Les essais se suivent et ne se ressemblent pas à l’est de ce monde. D’un côté, un Japon luxueux, de l’autre un Japon qui se redécouvre une sportivité. Ce serait oublier que l’est du monde automobile n’est pas que japonais, il est aussi coréen. Le consortium Hyundai-KIA est après tout le cinquième constructeur mondial, rien que ça et ce groupe a donc bien logiquement des vues sur le monde entier.
Avec une offensive produit convaincante entamée il y a une dizaine d’années et une propension à sérieusement doper son niveau génération après génération, ce n’était qu’une question de temps avant que ces ambitions quittent le domaine de l’automobile grand public pour arpenter les platebandes de l’exclusivité. On l’a vu récemment avec la KIA Stinger GT, convaincante pour beaucoup.
La même marque avait également tenté une incursion chez les compactes « dynamiques » avec une ProCee’d GT qui ne manquait pas d’arguments… Il restait à la maison mère de faire un pas similaire, ambitieux, engagé. Après avoir recruté quelques talents chez les grandes maisons européennes, le plan était lancé : N. N pour Nürburgring, là où les autos seront développées et peaufinées.
La première auto de cette nouvelle génération de compactes sportives est désormais disponible et il s’agit de la Hyundai i30 N, ici dotée d’un Pack Performance additionnel. L’ambition est réelle, avec un positionnement de l’auto pile en face des CUPRA Leon, des 308 GTi, nouvelles Megane R.S. ou encore Golf GTI. Rien de moins que ça… il fallait oser et se lancer et Hyundai l’a fait.
A l’extérieur, la i30 N oscille entre mettre le paquet et se la jouer discrète. Imaginez-là sans ce bleu si particulier (que j’aime beaucoup)… et vous verrez qu’elle pourrait se faire tout aussi discrète qu’une CUPRA Leon ! Ce n’est pas une critique, loin de là. Les signes extérieurs de sportivité sont là, assurément, mais ils pourraient disparaître au gré d’une robe à la coloration plus standard.
La bouche s’est bien sûr élargie avec un bouclier plus musclé et surligné d’une lippe rouge, la calandre arbore un badge N sans équivoque et surtout, l’auto est posée sur de belles roues abritant des étriers fixes, peints en rouge et blasonnés eux-aussi. Un menu bas de caisse fait la jonction entre roues avant et arrière, lui aussi marqué d’un N. Obsession ? Cela y ressemble un peu.
Si l’on excepte donc la robe colorée, cette Hyundai i30 N est relativement discrète, sportive chic au même titre que la Leon donc, ou encore qu’une 308 GTi dont le facelift manque cruellement de caractère. A l’arrière, c’est un peu plus démonstratif avec une double sortie d’échappement dont on reparlera et surtout un bel aileron intégrant le rappel de feu stop triangulaire de belle manière.
En fait, je ne vais pas dire que je suis déçu, ce ne serait pas honnête. Disons que j’aurais apprécié un soupçon plus d’élargissement d’ailes plutôt que les pseudo-ailettes placées en aval des roues arrière. Le bossage des roues avant aurait aussi gagné à être un peu plus marqué. Sans tomber dans l’hypertrophie caricaturale mais efficace d’une Civic Type R, bien sûr, mais je suis sûr qu’il existe une sorte d’entre-deux qui permettrait à la i30 N de se démarquer sans user de son si joli coloris.
Ce besoin de faire dans le plus démonstratif à l’extérieur se retrouve également à l’intérieur. Cette Hyundai i30 N est d’un sérieux à toute épreuve ! Je ne sais pas vraiment à quoi je m’attendais à dire vrai, mais j’ai été déçu par cet habitacle autant que j’ai été séduit par son infographie et ses quelques éléments liés à la conduite sportive, bien conçus et pensés.
La finition dans son ensemble n’est guère affriolante, sombre et sérieuse, très plastique et pas vraiment qualitative. La Leon n’est pas bien loin de ce point de vue, la 308 et la Golf prenant leurs aises en revanche en comparaison. La nouvelle Megane ? Même combat que i30 N et Leon : c’est noir, plastique et sérieux. La coréenne réplique en revanche avec une dose d’équipements très conséquente, de série et sans nécessité de rajouter des milliers d’euro d’options. Un excellent point quand il s’agit d’acheter une GTi moderne.
