Essai – Mercedes-AMG CLA 45 S Shooting Brake

Après l’essai convaincant de l’AMG A 35, le rendez-vous était pris avec la version encore plus énervée de la compacte de la marque étoilée. Les hasards du calendrier épidémique et les logistiques de parc presse ont un peu modifié l’idée initiale, la faisant évoluer vers un weekend en contrée burgonde avec un peu plus de coffre et de longueur : voici l’essai de la « Mercedes-AMG CLA 45 S Shooting Brake ».

C’est long ? Oui, mais c’est bon. Les dénominations de Stuttgart ont cette fâcheuse tendance à l’allongement depuis quelques années, même si « AMG » a depuis quelques temps déjà l’honneur d’être accolé au patronyme initial de Mercedes. Restent CLA. Coupé, joli. 45. La version « petit » du 63 AMG, miam. S pour « un peu plus énervé » (re-miam) et Shooting Brake pour « on a mis un long coffre, mais ça ressemble quand même surtout à un break de chasse ».

Au moment de mettre le vélo dans le coffre, cette dernière section me saute au visage, le coffre est profond et volumineux avec les sièges rabattus mais son entrée n’est guère évasée, ne facilitant pas trop l’insertion de ma chose à deux roues. Bon. Est-ce vraiment un argument d’essai automobile ? Non. C’était juste pour illustrer le propos du « break de chasse » pas toujours si pratique que ça.

Par contre, c’est beau. La nouvelle Classe A de manière générale a introduit un style nettement plus effilé et agressif que la précédente génération, en confirmant la rupture établie avec la toute première mouture qui tendait à se retourner en voyant des orignaux (ou élans – bref). On retrouve logiquement sur le CLA 45 S ces traits de style, mais l’écart avec la version A 35 est tout de même bien notable.

Il y a bien sûr ce rouge Patagonie de toute beauté. Le capot est joliment plissé et semble fort marri de son état. En dessous, on trouve la calandre Panamericana aux barres verticales semblant trancher l’air et les prises d’air massives en dessous des optiques agressives. Le noir du pack optionnel de ma configuration dotée d’appendices aérodynamiques tranche avec le rouge, marquant encore plus ces différences que l’on retrouve du côté des immenses roues noires et des non moins immenses étriers avant (rouge, eux).

A l’arrière, la quadruple sortie d’échappement marque les esprits (et les tympans) mais on note surtout sur ce CLA 45 S Shooting Brake la superbe ligne de break coupé qui avait tant séduit lors de la renaissance il y a (ce qui semble être) une éternité avec la CLS Shooting Brake. Les autos modernes ayant pris un peu d’embonpoint, le CLA Shooting Brake a aujourd’hui des proportions qui me semblent idéales pour une auto à la fois grande et contenue. 4m70 tout de même, ce n’est pas rien pour une simple Classe A.

Dans l’habitacle, le pas entre A 35 et CLA 45 S est tout aussi notable. Là où la première offrait un compromis entre maintien, sportivité et approche clairement luxueuse, la seconde mise sur une sportivité nettement plus exacerbée.

Inserts aluminium et cuir de première qualité côtoient des baquets coque bien enveloppants mais malheureusement un peu inconfortables sur les longues distances. Je n’ai pas réussi à trouver un réglage me satisfaisant pleinement, des douleurs aux lombaires apparaissant au bout de 300/400 km, là où une A 110 aux coques largement plus fines et non réglables m’a fait voyager sans fatigue sur 900 km. A 4000€ l’option, je vous avoue être dubitatif.

Le volant se couvre quant à lui logiquement d’un bel alcantara et embarque le nouveau système de configuration AMG au volant. Le CLA 45 S Shooting Brake est une « vraie » AMG : sélecteur de modes de conduite à droite en rotation, la pression déclenchant le mode Individual (full Race pour moi, sauf la suspension) ; sélecteurs individuels à gauche pour paramétrer à l’envi la réponse de sa voiture – le tout étant en doublon de la console centrale, au cas où le passager souhaiterait ouvrir les clapets de l’échappement (Nicolas, Charles, je vous ai vus, hein).

