Avant Madère, l’Atlantique sauvage à Mira

Un voyage, ça ne se passe pas toujours de la façon dont on le souhaite. Cette déconvenue un peu cruelle, je ne l’avais jamais vraiment expérimentée depuis la Malaisie il y a… oh, six ans ! Cette fois-ci, au mois de juin 2015, ce fut sur la route de Madère que les vents de l’Atlantique décidèrent de reporter mon arrivée sur ce sol insulaire bien singulier. Des rafales à 35 / 40 nœuds en travers quand les pilotes ont pour critère de ne pas dépasser les 25 pour cette piste courte et étroite qui cause encore beaucoup de suées à ceux qui nous transportent.

Le message était déjà clair au départ de Paris, encore plus à Porto : on allait « essayer » d’atterrir. Je n’aime pas trop le mot « essayer », surtout quand on parle de poser un bout de ferraille plein de kérosène et de chair humaine sur un bout de tarmac, à quelque chose comme 200 km/h. Toujours est-il que les deux coucous avant nous ont réussi à se poser, à la faveur d’un coup de calme. Alors on s’est approchés, nous aussi. On voit la piste à tribord, on vire sur l’aile au ras des flots et ça remue déjà pas mal.

Approche finale, la piste se laisse apercevoir un dernier instant et on se dit que c’est bon, ça va passer. Rafale. L’avion pivote de beaucoup trop de degrés autour de son axe, l’aile pointe au sol et n’est pas bien loin de toucher la piste ou le début de la piste, je ne me souviens plus bien mais je me suis dit « ah, là, c’est bon », chose que je ne me dis jamais. Ce ne fut finalement pas bon grâce aux réflexes du commandant qui en deux coups de manches réussit à nous stabiliser de nouveau. Trop tard. Piste trop courte. Remise des gaz obligatoire car si on se posait, on finissait à la baille. Quiconque a vu la piste à Madère sait de quoi je parle.

Alors on s’est retrouvés à Porto de nouveau. Puis à un hôtel en pleine nuit, avec un buffet gargantuesque. Le décollage était prévu le lendemain matin mais il n’en fut rien. Obligés de passer une journée là, hors programme, hors volonté, hors envie, hors tout. Tout le contraire du voyage prévu, planifié, rêvé et désiré. On fait quoi dans ces cas-là ? On improvise. On chausse les godasses, le sac photo et on enquille les kilomètres comme on peut, à la recherche du coin mignon, du coin joli et des bonnes choses.

La zone de Mira (on logeait à la Quinta da Lagoa, un fort bel endroit soit dit en passant) est riche de marécages, de canaux et de dunes. Le programme semblait donc tout trouvé : se balader au milieu des eucalyptus, arpenter la forêt dunaire et poser son cul au bord de l’océan Atlantique au pied des dunes de Mira. Dont acte.

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Les marécages et canaux qui longent la côte sont un régal de balades balisées et d’ailleurs largement empruntées par des pistes cyclables. Cette zone humide, peuplée d’eucalyptus aux dimensions respectables, est bienvenue quand le soleil grimpe à n’en plus finir ! Il y fait doux, cela sent bon (les bogues d’eucalyptus sont encore dans mes poches…) et la balade pourrait durer bien longtemps avant qu’on ne songe à faire demi-tour. Direction alors la plage, les dunes, avec pour compagnie des mimosas gigantesques en pleine floraison et une foule incalculable de petits escargots également en quête d’ombre.

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La plage, enfin. Ses mômes scouts en goguette, ses quelques touristes, ses bars où les sandwichs au pain délicieux ne coûtent rien et où la bière légère remet d’aplomb avant de couper les jambes. Sa lumière étincelante aussi, au milieu d’une journée qu’on essaie de rendre le moins morose possible. Marcher, marcher, marcher, oublier la déconvenue du jour passé, celle du matin et tenter de ne pas penser à l’inconnue du lendemain, encore loin des côtes de l’île voulue.

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Alors oui, Mira, ce n’est pas Madère. Mais on va dire à posteriori qu’on a clairement vu pire backup ou solution de repli s’il faut absolument parler la langue du sol. Si d’aventure un roadtrip vous emmène dans le quartier, vous saurez quoi faire. Et si d’aventure une quelconque déconvenue météorologique vous empêche de poser pied sur l’île aux fleurs, tentez d’orienter le repli vers ce petit coin de verdure fort sympathique, aux parfums d’iode et de pinède. De quoi avoir le mal du pays et le mal de la destination sans trop souffrir.