Je ne m’attarderai pas sur les qualités de matériaux, je pense que mes photos parleront suffisamment et l’essentiel est ailleurs. Les baquets sont plutôt typés « luxe » plutôt que maintien, avec une sorte de compromis qui ne m’a pas tout à fait satisfait. Au regard des vitesses en courbe dont est capable cette auto, un zeste supplémentaire de tenue en latéral n’aurait pas été un mal.
Du côté du levier, c’est bien fait, avec une jolie petite boule aux débattements courts et bien guidés, avec des verrouillages permissifs mais pas flous. Pas la meilleure non, mais vraiment rien à lui reprocher à dire vrai. La Hyundai i30 N vise juste de ce point de vue !
Du côté du volant, c’est également un sans faute avec de belles attentions, signalées par ces touches bleutées en bas du volant. Si les commandes sont très classiques et joliment dessinées avec leur forme de vague, les deux boutons permettent de passer très rapidement d’un mode de conduite à l’autre. A gauche, les modes « standard », à droit les modes « N » et « Custom » !
L’affichage des compteurs, réussi lui aussi, s’adapte en conséquence, en compagnie du ressenti général de l’auto, dont je vous reparlerai plus tard. L’écran central est quant à lui parfaitement à jour, tant en terme d’ergonomie que de fonctionnalités, arborant qui plus un « mode N » qui fait penser au R.S. Monitor, avec la possibilité de paramétrer le mode « Custom » de manière très pratique. Vraiment, cette i30 N est à mon sens la plus aboutie d’un point de vue technologie et ergonomie.
Tout ça, c’est bien, c’est très bien évidemment, mais que se passe-t-il quand on démarre le bouilleur coréen ? La Hyundai i30 N se dote d’un 2.0L turbocompressé développant un très raisonnable 275 ch à 6000 tr/min et 378 Nm à 1750 tr/min. En lisant ces lignes, vous comprendrez sans peine que je vous dise que ce moteur n’a pas grand caractère à haut régime mais il est en revanche bien bien bien coupleux et plein entre 2000 et 5500 tr/min !
Ce qui est aussi certain, c’est qu’il est plutôt sonore, même dans les modes standard. Attention, cela reste raisonnable bien sûr mais quand on passe en mode N ou Custom, les clapets s’ouvrent et c’est un festival de grondements et surtout de pétarades ! Cela en est presque caricatural si on s’amuse à en jouer en levant le pied aussi souvent que faire se peut mais reconnaissons à Hyundai d’avoir compris ce qui fait aussi le sel d’une automobile sportive tant que l’ère électrique ne sera pas tout à fait venue : le son et le caractère !
Ce 2.0L pétarade, gronde et siffle du turbo à qui mieux mieux, quel que soit le rapport engagé et quel que soit le rythme du roulage. En 2, 3 ou 4, c’est une explosion à chaque rétrogradage, avec le REV match que l’on peut par ailleurs activer pour bénéficier du talon-pointe automatique. Addictif au possible, en sus d’être séduisant et corrélé à la mise en vitesse copieuse de l’auto (308 GTi, si tu m’écoutes… désactive ta bande son risible).
La sonorité et le caractère moteur sont certes importants, mais il ne faut pas oublier le reste ! Le mode Sport de l’auto se montre plutôt convaincant pour enrouler à bon rythme sur les routes plus ou moins bosselées de Bourgogne mais il manque un je ne sais quoi de réactivité et d’intensité. Du côté des modes Confort et Eco ? Ils font le boulot pour réduire la consommation et rendre l’auto confortable mais d’ores et déjà, la suspension surprend par sa raideur. De manière générale, l’auto a autant de visages que de modes de conduite et c’est suffisamment rare pour être signalé.
Il est temps de passer au mode N. Sauf que ça ne durera pas longtemps… car l’auto trépide, saute, rebondit, perdant ses appuis et sa motricité dès que le bitume montre des faiblesses. Ce mode N, extrême au possible avec un ESC off, désunit un châssis par ailleurs bien né à cause d’une suspension réglée vraiment trop ferme, typée pour l’asphalte lisse et sans aspérités d’un circuit ou d’une départementale fraîchement refaite.
