à Paris, l’amour des chiens, la surproduction de livres inutiles, les désirs immodérés et bien d’autres choses encore. Le Français du XXIe siècle va pouvoir joyeusement méditer sur lui-même et ses contemporains en suivant le fil d’une plume du XVIIIe siècle.

Si le style peut parfois dérouter un peu, si certaines remarques quant à nos amis anglais sont terriblement surannées, le reste est en effet d’une repoussante actualité. Le premier chapitre de ces chroniques lance le lecteur parisien dans un fou rire incontrôlable : Charles de Peyssonnel y décrit Paris, ses bâtiments sublimes côtoyant des monstres d’architecture sans saveur, il nous parle de ces ruelles qui sentent l’urine ou encore pointe l’absolu manque d’implication des parisiens dans la construction des édifices publics, dressant un parallèle avec ceux qu’il appelle les « Anciens », à savoir les Grecs et Romains, qui eux n’hésitaient pas à sacrifier des bouts de fortune plus que généreux pour le bien public.

La suite est elle-aussi drôle, on y parle de ce qui était la « campagne » à l’époque et qu’on peut maintenant appeler la banlieue un peu éloignée dans laquelle nombre de parisiens se réfugient pour y cultiver jardin, petites et grosses bêtes et ainsi avoir la sensation d’être « à la campagne »… sauf qu’ils n’ont aucun des avantages de Paris, ni aucun de la vraie campagne… simplement des inconvénients qu’ils camouflent plus ou moins bien.

Et puis il y a une partie sur la paresse des français vis à vis des langues étrangères (jouissif), sur la disparition progressive de la capacité à marcher des parisiens, sur les chiens, sur le café, sur les outrages faits à la langue française…

Bref : des thèmes tout à fait actuels. Et une plume acérée sur une époque au bord de l’explosion, saignée à blanc par la Révolution que Charles de Peyssonnel ne verra pas, mais dont les usages se sont propagés jusqu’à nous. Le ridicule perdure. Et on peut faire confiance à nos contemporains pour l’entretenir avec brio.