Poco Loco – du gravel basque entre Pau et Bilbao

Après Aix-Milan au mois d’août et quelques jours à peine après Extrême Ouest, me voici embarqué dans une nouvelle aventure avec Poco Loco : la « Mysterio ». C’est qu’on y prendrait goût, à ces bêtises… La Mysterio, c’était la trace et la destination mystère de l’année. Peu d’informations, quelques indices ici et là et je ne sais pas vraiment s’il y a eu beaucoup d’inscrits avant que le point de départ et d’arrivée ne tombent. En tout cas, je fais partie de celles et ceux qui ont attendu ladite communication pour embarquer. Départ de Pau, arrivée à Bilbao, une trace route et une trace gravel, le pays Basque côté français et côté espagnol, avec les Pyrénées et leurs pentes assassines au milieu.

Pour ce qui est de l’équipement, c’est l’avantage d’enchaîner l’aventure bretonne et la basque, il suffit de repartir exactement avec la même configuration : tente deux places, duvet un peu plus chaud en revanche et puis on rajoute les sacoches de fourche pour avoir un peu plus de capacité d’emport. Il y a pourtant quelque chose en plus, l’envie de bivouac, de dormir au milieu de la nature, de ne pas faire comme sur la Poco Aix-Milan ! Qui dit bivouac, dit possible absence de repas chaud et de café matinal. Et ça, c’est juste pas possible. La mission de dernière minute, après être arrivés à Pau, va donc être de partir en quête d’un magasin outdoor pour s’équiper. Réchaud, gaz, popote, mission accomplie, compte en banque allégé aussi mais c’est léger, compact et clairement réutilisable en randonnée pédestre.

Nous voici avec Raphaëlle au check-in de l’aventure. Le lieu choisi est génial, très apaisant, à quelques pas de la gare de Pau. C’est aussi d’ici que le départ sera donné le lendemain matin et c’est aussi là qu’on va passer la soirée à manger et à (trop) boire… ! Bref, toujours la belle ambiance, les retrouvailles avec Harald, Caroline et Max, les jolies photos de Floé (vous en verrez d’ailleurs quelques-uns ici et là dans les galeries photos). Les retrouvailles avec les copains et copines, aussi ! Plein de visages connus, d’autres pas encore connus, certains vus il y a quelques jours à peine, d’autres il y a quelques mois, le vélo longue distance est une fois de plus une petite famille où il fait encore bon vivre.

Jour 1 / Fondation

Départ. L’amélioration continue, c’est important, à ce qu’il paraît. Cette fois-ci, on n’a pas raté le sas horaire mais ça s’est joué à vraiment pas grand chose ! Dans la boucle WhatsApp de l’événement, Max nous a donné l’objectif du jour : le col d’Aubisque. Il roule avec Nina sur une trace alternative mais nous retrouvera tous les soirs pour bivouaquer, ayant repéré la trace et donc les bons spots pour dormir à l’air libre. En attendant, il fait encore nuit alors que les jambes se mettent à tourner pour s’échapper de Pau à travers bois. Un peu de gravel pour se réchauffer dès le départ, une voie verte, un petit pont très humide et puis une berge de cailloux, super roulante ; le ton est donné !

Après cette mise en jambes et le départ groupé, nous roulons à deux à travers la plaine paloise. La météo est incroyable, la lumière du petit matin sublime. Les contreforts des Pyrénées sont en ligne de mire alors que nous suivons gentiment la trace qui utilise en partie une véloroute menant à Lourdes. Les jambes ont un peu de mal, on a clairement un peu trop abusé le soir d’avant et même si nous sommes en terre sainte, pas de miracle ! A hauteur de Lourdes, on rattrape une partie de l’équipe qui vise le bivouac. Ils ont déjà fait le plein de nourriture et ils s’échappent vers l’ascension du jour pendant que nous faisons nos courses pour le midi et le soir et prenons un temps de pause à l’heure la plus chaude.