La finition est exemplaire et l’aspect luxueux sportif de l’auto est indéniable. La Classe A a franchi un cap de manière générale, le CLA 45 S enfonce encore un clou supplémentaire pour le compte de la maîtrise Mercedes. Reste l’interface à double écran, toujours aussi agréablement pilotée par les deux pads tacticles/cliquables du volant mais dont la profondeur de réglage me semble toujours trop grande.

Je reste donc à un niveau superficiel, laissant CarPlay faire le reste, comme c’est quasiment toujours le cas désormais. Finalement, le seul point où je joue vraiment avec les paramètres est l’affichage tête haute, largement configurable lui aussi, permettant ainsi de ne quasiment plus lâcher la route des yeux. On verra que ça a un grand intérêt…

S’il faut résumer, l’habitacle du CLA 45 S est une nouvelle fois un démonstrateur de l’exceptionnelle qualité à laquelle peuvent désormais prétendre les compactes premium du segment C. On fait bien sûr face à une facture de 86k€ pour le modèle essayé (74k€ en base), ce niveau d’excellence semble bien logique. Mais Mercedes-AMG délivre ce pour quoi il fait payer de ce point de vue.

Ah oui, je parlais d’affichage tête haute et du fait de bien garder les yeux sur le bitume. L’appui sur le bouton Start allume la mèche courte de ce pétard développant 421 ch. Le moteur est un « simple » quatre cylindres de 2.0L, ce qui nous donne un rendement de 210 chevaux au litre. Simple, disait-on… Mieux encore, la puissance est délivrée à 6750 tr/min et le couple pléthorique de 500 Nm l’est à 5000 tr/min. Autrement dit : ce moteur aime qu’on tarde à passer le rapport supérieur.

La sonorité rauque des échappements à l’allumage est évocatrice, prometteuse. Cela se confirme une fois en mouvement avec les clapets ouverts (en position Confort, on peut voyager sans encombre et au long cours avec le CLA 45 S moyennant un peu de bruits de roulement) même si les innombrables pétarades ont disparu, nouvelles normes obligent. Il y en bien une ou deux qui s’échappent de temps à autre mais c’est surtout le hurlement du moteur et le souffle assez bestial du turbo que l’on entend dans l’habitacle.

Déjà que le moteur de l’ancienne génération de A 45 avait du coeur, celui-ci pousse le trait encore un peu plus loin et devient un petit monument dans le hall of fame du quatre cylindres turbocompressé, satellisant l’auto de 0 à 100 km/h en tout juste 4 secondes avec un appétit confirmé pour les régimes au delà de 5000 tr/min. Quel punch !

Par contre, avec un réservoir de 51 L, le plein doit régulièrement être fait, surtout avec ce petit côté pousse au crime du moteur et une moyenne relevée à 14.2 L/100 (j’ai eu le pied lourd, on va pas se mentir) sur mes 900 km d’essai.

La boîte est à double embrayage et porte elle aussi un nom à rallonge : 8G-DCT Speedshift AMG. Bref : elle a huit rapports qui passent toujours sans encombre mais avec toutefois quelques petites spécificités à conserver à l’esprit. La première et la seconde sont très, mais alors très courtes. Le limiteur est atteint en appuyant seulement du petit orteil sur l’accélérateur. Alors imaginez quand vous appuyez avec toute la largeur de la semelle… Prudence donc et légère anticipation pour enquiller la troisième et vous ne perdrez pas de temps car le limiteur ne fait justement pas dans la dentelle quand il s’agit de protéger le moteur.

Au rétrogradage, c’est un peu la même recette, il faut faire attention à ne pas venir taper la butée sous peine de perdre un peu de temps et de rythme, le temps que l’électronique vous autorise de nouveau à utiliser votre jouet. Pour le reste, c’est du caviar. Douce et progressive en Confort, gérant parfaitement ses passages en mode automatique, elle devient assez brutale dans les modes les plus extrêmes, claquant rapidement les rapports sans vous décoller une cervicale pour autant.

