Sciences et Curiosités à la Cour de Versailles

Samedi dernier, c’était pour nous la visite de l’exposition Sciences et Curiosités à la Cour de Versailles, au Château de Versailles justement ! Nous étions alors persuadés que l’exposition vivait ses derniers jours avant sa fermeture le 27 février mais il n’en était au final rien puisque sa prolongation jusqu’au 3 avril prochain a été confirmée. Voici donc une bonne nouvelle pour vous si d’aventure elle vous intéresse : je ne parle pas ici d’une expo déjà terminée, chose dont je suis en général coutumier.

Mais passons, parlons plutôt de l’exposition qui se veut être un témoignage de la présence à la Cour de scientifiques et d’esprits aiguisés et curieux. Force est de constater au travers de la galerie de portraits présentés dans les premières salles qu’en effet, c’était bel et bien le cas, à commencer par les Rois de France, de Louis XIV à Louis XVI, tout impliqués et sensibilisés à la cause scientifique.

Mais ne mettons pas la charrue avant les bœufs : on commence d’abord par le splendide rhinocéros de la Ménagerie, naturalisé il y a bien longtemps et d’ordinaire conservé au MNHN puis on découvre l’exposition au travers d’un film diffusé et filmé avec une caméra spéciale à 360 degrés qui met en avant les différents sites et spécialités du domaine de Versailles, chacune de ces tendances scientifiques bénéficiant ensuite d’une salle d’exposition dédiée. Voilà pour l’introduction.

Et ainsi, de Huygens aux frères Montgolfier en passant par l’abbé Nollet et tant d’autres, on passe de décennie en décennie et de champ d’expérience en champ d’expérience. Les premières salles s’attachent d’ailleurs à rappeler le contexte historique d’effervescence scientifique qui se tramait autour de la Cour de Versailles : création de l’Académie des Sciences, fonctionnement de l’Académie Royale des Sciences avec notamment un splendide tableau de la présentation de ses membres au Roi Louis XIV.

Présentation des membres de l’Académie des sciences à Louis XIV Carton de tapisserie pour une pièce non exécutée de la suite de l’Histoire du Roy, tissée à la manufacture des Gobelins Vers 1680 Henri Testelin (1616-1695) d’après Charles Le Brun (1619-1690) Huile sur toile H. 348 cm ; l. 590 cm Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon

© Château de Versailles, Jean-Marc Manaï

La suite s’attache aux relations qu’entretenait le pouvoir avec la science : influence de Colbert, influence des membres de l’Encyclopédie, choix des sciences privilégiées en fonction de leur intérêt pour la Cour, pour l’utilité morale et le bien public (géométrie, astronomie, hydraulique, médecine, cartographie, etc.), fondation des Ponts et Chaussées et bien sûr présence de grands scientifiques à la Cour.

On passe ensuite au cas spécifique de Versailles qui fut finalement un cas fabuleux de mise en pratique de nouvelles techniques scientifiques : préparation du terrain grâce à l’optique, la géométrie et la géodésie, grande maîtrise de l’hydraulique pour fournir en eaux le Domaine mais aussi répartition de cette eau et pure mécanique pour ce qui est de la création des sublimes fontaines et bassins qui peuplent les Jardins. Versailles était aussi un terrain d’expérimentation pour tout ce qui touche à la zoologie, au développement des soins vétérinaires et à la botanique. La Ménagerie, le Potager du Roi, le Trianon et les multiples soins donnés aux personnes de la Cour par d’excellents praticiens font que ces différentes sciences progressent énormément, d’autant plus que comme je l’indiquais auparavant, les Rois et leur famille étaient sensibilisés et éduqués aux choses de science.

C’est à ce moment que l’exposition bascule réellement… On se retrouve devant une quantité phénoménale d’objets ayant appartenu à Nollet, aux princes et princesses de la Cour et à d’autres, mais aussi on découvre avec bonheur tous les objets que certains scientifiques ont pu réaliser à l’époque, comme la prouesse folle qu’est encore la pendule astronomique de Passemant (tout comme sa pendule de la Création du Monde), des microscopes d’une rare beauté, des horloges astronomiques miniaturisées, des pompes à vide, des centrifugeuses, des globes terrestres mécanisés, et encore et encore ! Le tout est bien sûr exposé dans des salles magnifiques qui sont un véritable écrin à tous ces sublimes objets.

Globe terrestre montrant aussi les profondeurs des mers et la voûte céleste Commandé en 1786 par Louis XVI pour l’instruction du Dauphin Edme Mentelle (1730-1815) et Jean Tobie Mercklein Bois, carton, laiton, fer et stuc H. 240 cm ; l. 130 cm Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de TrianonTélescope de type grégorien de Madame Sophie de France Inscription et armoiries sur le gainage : « Fait par Mme Sophie de France » 2e moitié du XVIIIe siècle Doré par Boismare Télescope : laiton, cuir et verre ; trépied : bois et laiton H. totale : 163 cm Lunette : L. 110 cm ; Ø 15 cm / Trépied : H. 120 cm ; L. base 88 cm Paris, musée national de la Marine,

© RMN (Château de Versailles) / D.R. / © Musée National de la Marine / S. Dondain

Si l’on considère enfin toute la salle consacrée aux expérimentations avec son miroir ardent, à l’expérience de l’électricité de l’abbé Nollet qui se déroula dans la Galerie des Glaces (le rêve !), la joueuse de Tympanon (un splendide automate…) et bien sûr le premier vol d’une montgolfière au-dessus du Domaine, on ne peut qu’être excité, que l’on soit de formation scientifique ou pas.

Expérience aérostatique faite à Versailles le 19 septembre 1783 par Étienne de Montgolfier en présence du roi, de la reine et de la famille royale. Versailles, bibliothèque municipale

© Château de Versailles, Jean-Marc Manaï

Car c’est bien là la force de cette exposition, sa capacité à séduire tous les publics. Les enfants s’y régalent, les scientifiques sont en extase (forcément), les néophytes apprennent (la documentation de l’exposition est parfaite) tandis que les esthètes se pâment devant la beauté et la finesse des objets présentés. Pour peu que l’on soit scientifique et esthète, on ressort de là avec un sentiment de plénitude qui ne se dégrade pas avec le temps, j’ai encore les yeux qui brillent alors que j’écris ces lignes et que je me remémore mon parcours dans ces salles obscures.

Vous l’aurez compris : l’exposition est un régal et vaut le détour ! Courez-y avant début avril !