Nous sommes début octobre et il fait plus de 30°C… Pas vraiment les conditions attendues mais si d’un côté, la température excessive n’est pas agréable, l’absence de pluie pendant toute la semaine sera malgré tout bien appréciée ! En attendant, il faut bien grimper et tant pis s’il fait chaud. Les points d’eau sont heureusement suffisamment nombreux pour cette ascension qui n’en finit pas : d’abord de l’asphalte, puis une belle piste gravel à travers la forêt d’Arragnat. On atteint un premier col et il n’y a malheureusement pas de point d’eau sur zone. Il faut continuer de grimper pour atteindre un nouveau col, sous le pic de Bazès.

La suite est un caviar incroyable, une piste splendide serpentant dans ce cirque pyrénéen de toute beauté ! Après la cabane de Cantau, voici le lac de Soum, si photogénique. La piste est roulante, agréable, cela fait beaucoup de bien au moral après la montée où il parfois fallu pousser le vélo. Les pentes pyrénéennes sont plus méchantes que celles des Alpes. Une rapide descente nous fait retrouver la route et la civilisation. Un petit bar est niché en bord de route et on y trouve de splendides tourtes aux myrtilles et du fromage local. Parfait pour le dîner et le petit-déjeuner. Le plein d’eau est fait, il reste à attaquer le dernier morceau du jour.

Col d’Aubisque. Un nom célèbre mais surtout, des paysages de folie. La montée est longue, difficile, mais il fait sensiblement plus frais et le soleil disparaît même discrètement derrière la frontière du col. Les derniers kilomètres et les dernières centaines de mètres d’ascension sont un beau challenge, puisque nous aurons couvert sur cette première journée la bagatelle de 100 bornes mais surtout 2000 mètres de D+, avec des jambes pas incroyables ! Le col d’Aubisque est enfin là, le paysage est incroyable. Photo souvenir et puis il faut continuer sur quelques centaines de mètre. Le reste de l’équipe est là, leurs vélos tout du moins !

Les humains, ces chers êtres de la team bivouac, sont plus haut, perchés sur la crête. Les FloÉ aussi sont là et Max et Nina ont monté de la bière jusqu’au col. Nous arrivons avec Raphaëlle un peu après tout ce petit monde, pile poil pour le coucher du soleil, laissant nos corps et nos esprits refroidir tandis que la chaleur humaine de cette fine équipe nous réchauffe le coeur. Avant de refroidir complètement, il faut encore monter la tente, face aux montagnes et au soleil levant. Sortir le réchaud et le tester, manger chaud fait un bien fou. La nuit sera douce, bien qu’un peu en pente. J’ai hâte de voir le soleil se lever.

Jour 2 / Max a un beau cul sait choisir les spots bivouac

Les réveils sonnent au petit matin. Je suis déjà réveillé et en dehors de la tente. Sophie est quant à elle déjà prête et s’élance seule. Vangelis résonne soudain, en provenance de la tente de Pierre. Ce sera, avec le reste d’une playlist d’une intensité rare, le rituel de tous nos matins à venir ! Les rires fusent, l’eau chauffe pour le café. Premiers levés ou presque, derniers partis. Je ne suis pas trop du matin, je n’aime pas me presser et pour Raphaëlle, c’est encore pire. Qu’importe, cela laisse au soleil le temps de commencer à chauffer un peu, dévoilant un paysage aussi beau qu’espéré.

La lumière est incroyable et sur les premiers kilomètres de piste, je ne cesse de m’arrêter pour prendre des photos. Pik, pak, pok. Un caillou faut un drôle de bruit en cognant mon vélo. Etait-ce bien un caillou ? Réponse quelques dizaines de mètres plus loin quand je baisse mes yeux vers mon guidon où l’absence de téléphone portable sur le support Peak Design m’interpelle. Stressomètre au maximum en quelques centièmes de seconde. L’origine du bruit, c’était un iPhone qui chute. Je laisse le vélo là, rebrousse chemin. Le téléphone a pu rebondir et tomber bas en contrebas. C’est la merde.