Il ne reste alors plus qu’à paramétrer le mode Custom au mieux, entre Sport et N. Je choisis pour ma part de laisser l’ESC allumé en mode Sport, de passer la suspension dans le même mode et enfin et surtout de placer la direction sur ce même mode intermédiaire. Le durcissement de l’assistance en mode N est bien trop marqué, caricatural là-aussi et rendant les gestes plus lourds et finalement moins connectés à l’auto.
Je critique, je critique, mais elle passe fort en courbe, cette i30 N ! Comme je le disais, le châssis reste bien né et la mise au point a été très sérieuse, tirant bien profit des P Zero au grip rassurant. Il faut bien cela ceci dit car il serait malhonnête de taper sur la suspension uniquement, cette dernière devant avant tout composer avec une masse cossue, digne d’une intégrale.
La limite de cette première incursion dans le monde terrible des compactes GTi se situe donc bien là : la masse. La 308 GTi semble être un poids plume en comparaison. La Focus RS, pourtant alourdie par sa complexité, compense avec une puissance bien supérieure et un équilibre plus joueur. Il manque à la Hyundai i30 N encore un peu de raffinement dans son positionnement : soit jouer la carte de la masse, soit celle de la puissance…
Pour aujourd’hui, c’est un peu raté car elle n’a ni l’un ni l’autre, ayant les attributs mécaniques de la plus petite des GTi du segment et le poids de la plus lourde, avec pour finir une consommation de 12.4 L/100 sur mes 880 km d’essai. Conséquent, tout de même. Tout aussi bien conçue et développée qu’elle soit, il est des lois qui ne peuvent être évitées et celles de la dynamique automobile en font partie.
Alors oui, les Pirelli font de leur mieux mais on les sent très nettement souffrir dans toutes les courbes comportant un tant soit peu d’appui en dévers, là où une 308 ou une Civic passeraient en ricanant, sans oublier l’efficacité moindre (mais pas vraiment critiquable) du différentiel électronique de la i30 N.
Alors, ratée, cette Hyundai i30 N ? Ne me faîtes pas dire ce que je n’ai pas dit ! A défaut d’être parfaite, elle a de nombreux arguments pour elle, à commencer par un positionnement tarifaire agressif du fait de l’équipement à jour et pléthorique. Elle apporte aussi et surtout une belle dose de caractère dans le segment avec un moulin qui gagne à être connu et entendu !
Enfin, si elle souffre indubitablement de sa masse, elle n’en est pas pataude pour autant, ni malsaine. Au contraire, elle montre une belle capacité à enrouler dans le sinueux et saura vraiment vous donner du plaisir si vous ne cherchez pas à aller trop loin dans les inscriptions et encore moins si vous cherchez à tirer la bourre aux comparses du segment si elles sont bien menées par leur conducteur.
Finalement, cette Hyundai i30 N, c’est un mariage à la fois heureux et malheureux entre les qualités et défauts des références du segment : le peps d’une 308 côté moteur, le sérieux d’une Golf dans le comportement, le sérieux relatif dans la ligne d’une CUPRA mais avec aussi quelques grains de folie et autant de défauts de jeunesse de toutes ces vieilles dames.
A l’heure du bilan, il faut bien se rappeler d’une chose : cette i30 N est la première « vraie » sportive de la marque ! Qui aurait pu croire il y a seulement cinq ou six ans que j’écrirais dans le même article des comparaisons avec toutes les références du segment, issues de constructeurs ayant quatre, cinq, sept générations d’expérience dans le domaine… en la mettant parfois devant, parfois derrière !
La progression de Hyundai (et de KIA) dans le milieu automobile ces dernières années est impressionnante, on ne peut le nier. Ce premier exercice sportif est fort logiquement imparfait mais a d’ores et déjà compris et intégré de nombreux éléments clés qui peuvent faire la différence. Il ne reste plus qu’à retourner sur la planche à dessin pour peaufiner, encore et encore, comme le font les anciens du segment, avec sûrement un zeste d’inquiétude face à ce matin calme qui ne cesse de monter en régime.