Loir-et-Cher – visite du Château de Beauregard

Après avoir visité Cheverny, à la fois satisfait et frustré par sa scénographie, je ne savais pas trop à quoi m’attendre en abordant la seconde visite de la journée : le château de Beauregard. Cela commence bien avec un petit chemin d’accès et une jolie bâtisse (l’ancien four à pain) pour marquer l’entrée du domaine, suivi d’une marche paisible dans un immense parc dominant la vallée du Beuvron. Le « jardin des Portraits » mérite une déambulation en chemin, joli jardin de vivaces sous forme de galerie en juxtapositions de plantes que l’on traverse d’une thématique à l’autre. Rafraîchissant alors même qu’on n’a pas encore ne serait-ce qu’aperçu le château ! Des panneaux indiquent toutefois la couleur du coeur du propriétaire : « prière de marcher sur les pelouses » ! C’est si rare, une telle invitation à jouir d’un parc privé, aussi merveilleusement fleuri et arboré, à l’anglaise.

Le château de Beauregard apparaît enfin, délicat et. Ancien rendez-vous de chasse de François 1er datant du XVème, à quelques encablures seulement du domaine de Chambord, il fut aussi la demeure de ministres des rois aux XVIème et XVIIème jusqu’à entrer dans la famille du Pavillon en 1926, qui en a toujours la garde et la partage avec une certaine originalité, beaucoup d’humour et de « normalité » ; en témoignent les moutons Racka « Tueurs de loups » à l’entrée du domaine et autres panneaux explicatifs situés ici et là. Est-ce que je suis déjà un peu amoureux de Beauregard ? Oui. Et ça ne fait que commencer.

La visite, libre mais bien documentée ou guidée, va être l’occasion de confirmer le coup de foudre. Dès la première pièce, quelques petites merveilles se laissent découvrir : une mâchoire de baleine jamais descendue de son emplacement, une horloge maîtresse à la cinématique représentant le port d’Amsterdam incroyable ou encore une très belle armoire de sacristie. Juste après, on découvre l’ancienne cuisine et son remarquable manteau de cheminée, sans oublier les moules en cuivre, si délicats. Mais l’essentiel, le clou du spectacle, est à l’étage, au sommet du bel escalier.

Voici la galerie des Illustres. Il s’agit de 327 portraits représentant les personnages importants de l’Histoire de France et d’Europe, regroupés sous forme de panneaux historiques, chacun traitant d’un Roi de France. Il s’agit non plus ni moins de la galerie de portrait la plus complète conservée en Europe. Chaque panneau est conçu de façon brillante, avec un sens de lecture détaillant, à partir du Roi, les personnages les plus en vue et d’importance. La galerie de Beauregard mérite à elle seule une visite guidée mais, dans le cas d’une visite libre, elle mérite beaucoup de temps de lecture et d’observation. On ne manquera bien sûr pas d’admirer le plafond peint en Lapis Lazuli, toujours éclatant. Et en baissant les pieds, on s’émerveillera en imaginant la pièce entière, libérée de son cheminement de protection, couverte des rares faïences de Delft, peintes à la main et représentant les différents corps d’armée.

Cette oeuvre gigantesque, initiée par Paul Ardier, propriétaire de Beauregard de 1619 à 1638, fut complétée par ses descendants. Elle se focalise sur les personnages politiques et militaires, ayant également vocation à être pédagogique pour éclairer chaque règne. Il y a douze panneaux au total, sur les 26 mètres de long et 6 de large de la galerie. C’est absolument immense et ébouriffant, tout comme l’est le superbe cabinet des Grelots à deux pas de là ! L’exposition temporaire de portraits de chiens ne m’a en revanche pas du tout intéressé, car le parallèle, intéressant, ne s’accompagnait pas d’une mise au format comparable à la galerie des Illustres. Avant de partir, s’attarder dans la petite pièce hébergeant un superbe cabinet bourguignon datant de 1625, sans oublier non plus la salle Louis XIV, au dessus de la cuisine. On y découvre une belle cheminée, un incroyable buffet incrusté de nacre et d’ivoire (malheureusement trop loin pour être vraiment apprécié) et deux très beaux fauteuils indo-portugais incrustés d’ivoire.

Gorgé de toutes ces merveilles, il est désormais temps de se perdre dans le parc de Beauregard, en marchant sur les pelouses autant que faire se peut, pour admirer l’ancien relai de Compostelle (une petite chapelle du XVème), l’allée de Chambord et sa grille, avant de filer à travers cèdres, statues, bambous, houx, ifs et ginkgos bilobas jusqu’à l’entrée. Il reste alors à survivre aux moutons tueurs de loups pour rejoindre son carrosse et d’ores et déjà regretter de n’avoir pas passé plus de temps sur place. Oubliez Cheverny, allez à Beauregard.