Coup de bol, il est là. Le nez, enfin, l’écran, vers la caillasse. Rien de cassé, juste de la poussière partout. Décidément, cet iPhone est un miraculé. C’est sa seconde chute du vélo. La première fois, c’était en plein milieu de la circulation, sur les coronapistes à côté de Val-de-Fontenay, sans coque de protection. Voilà qui fait une drôle d’entame de journée mais ça m’apprendra à mieux reposer mon téléphone sur le support magnétique / mécanique ! Maintenant que tout va mieux, on roule, on déroule, on se gave de cette lumière incroyable.

Nous retrouvons le groupe en contrebas d’une grande descente herbeuse à travers laquelle il convient simplement de tracer, pas trop vite, pas trop lentement, bien flexible sur le vélo. La suite de la descente, après une traversée de troupeau équin, est sensiblement plus technique ! C’est bien simple, on aura mis deux heures pour faire quelques bornes, avant de rejoindre la civilisation à Laruns. On alterne ensuite jolies pistes et jolies routes, en direction d’Oloron-Sainte-Marie. Objectif supermarché pour faire le plein de nourriture.

Les autres sont devant nous et ils auront le temps de faire les courses. Quant à nous, nous avons quelques minutes de retard et j’avoue que je stresse un peu pour rien. La boulangerie est trouvée pour le midi, on a du stock de nourriture pour un repas. Raphaëlle réussit à me faire redescendre en tension. C’est aussi ça, l’avantage de rouler à deux, même si ce n’est pas toujours facile de s’accorder et d’être raccord. Le repas est avalé, nous reprenons assez rapidement la route car il y a quelque chose comme 113 bornes à faire, aujourd’hui.

Un groupe de vélos chargés attire notre attention, c’est le reste de la team bivouac qui s’est attablé au restaurant pour la pause déjeuner. Comme ils sont un peu plus rapides que nous, nous continuons. Il reste l’ascension du jour à se farcir avec avant cela un très bel enchaînement de routes et de sentes jusqu’à Tardets. La boulangerie locale est encore ouverte et nous faisons une petite pause bienvenue avant l’ascension. Les autres ne nous ont pas encore rattrapés, on continue d’avancer.

Bien nous en a pris car l’ascension finale, en direction des montagnes surplombant Larrau, est un joli morceau ! D’abord sur route et ensuite sur piste, puis de nouveau sur route, cela ne cesse de monter et descendre, avant de choisir et de partir sur une montée de col. Chacun son rythme, chacun sa musique. Dans ces conditions, ce n’est pas chacun pour soi mais c’est à chacun de gérer son rythme, son effort. Mon genou, douloureux après Extrême Ouest, n’est pas complètement remis. Depuis hier et pendant tout le séjour, je n’aurai pas d’autre choix que de monter en danseuse, dès que la pente dépasse quelques %.

J’arrive en premier au col, rattrapant les parents de Jeanne (une amie d’asso vélo, le monde est petit !). Max et Nina sont déjà là et j’ai juste le temps d’apercevoir un joli cul nu (celui de Max) (il l’a vraiment beau) (j’espère que vous avez acheté son calendrier) avant de réaliser que s’il est dans cette tenue, c’est parce qu’il y a des abreuvoirs et de l’eau à profusion ! Ce soir, c’est douche au bidon ! Une bonne nuit, ça tient parfois à pas grand chose et si j’ai très bien dormi sans me laver après une journée d’effort (merci le mérinos), je suis bien content de pouvoir me doucher le second soir.

Max sait bien choisir les coins de bivouac, en voilà encore la preuve ! Douche, montage de tente, le reste de l’équipe arrive peu à peu, en ordre dispersé par la pente. Certains prennent leur douche au bidon pendant que d’autres font trempette. Chacun sa stratégie, le tout dans la rigolade et avec les montagnes en fond. Le groupe bivouac, fondé le jour précédent, continue de se souder au gré des expériences, tantôt regroupé, tantôt séparé en fonction des besoins d’intimité ou de calme des uns et des autres, fluide.

