Après trois journées exceptionnelles, je m’attendais à un petit coup de mou, une pause, quelque chose. De quoi reposer les yeux, un peu l’esprit aussi peut-être. La journée de transition d’un bout à l’autre de l’Utah, de Moab à Panguitch aurait pu être cela mais il n’en fut rien. Il n’y a tout simplement rien à jeter en Utah.
Depuis Moab, je prends donc la direction du Nord, longe de nouveau l’entrée du parc de Arches et rejoint pour quelques miles l’Interstate 70. Assez rapidement – au sens américain du terme – je la quitte pour bifurquer sud-ouest, sur la route 24.
Les paysages sont superbes, les étendues immenses, les couleurs changent d’un virage à l’autre. La tentation est grande de tout photographier, de s’arrêter ici et là, souvent. Mais non, il faut avancer car la route est longue, aujourd’hui.
Je m’arrête tout de même au milieu du voyage, à la Mesa Farm Market. Il s’agit d’une ferme autosuffisante, calée au milieu du désert, dans le lit de la rivière locale. L’ambiance est rustique et bucolique à la fois et il n’y a pas foule. Il y a en revanche plein de bonnes choses à acheter : fromages et yaourts de chèvre, café, œufs et ainsi de suite. Nota : le café est (putain de) bon.
La route 24 poursuit son cours en direction du Capitol Reef National Park, un bel espace qu’on pourrait presque traverser sans y faire attention, si ce n’est en admirant ses grandes parois dressées de part et d’autres de la route. Quelle erreur ce serait…
Il faut dire aussi que ce parc a une drôle de forme. Il est traversé de part en part par la route 24 et son centre des visiteurs est situé un peu à côté de la route, dans l’oasis de Fruita. On pourrait se contenter de quelques points situés aux alentours mais non, il ne faut pas oublier la Scenic Drive qui s’enfonce plein sud !
Avant de vous parler de Fruita et du sud du parc, je commence par une petite randonnée nommée « Hickman Bridge ». Comme son nom l’indique, il s’agit d’un nouveau pont, comme ceux vus à Natural Bridges, forgé par l’eau. Le chemin monte assez abruptement jusqu’à un semi-plateau dominé par de magnifiques falaises blanchâtres.
Quelques trous d’eau ici et là laissent apparaître de tous petits ponts sous lesquels on peut se glisser en abord du chemin. L’intérêt final de la randonnée reste le fameux pont de Hickman, avec de belles vues vers le « reef », ce récif montagneux imposant qui est la signature du parc.
Passé Hickman Bridge, on atteint donc Fruita. Quel drôle de nom. Des fruits ? Des arbres fruitiers ? Partout, en nombre. Il s’agit en réalité d’une ancienne zone de colonisation des mormons, abandonnée depuis. Les arbres fruitiers, pommiers, pêchers, poiriers et autres sont toujours là.
La cueillette est gratuite pour qui consomme sur place, à tarif très modéré pour qui souhaite embarquer quelques kilogrammes de fruits non traités grandissant sur pied, sans supervision humaine ou presque. Les cerfs ne s’y sont pas trompés et s’occupent de ce qui tombe tandis que les abeilles et guêpes veillent à faire disparaître le reste.
Il est désormais temps de filer plein sud, le long de la faille, de ce fameux récif de Capitol Reef. La route sinue tranquillement, sans offrir de grands points de vue mais toujours avec un horizon coloré, déchiqueté. Je dépasse « Grand Wash », un canyon / route dans lequel on peut s’enfoncer et randonner jusqu’à rejoindre la route 24.
Mon objectif, c’est la Capitol Gorge Road, un bout de piste défoncé qui arpente le fond d’une gorge aux parois phénoménales jusqu’à atteindre un parking à la capacité limitée dont part une piste. C’est le Capitol Gorge Trail, une belle balade que les « pionniers » américaines empruntaient. Sur les parois, des inscriptions ici et là, plus encore à un endroit, le Pioneer Register.
De quoi informer qu’on est passé là, qu’on reviendra peut-être. Ou pas. Plus loin sur la piste, des « tanks », clou de cette balade impressionnante, réserves d’eau si importantes pour celles et ceux qui tentaient l’aventure dans un sens ou dans l’autre. Quel endroit…
Capitol Reef me subjugue. Je m’en veux de ne rester que quelques heures alors que j’aurais aimé passer une journée complète sous ses falaises, à la découverte du Golden Throne, du Chimney Trail, du Old Wagon Trail et ainsi de suite ! Mais non, la route est encore longue.
Un dernier arrêt, toutefois, pour de jolis panoramas permettant d’embrasser le relief si particulier de ce Capitol Reef, à Panorama Point d’abord et ensuite au Goosenecks Overlook. Ne manquez pas le second après vous être arrêtés au premier… la piste qui y mène vaut le coup et la vue… la vue !
Je reprends la route. Cette fois-ci, Capitol Reef, c’est fini et c’est bien dommage de se quitter ainsi. Je vais continuer de me maudire pendant de nombreux kilomètres tant j’aurais aimé passer plus de temps ici. La route 24 bifurque sur la route 12. Ou plutôt devrais-je dire la fabuleuse route 12.
Grover, Boulder, Escalante, Cannonville. Quelques étapes au milieu de mille grandes courbes, virages et changements de paysages. La route 12 est une petite merveille qui sillonne les grands flancs des montagnes dominant Capitol Reef avant de se percher au sommet de drôles de petites collines toisant le « Grand Staircase-Escalante National Monument ».
La zone est (était… ? avec Trump, ça a changé !) la plus grande zone protégée des États-Unis, la plus sauvage et inexplorée aussi. C’est imposant, infini, attirant au possible. Quelle tristesse à dire de n’avoir pas alloué plus de temps à cet endroit, il fallait bien faire des choix…
Définitivement, il n’y a rien à jeter en Utah…
Où dormir après avoir traversé Capitol Reef et la route 12 / le Grand Staircase ?
J’ai choisi de dormir deux nuits à côté de Panguitch, au Rodeway Inn, afin d’avoir une base pas trop lointaine de Bryce Canyon pour la journée du lendemain. L’endroit était très propre, satisfaisant, honnête. Si c’était à refaire toutefois, je choisirais un logement entre Boulder et Escalante pour la première nuit, puis une seconde nuit à Panguitch.