C’est l’avant dernier jour du voyage, la dernière journée vraiment complète sur l’île de Lanzarote et j’hésite fortement à me rendre dans le cœur du parc de Timanfaya. Cette zone volcanique où le sol peut atteindre les 100°c est complètement protégée de l’être humain et accessible via un péage, via lequel on accède à une grande zone d’amusement / restauration / observation créée par Manrique.
Le problème ensuite, c’est qu’une petite route fait un tour dans le parc, sinuant entre les cônes volcaniques mais elle est seulement accessible aux bus du parc et la descente est totalement interdite. Autrement dit, pour celui qui aime marcher, randonner, en prendre plein les yeux en prenant le temps, ce n’est pas vraiment ça.
Alors tant pis, direction un autre coin du parc de Timanfaya, accessible quant à lui via un petit parking à quelques pas de Mancha Blanca. Également à quelques pas de là, il y a l’ermita de los Dolores, une jolie petite église bien agréable.
Cette fois-ci, c’est le début de la randonnée, la n°19 du Rother, une belle boucle faisant le tour par son sommet d’un volcan éteint : la Caldera Blanca ! Cette journée et cette randonnée aura toujours un goût particulier dans mes souvenirs, à la fois extatique et triste. Ce même matin, alors que 2017 vient de s’en aller, j’ai appris que Julie Sarperi des Carnets de Traverse n’était plus. 37 ans. Ses deux amours qui restent derrière elle. Foudroyée en quelques mois.
Alors je marche dans cette désolation lunaire et les larmes viennent de temps en temps. Non pas que je la connaisse particulièrement, ce n’est pas le cas. C’est le jeu des connaissances de l’internet, c’est l’admiration que j’avais pour son travail et ce qu’elle dégageait en tant que personne. C’est le vide qu’elle laisse, brutalement, qui est d’une injustice terrible et nous ramène à notre propre mortalité. 37 ans, c’est moi, dans si peu de temps.
Partout dans la roche, les plantes s’échinent à grandir, fleurir, braver le soleil et les tempêtes de scories volcaniques. Je me dis qu’elle aurait peut-être bien aimé randonner là, avec Louise et Renaud. Alors je randonne un peu pour moi, un peu pour elle, un peu pour eux. Émerveillement et tristesse, depuis les flancs de la Montaneta Calderata jusqu’au sommet majestueux de la Caldera Blanca qui domine son monde.
La randonnée terminée, il est désormais clair que personne n’a vraiment envie de crapahuter de nouveau dans la lave, aussi la décision est prise de filer au nord, en direction des falaises de Famara, tout du moins de leur portion sud. Au pied de la gigantesque dorsale trône un petit village : Caleta de Famara. Mignon comme tout. Pour se baigner en revanche, il faudra repasser…
L’étape suivante est une ville, bien déserte en cette première journée de 2018 : Teguise. On y découvre des rues et ruelles magnifiquement préservées, tout comme les bâtiments qui les bordent. La singularité ici, au delà de l’ancien bâtiment de collecte agricole devenu banque et de la belle église centrale, ce sont les croix chrétiennes que l’on trouve le long des maisons. Pourquoi ? Pour décourager ceux ayant une envie pressante d’uriner sur les murs… !
Depuis Teguise, déjà bien perchée en altitude, je remonte encore plus la crête des falaises de Famara en direction de leur second point le plus haut, avec vue sur l’observatoire qui justement les couronne : l’ermita de las Nieves et son superbe point de vue sur l’île. Étape venteuse, fraîche au possible, mais ô combien gratifiante pour les yeux.
La route continue encore en crête pendant un moment, se décidant à redescendre au niveau de Haria, la fameuse ville aux dix mille palmiers de Lanzarote ! Qu’elle semble loin, la Caldera Blanca, alors que l’on aborde cette zone luxuriante en comparaison. Cette première journée de 2018 s’achève, encore ballotée par la mauvaise nouvelle matinale. Je me glisse dans la piscine de Punta Mujeres pour la conclure et tenter de me vider la tête de toute ces pensées qui l’obscurcissent. Un rire, une étreinte, un doux moment partagé avant que le soleil ne disparaisse derrière les falaises. Pourvu qu’elle ne parte jamais, elle.