Jour 3 / Descendre, monter. Redescendre, remonter.

Le petit matin de ce troisième jour ressemble beaucoup au précédent. La musique s’élève, le soleil aussi. Le paysage est incroyable. La nuit a été parfaite et le petit déjeuner l’est tout autant. Pas de café ce matin-là, je suis en effet persuadé que nous serons rapidement à Larrau et que nous le prendrons là-bas. Belle erreur car la piste file en réalité plein est en direction de Licq. La descente est incroyable, avant de devenir encore plus incroyable et finalement embouteillée par un troupeau de chevaux sauvages !

Patience et encouragements pour les faire descendre avec nous, tout en restant à distance respectueuse. Nous atteignons Licq en même temps que Thomas et Lucie et faisons le plein des bidons avant la grimpette. Pas de bar, pas de boulangerie, rien, il faut avancer. Persuadé que j’étais que nous allions rapidement à Larrau, j’avais bêtement pensé que nous ne descendrions pas autant en fond de vallée… Qui dit descente, dit montée. Et la route de Larrau grimpe fort, très fort !

La bonne surprise du jour sera tout de même le camping de Larrau, dont l’épicerie est ouverte et qui nous laisse également profiter de ses toilettes ! La pause supermarché, ratée le jour précédent, se fait donc un dimanche matin, au milieu des montagnes. Inespéré. Après un café avalé autour de l’abreuvoir de Larrau, il est plus que temps de s’attaquer au premier gros morceau du jour : le col de Larrau. La journée est plus courte que les autres mais ce sera aussi la plus pentue du voyage, avec 2300 mètres d’ascension. Le col de Larrau en avale une bonne partie.

Le petit groupe bivouac est éclaté dans la pente. Certains ont les écouteurs. D’autres sont dans le dur, en silence. Je retrouve un petit groupe en pause au niveau du faux-col. Vélos et cyclistes dans l’herbe, au soleil. Il faut tout de même ne pas trop traîner et se remettre en route, trouver le bon équilibre entre pause réparatrice, refroidissement du corps et nécessité d’avancer. Le dernier morceau d’ascension nous mène finalement, toujours en ordre dispersé, jusqu’au col. Pause photo. Pause déjeuner. Encouragements divers et variés. La journée est belle.

Qui dit montée, dit descente ! Côté espagnol, la route s’ouvre et déroule son bitume. Nous roulons à tombeau ouvert, trajectoires plus ou moins soignées, la vitesse vient de toute façon naturellement, merci la gravité. Il ne faut pas rater la bifurcation à droite, dans la forêt d’Iraty. Après le bitume, nous voilà partis pour une descente infinie à travers bois, sur une piste gravel de toute beauté. Cela pourrait durer des heures qu’on ne s’en lasserait pas et la bonne nouvelle, c’est que ça dure des heures.

La piste débouche sur une zone touristique où l’équipe fait une pause et remplit les bidons. On fait ensuite le tour du lac de retenue d’Irabia, pour retrouver la route et sortir de la zone boisée. Le temps a filé mais la journée est loin d’être finie. Après une très courte descente, c’est une montée infâme qui nous attend. Pied à terre. On pousse, on ahane, on maudit Max, aussi. Et puis le sentier vaguement pédestre débouche sur un plateau incroyable où une large piste nous mène en ondulant et descendant doucement jusqu’à la portion de route suivante. Le coin est sublime. La journée pourrait s’arrêter là que ce serait parfait.

Pas de bol, car qui dit descente, dit montée. Max nous attend au pied du Bentarte, un petit sommet local où trônent quelques ruines de fort. Toutes les jambes sont fourbues, ça chantonne ou ça chante à tue-tête pour rester motivés. Le groupe est soudé et avance, cahin-caha, sur la route qui n’en finit plus de monter, vraiment plus. Max doit avoir les oreilles qui sifflent encore un peu. C’est quand qu’on arrive ? En réalité, le paysage est une nouvelle fois incroyable et la montagne, sauvage à souhait. De quoi se plaint-on ?

