Un horizon de cendres – Jean-Pierre Andrevon

 Voici un tout petit livre, 250 pages environ, que l'on dévore comme les zombies ont dévoré le monde : rapidement. Un livre efficace donc, à l'écriture fluide et abrasive, sans concessions. Cela claque, cela chamboule, cela retourne l'estomac, on en ressort la bouche emplie d'amertume, le cerveau comme transi par cette vision de la fin d'un monde. J'ai retrouvé avec ce livre certaines des sensations éprouvées en lisant Fahrenheit 451, de Ray Bradbury, ce n'est pas le moindre des compliments que je puisse faire à un livre.
 
L'histoire se déroule en France, période indéterminée mais contemporaine … et les morts se réveillent, un peu partout dans le monde, comme ça, du jour au lendemain. La quatrième de couv' est d'ailleurs bien explicite à ce propos :
 
Premier jour : Au loin, il y a votre voisin. Vous lui faites un signe. Jusqu’au moment où vous réalisez qu’il est décédé depuis des semaines…
Troisième jour : La télé enchaîne les émissions spéciales : partout dans le monde les morts reviennent. Apathiques, ils errent au royaume des vivants…
Cinquième jour : Paralysé de trouille et de dégoût, vous regardez votre femme serrer dans ses bras, au beau milieu de votre salon, une chose qui, un jour, fut sa mère…
Huitième jour : Votre femme vous a quitté après que vous avez réduit en cendres l’ignominie qu’elle appelait « maman ». 
Neuvième jour : La télé diffuse un reportage au cours duquel on voit une de ces choses dévorer un chat vivant…
Ils sont désormais des millions et vous ne vous posez qu’une question : mon monde n’est-il pas désormais le leur ? 
 
Celui qui raconte cette histoire est un homme tout ce qu'il y a de plus banal : il travaille au crématorium de la région … et j'aime beaucoup l'ironie relative à ce choix de personnage ! A travers ses yeux, nous allons suivre l'évolution de ce réveil, sa transformation progressive, le comportement des vivants face à ces non-vivants comme on les appelle … Dégoût, rejet, guerre, cruauté, et puis quelques lueurs de beauté dans tout ça. Jean-Pierre Andrevon nous montre dans ce monde au devenir non-vivant ce que peut être la beauté de la vie, cette furie des sentiments, des sensations et l'intellectualisation que l'on en fait.
 
Dans ce livre, je vois aussi un terrible constat, une espèce de métaphore géante sur la destruction de notre monde que nous réalisons avec tant de vigueur et d'enthousiasme … et même si ce constat ne me réjouit pas, force est de constater que l'auteur a su trouver la parfaite symbiose entre critique sociétale, roman d'anticipation et hymne à la vie. 
 
A lire absolument.