Essai – Abarth 695 Biposto

Celle-là, je voulais à tout prix l’essayer en voyant qu’elle était toujours au parc presse quand je suis venu récupérer le 124 Spider. J’en avais discuté avec Abarth, apprenant qu’elle allait bientôt partir sur le marché de l’occasion, quittant définitivement l’atelier de la grande maison FIAT France. Il ne restait que quelques semaines pour le faire, en hiver… Le deal était simple : si la météo le permettait, je la prenais, sinon il faudrait planifier un nouveau créneau, au mieux.

Il a fort heureusement fait beau et j’ai enfin pu mettre mon séant dans l’Abarth 695 Biposto, l’une des voitures les plus stupides, inutiles, collector, caractérielles, attachantes et réjouissantes que j’aie pu conduire. Prenez une FIAT 500. Donnez là à l’officine Abarth et ils vous en feront déjà des 595 diverses et variées.

Donnez leur ensuite carte blanche ou presque pour faire n’importe quoi et voilà la 695 Biposto. Cette petite folie d’ingénieurs et de designers a une place particulière dans l’automobile pour cette raison mais aussi dans mon histoire personnelle. Je crois qu’il fallait que je l’aie pour exorciser certains souvenirs.

Me voilà face à elle. Elle a l’air méchante, comme toutes les Abarth d’ailleurs. C’est toutefois et de manière indubitable une FIAT 500, dans son ancienne version puisque la marque a présenté une version faceliftée en 2015. La 695 Biposto est donc la version ultime avant l’arrivée de la nouveauté et c’est un feu d’artifice.

Avant de parler des détails, petite information prix ! L’Abarth 695 Biposto est voulue comme une déclinaison route de la version Assetto Corse Evoluzione et s’affiche à un prix d’attaque conséquent de 40 k€. Avec les différentes options, kit 124, boîte à crabots, kit carbone, course et vitres compétitions, on arrive au final à 69 k€. Voilà. Ma version avait tout. Ne discutons pas de la pertinence du prix.

Alors voilà, face à elle, on respire un bon coup et on sourit à pleines dents ! Gueule béante en carbone, évents latéraux pour refroidir les freins, capot en alu à double bosselage, logo Abarth et une tête de hamster vraiment très énervé avec des ailes élargies. Impossible de rater sa singularité et à quel point elle se démarque des autres Abarth avec ces quelques ajouts !

Les flancs ne sont pas en reste avec de splendides roues de 18 » forgées et signées OZ, des rétroviseurs en carbone, une lame de base de caisse du même matériau et surtout ces fameuses vitres en polycarbonate trônant sur des portières allégées au possible. Le tout est, vous l’aurez noté, peint d’un gris mat qu’on ne peut là non plus pas rater puisqu’il n’est proposé que sur ce modèle et sans autre option possible.

L’arrière n’est pas en reste avec le gros becquet placé au sommet de la lunette arrière dénuée d’essuie-glace, un joli petit bouchon 695 sur le toit, un diffuseur en carbone ceinturant la double sortie d’échappement en titane signée quant à elle de la référence Akrapovic ! Vue de derrière, elle paraît encore un peu plus large, agressive, rase-bitume et déterminée à bouffer du bitume.

Si l’extérieur est donc rendu un peu plus extrême encore que ce que l’on peut voir sur une Abarth classique, il en va autrement à l’intérieur ou c’est tout simplement du grand n’importe quoi comme je les aime ! Les ingénieurs se sont lâchés sur la 695 Biposto et plus encore avec toutes les options additionnelles.

Allez, on commence par les baquets, de petites coques Sabelt dotées d’inserts en carbone. Les portières sont elles aussi couvertes de ce matériau et indubitablement légères. Seuls les rétroviseurs conservent une commande électrique puisque les vitres passent au polycarbonate avec des ouvrants tout sauf pratiques mais drôles à utiliser.

La partie basse de l’habitacle est dénudée, sans tapis de sol. Le pédalier est quant à lui en aluminium, les pédales de frein et d’accélérateur plutôt bien positionnées. Peu après, on regarde vers l’arrière pour découvrir un grand vide. Plus de sièges, plus de coffre, un filet anti intrusion pour les bagages et un harnais 4 points qui attend patiemment d’aller en piste. Au centre : un levier de frein à main entouré de carbone lui aussi.