Le coin bivouac est enfin atteint. Max et Nina sont là. C’était splendide et le coin est parfait, avec une source d’eau bien pure à quelques encablures. Un troupeau de moutons s’égaie sur la pente voisine, les tentes poussent comme des champignons, les rires fusent, les douches glacées font un bien fou, le réchaud chante. Tout est pardonné. Jusqu’à la prochaine montée ?

Jour 4 / J’irai dormir à la plage

C’est encore une petite journée qui nous attend, avec un peu moins de 90 kilomètres à parcourir. Raphaëlle et moi prenons donc le temps de nous faire un café, de petit-déjeuner tranquillement. Les autres ont filé rapidement après une nuit parfois troublée par les déambulations du troupeau autour de nos tentes ! Nous les suivons rapidement, après avoir fait le plein de nos gourdes à la source qui se trouve en fait sur le chemin de Saint-Jacques. La suite de notre route en fait aussi partie, à travers les immenses plateaux au dessus de la vallée de Saint-Jean-Pied-de-Port.

La descente qui nous emmène en ville semble infinie, autant que l’était la montée le soir précédent. Il faut rester un minimum concentré car il y a énormément de pèlerins sur la route et nous déboulons, vélos chargés, à des allures élevées ! Les salutations sont de rigueur et l’ambiance est bonne, le rythme aussi. Le groupe s’est arrêté en ville pour faire un petit plein de café, de gâteau basque et autres viennoiseries. C’est le second petit-déjeuner pour nous. Qu’importe.

Nous reprenons la route tous ensemble, certains décidant ici et là de couper la trace pour s’éviter quelques raidards particulièrement pentus ! Notre objectif, c’est l’escale, la mi-parcours de cette Poco Loco, établie sur les hauteurs d’Espelette. L’escale, c’est la promesse d’un bon déjeuner, d’une douche chaude et des retrouvailles avec Stéphane, notre comparse d’Aix-Milan qui a rejoint la course en cours de route et nous a dépassés le jour précédent, les jambes bien fraîches !

L’escale, c’est aussi une pause un peu trop longue, à dire vrai. C’est un piège qui se referme tranquillement sur nous, sans qu’on s’en rende totalement compte. A la fois, il faut se laisser le temps mais a posteriori, j’aurais aimé me remettre en route plus vite. On en revient aux forces et faiblesses du fait de rouler à deux ou de rouler en groupe. Il reste des kilomètres à avaler et de belles bosses à gravir pour rejoindre la côte où nous avons rendez-vous ce soir.

Espelette traversée, nous pénétrons plus avant dans le Labour, la section côtière et diablement plus riche du pays basque français. Les montagnes moutonnent, la lumière se fait plus douce alors que le jour file. La circulation n’est pas trop dense mais plus sensible et pas vraiment agréable, c’est l’heure de la débauche et tout un chacun est pressé de rentrer chez soi. Nous aussi, à dire vrai. Il faut absolument que l’on fasse quelques courses pour le soir. Pour cela, il faut se manger un petit bout de montée et descente en zone super commerciale, à la frontière entre Saint-Jean-de-Luz et Guéthary.

Le contraste avec les trois jours précédents est saisissant, un peu violent aussi. Mon moral et mon humeur s’en ressentent. Nous arrivons sur la plage en derniers. Thomas et Lucie ont filé jusqu’à un camping. Le groupe route est là, aussi, sur la plage. Je ne suis ce soir-là pas d’humeur très sociable, c’est mon côté ours qui ressort un peu. La tente est montée sur le sable, après l’avoir aplani au mieux (franchement, on a bien bossé), le réchaud est sorti. Nous mangeons en silence, rejoints ponctuellement par Florent et Max qui viennent aux nouvelles et s’assurer que tout va bien avant de filer, comprenant que cette solitude choisie nous sied parfaitement pour ce soir.

