Canaries – Tenerife – Jour 8 – l’ascension du Pico Viejo

Dernier jour. La météo est mauvaise sur l’ensemble de l’île, pour ce qui est de la partie basse. Tout là-haut, au delà de 2000 mètres d’altitude et des frontières rocheuses de la caldera, il fait beau. La route est un peu glissante car la température frôle les 0°C. Un peu de prudence et de la douceur sur l’accélérateur et ça monte tout seul.

El Portillo est franchi et me voilà dans la caldera où quelques nuages ont tout de même réussi à se glisser mais se font chasser peu à peu vers les bords de l’immense cratère d’effondrement par la chaleur du soleil. La lumière est éclatante et le Teide prend le soleil sans qu’un seul nuage ne le dérange.

Son voisin est dégagée aussi. Le mirador de las Narices del Teide est le point de départ de ma randonnée du jour, l’ascension du Pico Viejo. Le fameux voisin, le « petit » volcan, un rien plus ancien, qui siège à ses côtés, du haut de ses seulement 3135 mètres d’altitude.

Le sentier s’éloigne d’abord du Pico Viejo, longeant la superbe route qui traverse la caldera. Il débouche un peu plus, après une zone de scories impressionnante, dans une petite forêt de pins qui se développent tant bien que mal dans ce milieu particulièrement hostile. Encore un peu plus loin, l’ascension des 1150m de D+ commence vraiment.

Une bifurcation à droite et c’est parti pour une longue montée vers le sommet du Pico Viejo. Cela commence à dire vrai assez facilement avec un sentier poussiéreux et bien délimité entre les amas de lave solidifiée et les scories. Il est facile d’y marcher et de progresser, tandis que l’on s’éloigne de plus en plus dans un désert parsemé de quelques plantes pugnaces.

Un petit passage dans une sorte de crevasse entre deux coulées se montre délicat, avec le vent en plein nez qui oblige à redoubler d’efforts pour monter, alors que la pente n’est pas encore bien forte. Je prends le temps de me retourner de temps à autre, voyant les nuages rester bien accrochés aux bords de la caldera et découvrant quelques jeunes volcans en contrebas. Le Pivo Viejo est encore loin.

Le sentier devient soudain nettement plus sombre, traversant des champs de lave et de scories de plus en plus sombres, filant droit ou presque vers le Pico Viejo. On dépasse le Lomo de Chio et un grand cratère (El Calderon) dont il vaut mieux ne pas trop s’approcher tant il est profond et ses falaises sont friables.

La pente augmente alors doucement et la progression devient un tout petit peu laborieuse. Le sentier officiel part à ce moment-là sur la droite, avec à main gauche un autre sentier très bien dessiné qui monte plus sèchement encore vers une arête blanchâtre. C’est ce bout de sentier qu’il faut emprunter pour suivre le n°80 du Rother que j’ai choisi aujourd’hui pour rejoindre le Pico Viejo.

La progression reste somme toute convenable, à quelques exceptions près quand la pente est raide et que le sentier se dérobe sous les pieds. Les bâtons sont une fois de plus une aide précieuse dans ce genre de conditions de randonnée, limitant la fatigue des jambes en partageant l’effort avec les bras et pectoraux.

A hauteur de l’arête ou nervure rocheuse blanche et beige, le sentier devient nettement plus rocailleux et il faut faire attention à ne pas entailler ses mains ou les vêtements en frottant sur les rebords de lave déchiquetée et érodée par les éléments.

La pente augmente encore, alors que les bords du cratère du Pico Viejo approchent, se couvrant d’une végétation opiniâtre qui force le respect ! Quelles conditions de vie ici, quel vent aussi à vous décorner un cocu par moments !

La dernière section de l’ascension se fait sur le flanc du cratère, avec la vue sur la caldera qui s’ouvre légèrement.Le sentier est alors fait de scories et n’est vraiment pas évident. Deux pas en avant, un en arrière. C’est là encore que les bâtons font toute la différence. Il faut s’accrocher et s’émerveiller régulièrement du paysage alors que l’on dépasse sûrement les 3000 m d’altitude désormais !

Le sentier devient tout à fait indistinct alors qu’on approche des lèvres du cratère du Pico Viejo. Quand les cairns disparaissent, le plus simple est encore de monter « droit » sur la lave, en direction du rebord du cratère. Gare au vent à ce moment-là car les quelques trouées dans le flanc du volcan sont autant de venturis dans lesquels le vent s’engouffre et accélère !

