Essai – Tesla Model S 100D

La Model S vieillit, doucement, sûrement, tout en évoluant chaque année ou presque. La recette Tesla fonctionne encore, l’auto présentée en 2009, arrivée dans les rues en 2012, n’a pas beaucoup vieilli et s’est largement mise à jour, extérieurement et intérieurement. Mon essai précédent datait de 2015, il était donc un peu daté.

En soi, ce n’est évidemment pas un problème puisque je ne peux tout simplement pas essayer toutes les évolutions de toutes les voitures, ni toutes les versions. Des choix s’imposent, en somme, au fil du plaisir et des envies. Sauf que Tesla, très en avance sur l’industrie historique pour ce qui est de l’électrique premium, a réveillé tout le monde.

La déferlante électrique arrive. Jaguar a son i-Pace, Audi arrive avec son e-tron et Mercedes-Benz avec son EQC. Porsche ? Taycan. Sans oublier les coréens de Hyundai et KIA qui font un entre deux entre le premium et l’accessible. Et BMW n’a pas dit son reste. Bref : il était plus que temps de me remettre au volant du mètre étalon de la production automobile 100% électrique.

A l’extérieur, comme je le disais, l’évolution est subtile mais notable. La marque a introduit il y a quelques temps déjà de jolis changement sur sa face avant, alignant le regard avec ce qui est fait sur le Model X et Model 3. Le design est toujours effilé, assez épuré et dénué de grandes gueules chromées qui en font des caisses. Bref : le style Tesla, qui a su faire de quelque chose très classique et épuré une vraie marque reconnaissable.

En plus de ces évolutions de regard, on a de grandes roues optionnelles, des capteurs de caméra intégrés dans le symbole Tesla en retrait des arches et surtout, surtout, des assemblages nettement améliorés. Il faut vraiment souligner ce point : la Model S est sensiblement mieux fichue qu’elle ne l’était il y a trois ans. Les écarts entre pans de carrosserie sont moins béants, voire plus du tout.

Il reste encore quelques coins qui baillent au niveau des portières arrière et des joncs chromés mais tout est nettement mieux. Bref : la Tesla Model S, dans cette version 100D, s’améliore doucement, sûrement, avec toujours ses poignées amovibles (pas pratiques pour les photos héhé). De là à tenir la comparaison avec les allemands ? J’ai envie de dire oui pour le moment car la marque bénéficie toujours de son aura de précurseur mais il est certain qu’il faudra faire mieux sur la remplaçante de Model S.

Passons maintenant à l’intérieur, est-ce que ça bouge aussi de ce côté ? La réponse est oui et tout va globalement dans le bon sens. Cela commence avec les chromes clinquants qui ont laissé leur place à des éléments fumés nettement plus discrets et à dire vrai qualitatifs. Les sièges sont toujours aussi impressionnants, d’un blanc éclatant et toujours dans ce nouveau cuir non animal cher à Tesla.

Si les commandes ont toujours cet air bien connu de Mercedes, ce n’est toujours pas un mal et les assemblages ont ici aussi progressé, avec l’ajout de rangements au niveau du tunnel central, comme sur le Model X. En fait, six ans après sa présentation, cet habitacle n’a pour ainsi dire toujours pas pris une ride.

Le design était tellement en rupture à l’époque de son arrivée que les autres s’en rapprochent tout juste aujourd’hui et Model 3 va encore franchir un énorme cap en comparaison ! L’impression de clarté et d’espace est toujours bien présente, avec l’immense toit vitré et cet habitacle lumineux. Le volant est toujours un peu trop grand à mon goût mais l’effet « waouh » prédomine toujours.

Finalement, seule la résolution de l’écran des compteurs sous les yeux du conducteur laisse désormais un peu à désirer, même si les informations présentées le sont très sobrement et ne nécessitent donc pas un écran incroyable. Par rapport à un Virtual Cockpit en tout cas, on voit que la Model S marque un peu le pas de ce côté-ci de l’habitacle.