Jour 5 / Jean Sa Race

Quand on roule sur plusieurs jours, il y a des moments avec et des moments sans. Le rythme, la forme, le moral, l’envie. Autant de fluctuations auxquelles on fait souvent face seul, que l’on roule à plusieurs ou non. Savoir l’exprimer, savoir le dire, l’entendre, n’est pas toujours chose aisée. Ce jour-là, c’est Raphaëlle qui souffre. Pas de rythme, pas d’énergie. Le réveil a été difficile, le début du parcours de la journée est peuplé de raidards, avant de filer côté espagnol sur une splendide voie verte gravel empruntant une ancienne voie ferrée.

De mon côté, j’ai au contraire la forme et j’ai du mal à contenir ma frustration tout en ne l’exprimant pas clairement non plus. Idéal pour s’engueuler ? Pas loin ! Nous sommes à Doneztebe, nous avons fait 60 kilomètres sur la centaine de prévue et le gros de la journée est en fait devant nous, avec une grosse ascension. Quand nous arrivons en ville, courses faites, le groupe bivouac a déjà fini de déjeuner, tandis que Max va bientôt arriver. Raphaëlle et moi déjeunons en silence. Salomé et Max discutent d’une trace alternative, avec un peu moins d’ascension et arpentant une véloroute.

C’est à la fin du déjeuner que la communication se rétablit enfin. Pas parfaitement, mais suffisamment. Caroline, la fondatrice de Poco Loco, parle parfois du fait qu’il faut savoir abandonner. L’abandon peut être définitif, il peut aussi être temporaire. Accepter le manque de forme. S’adapter. Prendre une autre trace. Accepter d’être frustré. Relativiser mais aussi l’exprimer. La décision est difficile, désagréable, mais salutaire au final. Nous convenons de séparer nos chemins pour nous retrouver le soir même au bivouac. Raphaëlle va rouler sur les traces de Salomé et Max. Moi sur celles du reste du groupe.

Je prends donc la route du col et m’engage à bon rythme dans la pente. Les paysages de ce côté de la frontière sont magnifiques et pour ne rien gâcher, les automobilistes sont autrement plus sympathiques que du côté français ! Je rattrape Marine et Pierre en cours de route, à quelques kilomètres du col, nous progressons ensemble pour la fin du parcours. Le col est en vue, quelques cris d’encouragements résonnent et Pierre me lance un « premier arrivé au col ? ». Typiquement le genre de connerie qu’il faut éviter en longue distance (vous vous souvenez de la chute du dernier jour sur Extrême Ouest ?). Est-ce qu’on l’a fait ? Oui. Est-ce que j’ai gagné cette manche ? Oui. Est-ce qu’on est cons et qu’on a dit qu’on remettrait ça ? Assurément.

Au col, Alan, Eric, Matthieu et Adrien nous attendent, oscillant entre blagues et sieste. La descente gravel qui suit est incroyable, récompense bien méritée après l’ascension mêlant bitume et graviers. Nous rejoignons ensuite une belle piste forestière, à côté d’un nouveau lac de barrage. La lumière est belle, le dérailleur d’Eric a des envies de liberté, on resserre ses vis pour lui éviter de prendre la tangente. Alan, de son côté, a un bon coup de barre. Il nous dit de filer. On obéit, un peu à contrecoeur. Il nous rejoindra sans encombre le soir même, malgré des freins de plus en plus faiblards.

Le bruit d’un ruisseau marque la fin de notre journée. La zone de bivouac dénichée par Salomé est parfaite. Sous de belles frondaisons, dont certaines clairement centenaires, nous montons les tentes. Raphaëlle est déjà là et la frustration d’avoir du passer ailleurs est digérée. C’était la bonne décision. Nous nous le disons et puis, on essaiera de mieux communiquer, aussi. En attendant, certains partent en mission douche dans le ruisseau, d’autres filent acheter provisions et bière au village voisin, Jean Sa Race.