Mais sinon non, ce harnais n’est pas homologué pour la route, gardez bien cela en tête, même s’il vous protègera sûrement un peu plus que des ceintures à 3 points standard. Il n’est en tout cas pas absolument indispensable puisque les baquets offrent un très bon maintient et une vue splendide depuis le coffre ouvert. Mention un peu moins bien pour le côté glissant du coffre dans lequel les bagages glissent gaiment.

Oui, bon, je tourne autour du pot, vous m’avez grillé. Ce qui trône réellement au centre de l’habitacle, c’est la plaque Abarth 695 Biposto entourée de carbone. Au dessus, les commandes de la ventilation. Ne cherchez pas de climatisation, d’autoradio ou autre : il n’y en a pas, la chasse au poids est passée par là. Pas même une prise 12V, ce qui pour le coup est un peu handicapant.

En lieu et place du petit écran 7 », on retrouve un Data Logger pour les temps au tour, le rapport engagé, le régime moteur avec des petites diodes qui indiquent le moment idéal pour claquer une vitesse et quelques autres informations utiles. Les compteurs placés derrière le volant, un peu désuets, affichent quant à eux les g encaissés ou encore les pressions pneumatiques. Des informations utiles sur circuit, une fois encore.

On notera enfin le petit mano qui affiche le mot Sport quand le mode correspondant est engagé d’une simple petite pression sur le bouton idoine. Autre chose ? Les informations habituelles de kilométrage et de consommation, établie en moyenne à 9.5 L/100 sur les 600 km de mon essai. On a donc l’essentiel pour se rendre au circuit, y rouler et en revenir.

Allez, j’arrête. Parlons du volant ! C’est une petite déception à dire vrai, j’attendais un volant Momo ou quelque chose du genre, gainé d’alcantara si possible. Non, on a bien un volant d’Abarth standard, gainé cuir et dénué de boutons. Peut franchement mieux faire.

Bon, ok, cette fois-ci c’est la bonne. Au delà des baquets, au delà des vitres en polycarbonate, au delà de l’absence de sièges arrière et de la présence d’un renfort type arceau avec harnais, au delà du carbone présent un peu partout dans l’habitacle, ce qui trône réellement dans l’habitacle de la 695 Biposto, c’est la boîte à crabots. C’est la pièce maîtresse, le point d’orgue, l’objet qui focalise les fantasmes et sourires : ce magnifique et long levier qui remonte tout droit du plancher.

En dessous, il y a de la tripaille et les différents tirants commandant la boîte. On retrouve aussi une petite grille en aluminium qui cliquète avec bonheur quand on passe d’un rapport à l’autre. C’est beau, c’est un peu artisanal, on ne voit strictement que ça et derrière, c’est couplé à un ensemble moteur / autobloquant mécanique qui te colle un sacré sourire sur la face. Bref : c’est une option facturée un prix délirant mais les cling et les clong qui résonnent dans l’habitacle quand on attaque un rapport après l’autre valent bien ça.

Cette fois-ci, c’est bon, j’ai fait le tour du propriétaire ! Il est un peu fou le propriétaire. Carbone partout, peinture gris mat, tête vraiment énervée, double trompette Akra à l’arrière, ailes bodybuildées. L’extérieur en impose nettement et l’intérieur enfonce le clou en supprimant les places arrières, en montant une boîte à crabots en lieu et place de la boîte mécanique habituelle et en enlevant tous les éléments de confort. L’Abarth 695 Biposto assume son nom et son concept. Reste à voir si elle assure aussi sur la route.

Moteur. La ligne Akrapovic s’ébroue joliment, très joliment même. La ligne Monza paraît presque sage à côté et cela va se confirmer ensuite. Le petit 1.4 turbocompressé change totalement de voix avec le travail des sorciers du son ! Une fois le mode Sport engagé et la valve libérée, c’est un déluge de grondement, mais sans pétarades malheureusement. C’est peut-être là le seul petit regret par rapport à la Monza, mais pour le reste, la 695 Biposto gueule avec vigueur et force grondements, un régal à emmener à travers les forêts !

