Après la visite « Intime » effectuée dans les petits appartements de la Reine en janvier dernier, ce sont ceux du Roi qui nous ont accueillis samedi dernier. Petit groupe, accueil adorable et nouvelle visite privée de lieux méconnus du Château et pourtant accessibles à tous au travers du programme des visites commentées ou thématiques. Je vous invite donc à cliquer ici pour en savoir un peu plus sur ces visites qui permettent de voir Versailles différemment, loin des visites traditionnelles des Grands Appartements.
Cette fois-ci, c’est Nicolas Jacquet, auteur de Versailles Secret et Insolite, qui nous fait la visite et nous mène de pièce en pièce, de recoin en recoin en commençant tout d’abord par une œuvre qui lui est chère située dans les anciennes galeries du musée de l’Histoire de France : la version préparatoire du tableau de Serment du Jeu de Paume, toute de nus académiques et qui, jugée trop choquante à une époque, fut mise de côté au profit d’une nouvelle commande, à savoir le tableau connu aujourd’hui. Nicolas Jacquet s’enflamme, nous nourrit de détails sur les éléments du tableau avant de nous inviter à « passer chez le Roi », tout simplement.
Alors, on y va, on traverse quelques salles, on descend un escalier monumental, jumeau de stuc de celui de la Reine (en marbre celui là !)…
En passant non loin desdits appartements, on retrouve cette petite alcôve aperçue de nuit en janvier, délicate, parfaite en fait. Cette fois-ci, la lumière du jour y pénètre crûment et nous dévoile la subtilité des décors, le travail splendide du bois et l’on imagine volontiers Roi et Reine passer par ici. Un moment rare que celui du premier pas dans ce minuscule espace chargé d’histoire et encore « dans son jus ».
La chambre officieuse de Louis XV (qui sera aussi celle de Louis XVI) nous attend. Située non loin de la grande chambre officielle qui ne servait au final que pour les cérémonies du lever et du coucher, cette chambre était en fait l’endroit réel où se reposait le Roi. Imaginons le en robe de chambre en train de faire le transit, matin et soir… On franchit les cordons, le bruit des clés résonne de nouveau et c’est un nouvel espace unique qui s’ouvre : le petit cabinet de travail du Roi qui venait y travailler tous les matins. Fraîchement restauré, l’endroit est tout en dorures et blancheur éclatante. Quelques meubles trônent ici et là, véritable invitation à un « hey, ils seraient bien chez moi ceux-là » (oui, on peut rêver un peu). Le moment est court, on pénètre par tous petits groupes dans ce cabinet où, paraît-il, une inscription « Newton » se trouve !
On pénètre alors dans le domaine du Roi, à commencer par sa salle de bains qui contenait en fait deux baignoires, une pour le Roi et une pour un privilégié. Les cuves se situent dans la pièce située juste au-dessus, le tout dominant la cour des Cerfs. Ici aussi tout n’est que dorures, marbre et sensation de se trouver dans un autre Versailles. Un peu plus au-dessus, on découvre la salle où le Roi pratiquait la chimie (une fenêtre avec hôte d’extraction est là pour en témoigner) tandis qu’un mécanisme d’horloge réalisé par le Roi lui-même trône au fond de la pièce. L’occasion de se rappeler que les Rois étaient érudits et que Versailles fut pendant longtemps un centre névralgique de la science, comme l’avait si bien montré l’exceptionnelle exposition Sciences et Curiosités à la Cour.
Ces espaces tout en verticalité ont tout des hôtels particuliers du vieux centre de Paris. Ils s’interconnectent grâce à de multiples escaliers, portes dérobées et autres recoins secrets. Comme par exemple ce qui nous attend ensuite ! On pénètre dans le petit espace réservé à la femme de chambre de Jeanne-Antoinette Poisson, alias la Pompadour ! Là où les nobles ont un seul étage, il y en a ici deux, obscurs mais délicats : une petite chambre très basse de plafond, une sorte de hall / salon qui donne justement sur l’un des salons de l’appartement de Madame de Pompadour. Curieux endroit, intime, une fois de plus. Mais attention à la tête !
Les appartements de Mme de Pompadour sont d’ailleurs assez « petits » nous dit-on au regard de l’importance du personnage ! Je m’en accommoderais volontiers, surtout avec la vue depuis les fenêtres sur l’esplanade nord des jardins. On passe ensuite aux appartements de Jeanne Bécu, plus connue sous le nom de Madame Du Barry. Deux illustres dames dont nous découvrons l’intimité, fabuleux ! Le gigantesque appartement qu’utilisait Mme Du Barry est d’ailleurs exceptionnel. Volets fermés, on découvre les lieux au fur et à mesure de l’ouverture de ceux-ci. Dorures ici et là, ameublement délicat, portes ornées, salle de bains fantastique… Je me serais bien planqué dans un coin pour y rester quelques heures, profitant de l’atmosphère des lieux. Unique.
C’est la fin de la visite… ah mais en fait non. Ultime surprise : une ancienne salle de bains, richement ornée de gens dénudés… salle qui servit ensuite en tant que cabinet de la cassette. Encore un endroit étonnant !
Enfin, pour finir et avant d’aller discuter dans les salles des Croisades, nous pénétrons dans la Chapelle Royale. Moment impressionnant car j’ai toujours admiré cet endroit sans jamais pouvoir y pénétrer. J’approche de l’orgue. Il est fonctionnel et on me dit que l’un des conservateurs joue régulièrement le soir… Il me faudra venir ! On pénètre aussi dans la pièce où les musiciens se préparaient tandis qu’un calendrier mémoratif se découvre dans un placard, pense-bête pour les musiciens. Un étage plus bas, on découvre une alcôve demandée par Mme de Pompadour : en délicatesse à Versailles, elle avait insisté pour assister à la messe. Sauf que l’alcôve ne donne par sur l’autel mais sur la zone occupée par les courtisans… Politique… !
Cette fois-ci, c’est vraiment la fin. On quitte les lieux sur la pointe des pieds, traversant les salles et couloirs déserts, hésitant à parler ne serait-ce qu’un demi-ton au-dessus du chuchotement. La sensation est la même que lors de la découverte du Versailles Photographié ou encore des appartements de Marie-Antoinette : la délicate satisfaction d’avoir vu Versailles autrement, d’avoir découvert et humé quelques-uns de ses coins et recoins secrets et méconnus, le plaisir de le partager avec un petit groupe amoureux de ces jolies choses et enfin le petit frémissement de plaisir qui termine cette visite et celui d’anticipation quant au sujet de la prochaine. Décidément, la vie est belle avec ce Versailles Intime.