Un feu de camp se met à crépiter. La troupe, au complet, se retrouve autour du foyer. Les réchauds démarrent, les boîtes de sardines chauffent sur le feu, les bières se vident, les rires sont continus. Il en faut peu pour être heureux, disait l’ours. Là, tout de suite, tout le monde est heureux. Les soucis du quotidien ? Oubliés. Les soucis de la journée ? Oubliés. Ceux de l’année ? Également. Faille spatio-temporelle. Merci, Jean Sa Race. Allez, on va t’appeler normalement, puisque t’es sympa. Jean Sa Race, c’est Jauntsarats.

Jour 6 / Dernier bivouac

Le réveil est humide, la nuit l’a été aussi. Les ruisseaux et forêts, c’est bien, c’est joli, mais en altitude, ça vire au froid et humide assez facilement ! La mise en route est par conséquent un peu laborieuse et nous peinons à nous réchauffer, surtout que le soleil est encore caché et fait son timide derrière les montagnes. Il finit heureusement par apparaitre, dénouant la brume qui s’attachait au fond des vallées.

La première partie de la journée ressemble beaucoup, d’un point de vue parcours, à celle du jour précédent. Le Pays Basque espagnol a largement transformé ses anciennes voies de chemin de fer en itinéraires vélo en propre, de qualité et surtout, en gravel ! On suit pendant des kilomètres cette ancienne voie ferrée, passant au travers d’immenses tunnels où le froid nous saisit, avant de retrouver tantôt la lumière, tantôt un sous-bois de toute beauté.

A Andoain, on retrouve la civilisation et faisons notre pause de mi-journée. La voie de chemin de fer continue encore un peu et puis on la quitte pour aller rejoindre le fleuve qui s’élargit à mesure qu’il approche de l’océan. Nous le traversons à Orio pour remonter sur les pentes surplombant Zarautz. La vigne fait de temps à autre son apparition et puis on débouche sur la station balnéaire. Voitures partout, foule. L’équipe d’organisation et les photographes sont là, l’équipe bivouac aussi, buvant des coups.

Il reste encore pas mal de bornes, nous n’avons pas encore envie de nous arrêter. Nous dépassons le promontoire de Getaria sur la route côtière. Il y a encore trop de voitures ici. Un peu comme quand nous avons quitté les Pyrénées pour Guethary, bis repetita, nous avons quitté la campagne du pays basque espagnole pour tomber sur des zones balnéaires. La petite pause bière à Zumaia reste tout de même appréciée, ça a du bon, la civilisation, parfois, quand même.

La dernière ascension, sur les pentes sauvages à l’ouest de Zumaia, reste un peu difficile pour les gambettes ! La bière ? La fatigue ? Les deux ? Qu’importe, le dernier bivouac nous attend et il est incroyable, sur une falaise dominant l’océan et avec une vue à couper le souffle sur la côte. Les FloÉ ont ramené des bières, petits coeurs qu’ils sont. Les capsultes sautent, les cadavres se rassemblent, les tentes se montent presque toutes seules. Les réchauds sont allumés, les expérimentations culinaires foisonnent, le ciel étoilé accueille nos rires. Le vent est tombé. Il se relèvera pendant la nuit. Dernier bivouac. Cela veut aussi dire que demain est le dernier jour. Déjà ?

Jour 7 / Le cadeau et la suite

Dernier matin. Dernier démontage de tente. Dernière mise en route, il fait encore nuit, nous nous levons plus tôt car il y a 135 kilomètres à parcourir. J’ai comme chaque dernier jour la caisse, les jambes, l’envie d’aller vite, d’arriver. Sauf que je ne le dis pas. Comme quoi, les améliorations de communication, ce n’est pas encore ça. Le ciel aussi est en feu au départ de cette splendide route côtière qui me mène à Lekeitio. Je m’y pose à un bar, prends quelques pintxos en attendant Raphaëlle. Je me remets en route quand elle arrive. L’explication n’est pas idéale mais j’arrive à dire que j’ai besoin de rouler à mon rythme.