Le moteur à proprement parler est rageur, explosif en seconde et en troisième, de quoi être déjà très largement hors des clous légaux du fait d’un étagement de boîte assez long. Les 190 chevaux sont disponibles à 5500 tr/min et le couple, 250 Nm, à 3000 tr/min. Dès 2000 tours et même après 5500, il en reste et je n’ai donc pas hésité à tirer les rapports jusqu’à la petite diode rouge du data logger pour profiter pleinement du grondement de l’auto. Quelle petite bête, j’adore.

Alors par contre, quand on fait ça, à savoir accélérer à pleine charge, on a intérêt à très bien tenir le volant ! La 695 Biposto a une certaine propension à lire la route, voire à lire la route un peu trop. Les bosses et ondulations sont autant de raisons pour elle de ne pas vraiment tenir son cap. De ce fait, la conduite sur le bosselé demande de la concentration car les gommards, véritables sangsues du bitume, veulent à tout prix attraper le grip où il est.

La direction n’aide à dire vrai pas trop, un peu floue au milieu à mon goût, combinée à une position de conduite toujours trop haute. Un peu plus de fermeté au centre en mode Normal ou Sport n’aurait pas été de trop. A côté de cela, elle est globalement directe, précise et on sent bien ce qu’il se passe sur le train avant et si un éventuel sous-virage n’est pas à exclure pour peu qu’on ait pas assez chargé le train avant, on le sent là aussi venir, tout comme les retours de couple.

On en arrive à la suspension, toujours sur routes bosselées. C’est l’occasion de comprendre une bonne fois pour toutes que l’Abarth 695 Biposto n’est vraiment pas faite pour les spéciales de rallye mais bien pour la piste lisse comme une peau de bébé ou pour les routes lisses comme une peau de trentenaire. Si les amortisseurs bénéficient d’un réglage en hauteur, ils n’en demeurent pas moins d’une raideur certaine, combinée à des ressorts qui ne compensent pas grand chose.

En bref : dès qu’on accélère sur chaussée dégradée, on perd du grip et la voiture lit le chemin de meilleure adhérence. Dès qu’on freine ? Les roues avant driblent sur les aspérités et bosses, venant déclencher l’ABS de manière chaotique avec warnings qui s’allument et régulations perceptibles dans la pédale de frein. C’est tout sauf sécurisant et déjà qu’à la base, la voiture déclenche ses warnings sur des décélérations fortes mais loin des limites, là ça en devient vraiment agaçant.

Là où des Abarth plus standard se débrouillent donc plutôt bien, la 695 Biposto trahit sa nature de pistarde en sautillant, tressautant et ne sachant trop quoi faire. Le problème, c’est qu’avec les roues aux quatre coins et un empattement de petite citadine, cela devient difficile à contenir et conduire. Retournons donc vite sur des sections plus favorables car oui, il y en a aussi par chez moi…

Tout de suite, ça va beaucoup mieux, tellement mieux, adorablement mieux. L’Abarth 695 Biposto dévore le bitume, se jette d’un virage à l’autre avec une adhérence latérale à te faire rigoler nerveusement et il faut vraiment augmenter le rythme cérébral pour bien anticiper les prochains passages ! Le freinage signé Brembo s’en tire bien malgré les répétitions de belles décélérations et je n’ai pas noté de grosse augmentation de course pédale.

Je ne sais pas trop quel était l’état de mes plaquettes ceci dit, le pedal feel s’est en tout cas bien stabilisé et les décélérations étaient bien suffisantes, venant là-encore déclencher les warnings pour peu que l’on dépasse un certain niveau de décélération. Une fois encore, perturbant, j’aurais apprécié que Abarth désactive cette fonction dans l’ESC de l’auto, d’autant que la voiture sait encaisser des freinages entre 0.8 et 1 g sans broncher. J’espère que c’est le cas désormais sur les versions restylées.

La direction, que je trouvais un peu mollassonne tout à l’heure me semble désormais plus équilibrée, jetant parfaitement et très directement l’auto dans les courbes et remontant bien le moment où l’autobloquant additionnel et spécifique à cette auto se met à vraiment tracter l’auto hors des courbes. On se retrouve ainsi à remettre les gaz de plus en plus tôt pour sortir des courbes de plus en plus vite.

