J’avais laissé Mathieu Gaborit après la lecture des Chroniques des Crépusculaires et des Féals, un roman et une trilogie de fantasy d’un très bon niveau qui ne m’avaient pour autant pas transcendé outre mesure. Le voilà de retour avec Bohème, roman nettement plus axé steam-punk doublé d’une certaine dose de catastrophisme nommée écryme.
Quand un dirigeable porteur d’une précieuse cargaison clandestine s’échoue dans l’écryme, c’est Louise Kechelev, avocate-duelliste et fille de révolutionnaires praguois, qui est chargée de récupérer la cargaison… Mais que s’est-il passé exactement à bord du Lysandër ? Dans la même zone, un régiment de hussards en mission de reconnaissance a été décimé par une mystérieuse crise de folie. Seul survivant, le commandant Léon Radurin doit fuir les foudres de la Propagande. Pour Louise et Léon, c’est le début d’un voyage sans retour aux confins des traverses, où se murmure le nom d’une cité perdue : Bohème.
On se retrouve dans un univers ralenti dans son progrès à l’aube de son avènement, soumis au scientisme, empoisonné par la Propagande de l’Empire, à la fois cloisonné et relié par ses traverses eiffeliennes mais surtout horriblement déprimant et oppressant.
Le texte est agréable à lire, on est dans l’ambiance dès le départ, dès ces toutes premières pages passées au coeur de l’écryme en compagnie de Léon. Et puis on repasse en ville, on suit Louise et ses névroses, on observe comment l’auteur commence à nous décrire la vie sur les traverses et la connexion qui se fait implicitement entre Léon et Louise. C’est déjà la fin de la première partie et commencent alors à s’entrouvrir d’autres possibles, une vision mystique de l’écryme et de ce qu’elle implique : Bohème. Une ville ? Non. Une idée. Un concept, autre chose, indéfini, nul ne sait trop.
La suite est malheureusement brouillonne, terriblement brouillonne. C’est l’arrivée de Léon et Louise en Russie, à Moscou, où la Révolution soviétique a finalement trouvé un chemin à travers l’écryme pour se dérouler, n’en déplaise à l’Histoire ! On croise alors une foule de personnages, de situations… on s’attarde, on décrit… L’auteur tente de nous poser un univers mais on sent avant qu’il n’en a pas le temps : trop peu de pages dans ce livre pour aller « plus loin ». Et pourtant on sent qu’il en a envie !
Seulement voilà, Mathieu Gaborit s’est imposé dans la première partie un niveau d’excellence dans le récit, au niveau de l’ambiance, de l’univers ou des personnages, qu’il est impossible de soutenir dans la seconde partie moscovite. Bazar politique, bazar de personnages, bazar mystique, manque de détails sur des points pourtant essentiels à la bonne compréhension de ce qu’est l’écryme, on tombe dans le mystique sans intérêt et on se perd dans le récit, on décroche doucement, mais très surement.
Au final, le livre se clôt et se repose dans un coin avec la sensation d’avoir découvert un univers véritablement novateur et plaisant mais au final bâclé par manque de pages ou de structuration des différents éléments de la seconde partie. Dommage.