Après la Poco Loco entre Pau et Bilbao, j’ai repris la route, doucement, pour retrouver la France. L’idée était triple : repartir en douceur, gérer l’atterrissage, en quelque sorte ; tester une partie de la trace route ; revoir une amie de longue date établie à San Sebastian, enfin !
Alors, pour repartir en douceur, on part le plus tard possible du logement réservé dans la campagne bilbaote. On file vers la ville, longeant de drôles de pistes cyclables ou leur absence, le long des autoroutes. Les Komooteries peuvent être légion, par ici, il faut se méfier. Une longue montée nous ouvre malgré tout un joli panorama sur la ville ; il faudrait encore grimper pour le découvrir totalement mais la flemme est plus forte. La descente est trop tentante, longer le fleuve le long du Guggenheim aussi.
Le TER basque accueille volontiers les vélos, gratuitement, sans démontage. Ce n’est pas le cas du reste de l’Espagne où les conditions du voyage à vélo en train sont assez variables. Moi qui songe fortement à me lancer dans une grande traversée Paris – Huelva – Canaries et qui espérait l’écourter suffisamment avec le train, j’en suis finalement encore à me triturer les méninges : et si je faisais la traversée de l’Espagne à vélo, quitte à ne pas être inscrit à la Desertus Bikus… ?
Il y a le temps, avant de devoir répondre à cette question. En attendant, nous descendons à Ermua pour raccrocher la trace route. Le programme est court avec 25 kilomètres à parcourir jusqu’à Arrasate / Mondragon et quelques centaines de mètres à peine du côté de l’ascension. La jolie route qui grimpe vers Elgeta est charmante, tout comme la section suivante qui nous emmène sur un toboggan vers Askarruntz. Nous quittons la trace pour rejoindre la petite ville de Mondragon, avec son coeur ancien, son restaurant délicieux et la défaite de la France au rugby. Tant pis.
La journée du lendemain est un peu plus sérieuse. Pas loin de 100 kilomètres pour rejoindre San Sebastian ! Il faut dire qu’on s’en est rajouté quelque chose comme 10 bornes en ratant une intersection. Les pistes cyclables, ça ne pousse pas à être concentré, surtout le matin. La première partie de la route, en site propre, n’est guère agréable. La trace remonte une vallée industrieuse, ce n’est guère beau. Heureusement, au bout, il y a Oñati avec sa belle place ensoleillée et son bar où on laisse filer le temps en se gavant de pintxos. Encore.
La montée qui suit est belle et me réconcilie avec le fait de rouler sur la route. Le gravel a ceci de merveilleux qu’il permet de couper entre jolies sections de route et jolies sections de route, évitant de fait les artères à voitures, ces gros tuyaux souvent laids, visant l’efficacité (théorique) pure. De petit village en petit village, la trace sillonne la montagne, magnifique. Le temps est variable mais il ne pleut pas. Il ne fait plus ces chaleurs suffocantes du début du séjour et c’est tant mieux.
Une nouvelle section de piste cyclable en fond de vallée permet d’avancer vite, à défaut de se régaler la rétine. Tolosa approche, ultime pause, ultime vieux centre un peu décati où flânent les anciens. Nouvelle piste, encore, jusqu’à Andoain. Nous recoupons la trace gravel et retrouvons par ailleurs la belle voie verte tracée sur la voix de chemin de fer. Paysage connu, on s’arrête exactement à la même table en bord de chemin pour un en-cas.
Il reste à rejoindre San Sebastian. Deux options : la voie verte et la grande banlieue. Ou bien couper par les petites montagnes qui surplombent la ville. L’option numéro deux l’emporte, nous faisant retrouver les chiffres à trop de % de pente, histoire de se finir avant le bar. A San Sebastian, on retrouve la civilisation, une certaine agitation de la circulation aussi. La municipalité semble avoir repris un peu d’espace à la voiture, avec de belles bidirectionnelles parfois très bien faites. L’arrivée en ville n’en est que plus agréable. Appartement en plein centre. Baignade pour Raphaëlle, moi j’ai passé mon tour en pensant aux Canaries à venir.
Et puis revoir Sandra. La jolie journée, la jolie soirée.
Dernier jour, derniers kilomètres, ils sont 32. Le programme est simple : quitter San Sebastian et filer vers la route des crêtes de Jaizkibel ! L’immense promontoire rocheux, visible à l’aller depuis la France, n’a cessé de titiller mon imaginaire. La route a l’air bien trop belle pour être ratée et pour y arriver, autant prendre le chemin des écoliers, ou des touristes. A Pasaia, une petite navette fait des ronds dans l’eau pour vous transporter d’une rive à l’autre. C’est là-aussi trop tentant pour être raté, surtout que les deux rives, croquignolettes, sont splendides.
Après cela, malheureusement, il faut grimper. Nous sommes toujours en Espagne et les conducteurs sont donc globalement toujours aussi adorables. Certains le semblent un peu moins et un rapide coup d’oeil identifie vite la plaque d’immatriculation française… Ne parlons pas des motards, c’est quasiment une constante mondiale en termes de nuisances sonores et de comportements stupides, les espagnols ne dérogent que peu à la règle.
Il n’empêche, il n’y a pas grand monde pour troubler le silence et la quiétude de l’ascension, finalement pas si longue et dure que ça ! Le paysage tarde un peu à s’ouvrir. Je pense à posteriori que cette route est plus belle à arpenter dans l’autre sens mais bon, il faut bien rentrer en France à un moment. Perché tout là-haut, à quelques encablures du sommet de Jaizkibiel, on admire dans un premier temps la côte basque espagnole. San Sebastian s’est planquée, nichée dans sa baie.
Un peu plus loin, un rapide détour nous mène à la tour de Santa Barbara. Cette fois-ci, c’est la frontière qu’on observe. Avec un peu de concentration, on repère même le château d’Abbadie. Les kilomètres qui suivent ne sont plus que de longues oscillations, avec encore quelques courtes montées. Mon dérailleur, qui commençait à râler sur certains changements de vitesse, décide de passer l’arme à gauche. Enfin, disons que c’est le câble qui a fini de s’effilocher, un classique. 7000 bornes. Il aura eu la décence d’attendre les derniers kilomètres du voyage. Merci à lui.
La fin est donc synonyme de grosses cuisses. Mono plateau. Petit pignon. C’est sympa, le single speed. Un peu moins avec le vélo chargé ! J’aurais pu m’arrêter et réparer mais à quoi bon, à quelques kilomètres de l’arrivée, du dernier restaurant posé au soleil, côté français. Bière(s), rougail délicieux, dessert gourmand, pile en face de la gare. Je me bouge un peu avant de devoir embarquer. Changement de câble à la volée, dans le hall de la gare. La cheffe de bord vient nous voir pour nous accueillir et nous dire que tout est prêt dans le TGV pour nous. Qui a dit que la SNCF ne s’améliorait pas, petit à petit ?
Vivement le prochain voyage.