Gare toutefois à ne pas trop en faire car le moteur est un sacré tracteur. Il faut bien faire attention à charger le train avant, ce qui n’est pas toujours bien perceptible du fait de l’absence de débattements de suspensions. On pourrait croire qu’on a bien freiné mais il peut n’en être rien, façon de parler.

Il y a parfois sur de jolies routes des petites cassures, des bosses, des aspérités. Vous les sentirez parfaitement dans votre dos, croyez moi bien. Surtout, vous les entendrez car c’est bien simple, cette Abarth 695 Biposto frotte plus qu’une Caterham 355R ! Attention aux dos d’ânes, attention aux bosses car derrière, les amortisseurs ne récupèrent que peu et on peut vite se retrouver à tapoter sur la route.

Une fois encore, cette petite bombe caractérielle et décidément tout sauf dans le compromis est faite pour la piste et pour les routes bien lisses. Dans ce dernier environnement, c’est un vrai régal et le plaisir, réel, est décuplé par l’utilisation de cette boîte à crabots un peu perturbante au premier abord mais vraiment drôle à manœuvrer par la suite.

L’enclenchement de la première au feu rouge ou au petit matin génère en général un petit soubresaut de l’auto. Voilà, on est en prise, c’est parti. Ma voiture avait du un peu souffrir déjà car la seconde craquait beaucoup, à la montée et à la descente, même en double débrayant et en facilitant le fonctionnement des crabots. Par contre, après, 2-3-4-5, mais quel pied ! Cling. Clong. Clang. Les rapports s’égrainent et se verrouillent avec bonheur. C’est comme avec une boîte de MX-5, court, précis, adorablement mécanique.

Je pourrais jouer avec cette boîte en permanence même s’il est certain qu’on a connu plus pratique au quotidien. Les bouchons parisiens de l’aller et du retour furent une expérience gérable tout de même, tout comme la traversée de Paris, sur les fameux pavés cachant la plage : mon dos s’en souvient encore et mes dents se sont entrechoquées plus d’une fois avant que je ne daigne fermer la bouche. Tout cela sans radio. Aller travailler en 695 Biposto ? Faisable, mais tout de même, il faut être motivé.

Bon et de toute façon, la radio, on ne l’entendrait pas. Entre les grognements et grondements de la ligne Akrapovic et l’absence quasi totale d’isolation phonique des vitres, on ne s’entend plus à partir de 110 km/h dans cette voiture ! Cela pourrait sembler être une critique mais non, c’est une partie de son caractère. Je réitère mon commentaire sur l’habitacle, cette Abarth 695 Biposto assume son positionnement et sa philosophie.

Sourires, sourires, sourires, voilà ce que génère cette voiture pour peu qu’on la malmène sur les routes pour lesquelles elle est conçue. C’est aussi ce qu’elle génère chez les autres qui lèvent d’abord un sourcil en découvrant les nombreux éléments de carbone et surtout les vitres en polycarbonate. Ils voient ensuite le levier de la boîte et ça y est, ils ont compris.

Sourires, pouces levés, hochements de tête. L’Abarth 695 Biposto attire un peu moins les regards que d’autres mais on les voit nettement s’illuminer quand ils comprennent qu’ils ont affaire à une version quelque peu spéciale, la plus petite des supercars comme aimait l’annoncer la marque lors de son lancement et des premiers essais.

L’Abarth 695 Biposto est donc une machine tout à fait unique, caractérielle, imparfaite. Elle est même inutile d’une certaine manière, délire automobile à l’usage très limité, impossible ou presque à vivre au quotidien, délirante à emmener de chez soi jusqu’au circuit pour ensuite en revenir dans un tonnerre d’échappement.

Faut-il acheter une FIAT 500 transformée de tous les côtés à 60k€ ? Ma foi, quand on aime et qu’on aime aussi et surtout collectionner, je pense que la réponse est oui. Cette machine un brin extrême mérite qu’on l’aime malgré ses défauts et sûrement pour ses défauts et son absence de compromis. Elle rejoint à mon sens les autres petites folies de constructeurs que sont les R26 R, Trophy R ou autres Clubsport S.

Ces voitures doivent exister, parangons de la chose automobile délurée, sportive, intenable et tout sauf politiquement correcte. Assurément, la 695 Biposto, avec tous ses défauts et qualités, est de ces voitures qu’on finit forcément par adorer autant qu’on les critique.