Les autres évolutions se situent plutôt côté software, tant sur le téléphone avec l’app’ toujours bien fichue de la marque et surtout sur l’écran central, toujours au coeur de l’expérience Tesla. La Model S de mon essai, flambant neuve, était équipée de la dernière version SW : la V9.

Du côté des nouveautés, l’interface a été assez notablement revue avec une nouvelle navigation très agréable à utiliser et plus riche en détails (je l’ai utilisée systématiquement, assez rare pour être noté !). Plus intelligent aussi en terme d’ergonomie, il y a un lanceur d’applications en bas de l’écran tactile et tous les contrôles de réglage sont regroupés et nettement plus accessibles ; sans oublier le lecteur multimédia que l’on peut déployer plus ou moins sur l’écran, très ergonomique là-aussi.

Les commandes de clim’ sont à la fois plus complètes et mieux dessinées aussi, notamment pour ce qui est de la partie chauffage de l’ensemble des sièges (luxe) et du volant (pourquoi diantre tout le monde ne chauffe-t-il pas son volant ?). Il y a également une caméra embarquée dans l’auto pour faire du dashcam et tous les capteurs vus sur Model X pour faire de la fonction de pilotage assisté une expérience toujours plus bluffante.

J’ai eu l’occasion de la tester dans des conditions de route vraiment dégueulasses, à savoir sur le périphérique de Lille, avec une fine bruine au sol et dans l’air, des reflets dans tous les sens qui rendaient ma propre interprétation peu évidente… et la Model S 100D s’est débrouillée comme une grande dans le flux et pour changer de files quand je lui en intimai l’ordre d’un coup de clignotant.

Et côté recharge alors ? Souvenez-vous : lors de mes essais de la Model S et du Model X, j’avais un peu souffert en Normandie dans la maison familiale où le réseau électrique n’est guère puissant. Je m’étais donc rabattu sur les bornes de centre Leclerc et du réseau de recharge public qui commence à se déployer sur place. Un peu contraignant à dire vrai… et il n’y avait qui plus est pas de SuperCharger dans le coin à l’époque.

Cette fois-ci, j’ai pu essayer de nouveau de me brancher sur une 220V et c’est passé. Alors, il ne faut clairement pas être pressé hein… mais cela fonctionne effectivement. Pas pu essayer en revanche le triphasé comme je l’espérais ! Mais, là-aussi « enfin », je me suis arrêté à mon retour sur Paris dans un SuperCharger. Le temps d’une glace au McDonald voisin et j’avais récupéré 68% de batterie. En 30 minutes environ si mes souvenirs sont bons ! Bluffant au possible.

L’autre bon point est bien sûr la vie à bord avec des coffres spacieux et plats, profonds également avec ce double rangement à l’arrière du véhicule. Autrement dit, même avec mes bagages et ceux de deux enfants : j’étais large ! Enfants qui ont d’ailleurs halluciné de la rapidité de recharge de la voiture et qui n’en pouvaient plus de cet immense écran dans l’habitacle…

Tiens, en parlant d’enfants, parlons un peu conduite car si ce n’était pas du tout ma première fois en 100% électrique, c’était la leur ! Les réactions à ce titre sont d’autant plus précieuses : ils ont la franchise de la jeunesse mais aussi son émerveillement. Le silence les a troublés, vraiment. Impressionnante réaction vue de ma fenêtre car si je suis pour ma part toujours heureux de me retrouver à vitesse de croisière avec seulement quelques bruits de roulement et d’air, eux étaient tout simplement subjugués.

Ce silence, combiné avec la luminosité à bord et la bonne qualité du système son, rend les voyages encore plus apaisants, pour eux aussi. La qualité de l’amortissement aide également, le système de Tesla ayant déjà fait ses preuves par le passé et confirmant de nouveau, malgré les grandes roues et le profil taille basse de ses gommes plutôt abrasives et raides.