Il y a à priori un point de vue que j’ai raté… Mince alors, je vais devoir revenir. Il s’agit en fait de la trouée dans le flanc du bas cratère, côté ouest du Pico Viejo. On a alors un alignement entre les deux cratères du Pico Viejo et le Teide. Bon, franchement, la vue est déjà sacrément belle en étant à deux cent mètres de là. Voici donc enfin quasiment le sommet du Pico Viejo ; quelles vues !

Il faut affronter le vent à un moment, au niveau du petit plateau qui coiffe le Pico Viejo. Je quitte l’abri du flanc sud pour franchir la crête et remonter sur le plateau, longeant le double cratère, courbé face au vent et les bâtons bien plantés au sol. Faire des photos relève un peu de la gageure, encore plus avec un smarphone qui prend le vent sans trop de prise en main ! Gare à la chute…

Le sentier longe en tout cas le cratère, offrant quelques belles vues supplémentaires sur les cratères et sur le Teide mais les conditions de vent rendent toute approche des rebords plutôt périlleuse et je reste prudemment à distance respectable, arc-bouté par moments contre le vent pour prendre mes photos. Franchement, cela faisait bien longtemps que je n’avais pas tant lutté contre un vent de face à vous foutre par terre !

Impossible de manger ici en tout cas, sauf à vouloir courir après la bouffe ou manger du sable et des scories ! Je repasse donc du côté de la caldera, oubliant mon projet initial qui constituait à longer encore la crête en direction du Teide et de la jonction avec le sentier de descente de ce dernier. Je reviendrai, je le sais.

Côté caldera donc, la descente se fait dans les scories, avec des vues incroyables sur le Guajara, sur les Roques de Garcia ou encore sur les flancs sud du Teide et du Pico Viejo, joliment verdis par la végétation d’altitude.

La pause déjeuner se fera au profit de quelques nervures coupant les rafales descendantes qui ne cessent de me déstabiliser pendant la descente. L’avantage là, c’est qu’en faisant un pas, on en fait deux grâce à la glisse, parfois même un peu plus en échouant lamentablement à contrôler celle-ci !

Le sentier débouche ensuite au ras des Narices del Teide, les évents de l’une des plus récentes éruptions de l’île et la plus récente interne à la caldera du Teide. La lave est noire ici, tandis que les Narices prennent des couleurs éclatantes au soleil, virant vers le jaune du soufre.

Je continue de descendre en suivant le sentier principal, jusqu’à rejoindre un petit cône volcanique noir comme la suie. Le sentier principal continue sur la droite tandis qu’un autre se détache à gauche, longeant justement le bas du cône du cratère. C’est pas ici que je continue ma descente vers le parking, quasiment « tout droit ».

Le sentier reste alors particulièrement bien visible, bien qu’il ne s’agisse pas de la trace officielle référencée par le parc. Attention, le sentier n’est pas interdit, simplement ce n’est pas le parcours aménagé et entretenu. La partie basse par conséquent est nettement plus difficile à lire tandis que l’on approche d’une coulée de lave.

La végétation est plutôt drue et il faut suivre les marques de passage et les empreintes de pas pour s’y retrouver. Pas évident donc et j’aurais tendance à recommander l’utilisation d’une montre GPS avec trace intégrée pour bien s’y retrouver. Bon, un peu de lecture et d’orientation ne font jamais de mal, d’autant plus qu’il faut en réalité suivre la coulée pendant un moment.

Ensuite, c’est là où ça se corse puisqu’il faut la traverser en direction du parking ! Des cairns noirs sont « bien » visibles à un moment, indiquant le moment où il faut bifurquer à gauche pour traverser les dernières centaines de mètres dans la lave coupante. Sauf qu’à un moment, je les ai perdus… alors j’ai traversé tout droit, sans marcher sur la végétation, pour rejoindre le sentier du matin.

Ne restait plus alors qu’à rentrer au parking, un peu fourbu par le vent et l’ascension, mais avec l’immense satisfaction d’avoir fait le tour du sommet du Pico Viejo. A défaut d’être grimpé de nuit au sommet du Teide, j’ai au moins cette consolation et surtout, j’ai une magnifique excuse pour revenir encore une fois alors même que j’avais dit que c’était fini. Les Canaries, c’est un peu addictif, vous l’aurez compris…

La carte de cette journée d’ascension du Pico Viejo :