Je continue donc, seul, sur la belle portion gravel qui suit, jusqu’à Munitibar où je retrouve le groupe qui a lui coupé le gravel pour rester sur la route. Je ne m’arrête pas, poursuivant mon chemin jusqu’à Guernica. La trace suit alors un canal pendant un bout de temps, se dirigeant vers l’embouchure ensablée et marécageuse du fleuve local. Les autres ne sont pas très loin derrière moi mais je n’attends pas, je suis sur mon rythme, j’ai besoin d’avancer, de voir les kilomètres défiler. Je vois sur le tracker GPS que Raphaëlle a quasiment rattrapé Salomé. Les messages reçus sur WhatsApp sont rassurants. Son rythme est revenu, sa hargne de rouler aussi.

Nous déjeunons en groupe à Bermeo. Le bonus glace locale bio et super bonne fait un bien fou, aussi. Les pintxos, c’est bon, mais il faut varier un peu… Le regroupement effectué, nous nous remettons en route en coeur. Montées et descentes s’enchaînent, à plus ou moins grande distance de la côte. Nous surplombons le fameux Gaztelugatxe et ses foules de touristes venus admirer ce lieu de tournage de Game of Thrones. Nous rattrapons Max et Nina et puis arrive la dernière ascension, le dernier « col ». Pierre me lance un « premier arrivé en haut ? » et part en trombe. Nous sommes derrière tout le monde et dépassons nos compagnons, un à un.

Il a pris une avance de fou, je n’arrive absolument pas à combler l’écart, à peine à le maintenir. Je rattrape Eric et le double à hauteur d’un virage. Pierre s’est volatilisé, il ne pédale pas, il vole. Je maintiens mon effort, me disant qu’il va peut-être exploser en vol. Las, je le retrouve tout là-haut, encore frais comme un gardon ! Cette seconde manche, il ne l’a pas gagnée, il l’a pulvérisée, oui. Je sens qu’il y aura d’autres matchs, dans d’autres aventures.

Celle-ci se termine. Les derniers kilomètres, dans les environs de Bilbao, ne sont guère intéressants, zone urbaine oblige. Nous roulons groupés, la pluie, légère, a fait son apparition. L’embouchure du fleuve apparaît, voici Bilbao. Un dernier virage et le pont transbordeur, notre point d’arrivée, apparaît. C’est la fin. Bras levés. Tous groupés. C’est la fin. Harald et Caroline nous attendent, nous accueillent. La team bivouac gravel, c’est la création de Max mais c’est aussi la leur, le plus beau cadeau qu’ils nous ont fait et le plus beau que nous leur ayons fait. Celui que nous nous sommes fait, également.

Nous ne le savons pas encore, mais c’est aussi la fin de Poco Loco tel que nous le connaissons. Harald va continuer le projet, en privilégiant la route (mais avec des pneus tolérants !). Caroline lance un nouveau projet, BivouaK, inspirée par ce petit groupe et ses aventures, ce sera résolument gravel. L’offre d’aventures à vélo s’étoffe encore et encore, au gré des idées, des convergences et divergences. Chacun y trouvera sûrement son compte, organisateur comme participant. De Lille à Liège, de Metz à Amsterdam, je serai des deux, pour continuer d’apprendre à voyager à vélo et retrouver cette jolie famille.

La galerie photos de la Poco Loco Mysterio Pau-Bilbao
Jour 1 / de Pau au Col d’Aubisque
Jour 2 / du Col d’Aubisque à Licq
Jour 3 / de Licq à Saint-Jean-Pied-de-Port
Jour 4 / de Saint-Jean-Pied-de-Port à Guéthary
Jour 5 / de Guéthary à Jauntsarats
Jour 6 / de Jauntsarats à Zumaia
Jour 7 / de Zumaia à Bilbao
La collection Komoot de la Poco Loco Mysterio Pau-Bilbao

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