Le freinage m’a semblé plus progressif qu’auparavant. Est-ce un défaut de mémoire ou bien le fait que le véhicule affichait seulement quelques dizaines de kilomètres à l’odomètre lorsque je l’ai récupéré ? Les batteries étaient en tout cas en pleine santé. Les accélérations sont toujours décoiffantes, silencieuses à l’exception du sifflement de la machine électrique !

Là-aussi, si je laisse encore souvent partir un sourire ou un rire amusé et satisfait quand j’écrase en grand l’accélérateur d’une Model S, le plus drôle à observer était à ma droite ou sur les sièges arrière… Que ce soit les enfants ou leur père, les yeux étaient écarquillés dans les trois sièges et le commentaire qui est revenu plusieurs fois était lié à l’écrasement des entrailles dans le corps tellement ça pousse.

Ces trois-là sont en général les premiers à me taquiner et à me demander de « pousser ». Si les conditions de sécurité le permettent – ils sont sous ma responsabilité à ce moment-là, peu importe leur injonction – je m’exécute volontiers… mais là étrangement, la poussée était si violente que les demandes étaient moins fréquentes. Un peu comme dans une GT-R. L’effet dragster a ce double effet d’excitation et d’oppression corporelle qui fait qu’on ne réitère pas l’exercice sans cesse.

Au cours de mon roadtrip dans l’arrière-pays lillois, je me suis surpris à rouler à rythme coulé mais animé. La Model S n’est toujours pas une voiture qui vous engage et vous en demande beaucoup, elle n’aime pas non plus être maltraitée car elle est très lourde et cela se rappelle régulièrement à vous.

En revanche, elle est faite pour avaler les kilomètres à bon rythme et c’est exactement ce que j’ai fait, dans un silence seulement troublé par les cordes coupées ici ou là et en générant un nombre incalculable de pouces levés, qu’ils viennent de cyclistes, de passants ou d’automobilistes. Tesla, je le disais, est toujours un précurseur et échappe à une certaine détestation automobile, y compris de la part des jaunes en bord de route.

Cette nouvelle virée à bord de la Model S m’a permis de me rafraîchir sérieusement la mémoire. 660 kilomètres sans un bruit et d’une facilité extrême, avec une consommation établie à 26.7 kWh/100, à mettre en regard d’une conso moyenne de l’ami Pierre Desjardins plutôt aux alentours de 22-23 en mixte. Bon, on va mettre ça sur le dos des tours de manège !

L’autre point de cet essai, c’est bien l’essai du réseau SuperCharger et c’est l’énorme force de Tesla aujourd’hui, alors que la concurrence affûte ses armes. Audi vient d’annoncer ses tarifs et une compatibilité avec de nombreuses bornes. La Model 3 va être encore plus polyvalente que les S et X, d’ailleurs, avec un nouveau type de prise compatible des bornes Tesla mais aussi autres.

Les autres ? Pas encore trop d’informations à dire vrai. Les armes s’affûtent mais la commercialisation n’est pas encore là. Je suis à ce titre extrêmement curieux de ce que va annoncer Porsche avec sa Taycan puisque c’est plutôt d’elle que doit se méfier Tesla dans un premier temps au vu du nombre de précommandes et de l’annonce de l’augmentation de capacitaire de production.

En tout cas, pas vraiment de doute après ce nouvel essai et en attendant celui de Model 3 : Tesla, que ce soit avec Model S ou les autres, a toujours une petite longueur d’avance dans cette guerre électrique. Des modèles qui évoluent, toujours en rupture stylistique et ergonomique, un réseau dédié énorme et un réseau de partenaires en sus, l’offre est en quelque sorte tout en un et très complète. Tout ce que n’avaient pas fait Renault ou Nissan en leur temps ! Il ne reste désormais plus qu’à essayer tout ce petit monde et faire le point d’ici ou un ou deux ans… Gageons que Tesla n’aura pas rendu les armes, loin de là.