En fait, tout ça n’est guère étonnant. Mercedes-AMG sait faire des ensembles moteur-boîte depuis belle lurette et ils viennent encore le confirmer sur ce nouveau « 45 S » qui est tout sauf une AMG au rabais (la 45 standard n’est pas disponible en France – je peine soit dit en passant à en voir l’intérêt en général). En revanche, là où les anciennes A 45 pêchaient un brin, c’était du côté de la suspension avec une raideur un peu caricaturale et des sautillements très perturbants au freinage pouvant nettement déséquilibrer l’auto.

Le nouveau CLA 45 S est forcément légèrement plus stable et lourde que l’A 45 de mes souvenirs, avec sa caisse plus longue, répartissant le poids et l’équilibre de l’auto de façon un peu différente. A haute vitesse, c’est un véritable rail que l’on place et engage dans les courbes avec gourmandise. Les gommes Michelin à haute performance couinent un peu sous la charge mais ils ne lâchent pas prise. Jusqu’ici, tout va bien.

Dans les enchaînements très serrés de Bourgogne, le CLA 45 S fait là-aussi des miracles en dynamisme, se jetant dans les courbes sans jamais hésiter. Le tressautement du train arrière ? Un souvenir. Il n’y a rien de tout cela ici, même si le mode Sport+ de l’amortissement est à proscrire sur routes en état moyen ou mauvais. Il faut le garder pour les bitumes immaculés où il brille alors mais pour le reste, pensez à votre dos et à vos dents et restez en mode Sport. D’où l’intérêt du mode Individual !

La direction, à défaut d’être parfaite, est également bien plus informative que dans mes souvenirs, avec un bon ressenti de l’adhérence des pneumatiques avant dans les enchaînements serrés. La perception du sous-virage à laquelle l’auto tend, à la limite, comme toutes les intégrales est assez bonne et on peut alors facilement décider de soulager / souder pour solliciter l’excellente transmission 4Matic+, la plupart des relances pouvant se faire avec assez de furie en 3ème du fait des 1 et 2 très courtes.

Cette dernière bascule avec aisance la puissance sur le train arrière ou avant selon les conditions, offrant au CLA 45 S la possibilité d’enrouler par l’arrière certaines courbes afin de soulager le train avant, ce grâce aussi à une répartition du couple particulièrement bien gérée. Franchement bluffante, je ne m’attendais pas à un tel dynamisme ni à un tel équilibre. En fait, j’aimerais bien essayer la version « courte », l’A 45 S, ça doit être quelque chose de ce point de vue !

Il ne faut en effet jamais oublier que le CLA 45 S pèse 1675 kg à vide. C’est assez énormissime pour une compacte, n’est-ce pas ? On comprend mieux pourquoi les Pilot Sport 4S souffrent un peu et chauffent bien vite, face à la cavalerie certes, mais aussi face à la masse de l’ensemble. Et encore n’ai-je pas joué avec le mode Drift autorisé par le « + » de la transmission. Complètement oublié… je m’en veux un peu, à dire vrai.

La stabilité au freinage est là, l’endurance de ce dernier aussi. Si l’on excepte donc la masse trop élevée et le mode Sport+ de l’amortissement incompatible avec une utilisation routière hors routes lisses, il n’y a vraiment pas grand chose à critiquer. Les défauts de l’ancienne A 45 ont été gommés et ses qualités initiales peaufinées. Il reste donc un gros pétard à mèche courte, désormais assez joueur et extrêmement dynamique, y compris dans le sinueux qui ne lui est pas forcément favorable !

En somme, cette nouvelle mouture du CLA 45 S Shooting Brake est un quasi sans faute et une machine à limer les routes, qui vous appelle régulièrement d’un familier « on va faire un p’tit tour ? ». Ou alors c’était Nicolas ? J’ai un doute. Encore un petit effort sur la direction et un coup d’allégement et elle sera parfaite car pour le moteur, pour la hargne, l’explosivité et l’appétit des virages, c’est définitivement une AMG réussie.