Il y a des expériences de marque, que l’on soit client ou media, qui sont plus agréables et immersives que d’autres et j’ai eu la chance d’en vivre une à la fin du mois d’août. Cela faisait bien longtemps que je n’avais pu prendre de journée « off » en semaine pour me rendre sur un essai, un évènement ou autre et l’Audi Sport Track Experience semblait être l’occasion parfaite de dire « merde » aux obligations personnelles et professionnelles du quotidien de l’avant reprise ! Avec Antoine, je me suis donc joint à quelques propriétaires de Audi R8 dans le cadre du programme MyAudi afin de vivre un gros bout d’exceptionnel : prendre en main sur circuit la nouvelle Audi R8 V10 Plus présentée à Genève.
Petit retour en arrière… L’Audi R8 et moi n’étions pas vraiment amis fut un temps et après une prise en main un peu décevante sur le circuit du Castellet, je m’étais largement réconcilié avec elle au travers de l’essai du V10 Spyder il y a bientôt un an ! Lors de la présentation de mars dernier et à la vue des images « presse », le commentaire « gros TT » m’était naturellement venu aux doigts tandis que j’écrivais l’article la présentant. Je m’étais alors dit qu’il faudrait juger sur pièce quant à son apparence et ce fut chose faite en arrivant sur la piste de l’Eurospeedway Lausitzring. Verdict spoiler : je retire ce que j’ai dit.
La face avant est évidemment familière avec la nouvelle signature de calandre et ces deux grandes ouvertures latérales. Le regard s’affûte, les lames passent à la verticale et le nid d’abeilles en aluminium brille joliment sous les quatre anneaux. Plus agressive, avec un zeste de TT oui, mais pas un gros TT non plus avec ce capot nettement plus bas, large et plat. Le constat se poursuit avec les flancs acérés et un arrière revu, surmonté de la lame propre au modèle « Plus », des feux dotés d’un beau design et surplombant les grilles d’aération aussi en nid d’abeille. Plus bas, l’extracteur en carbone, de toute beauté et deux trompettes bien visibles pour ce qui est de la respiration du V10 atmosphérique. Donc non, au final, cette nouvelle Audi R8 n’est pas un gros TT et les photos de presse étaient donc bien ratées. Comme quoi, ça arrive à tout le monde.
A l’intérieur, j’avais beaucoup moins de doutes et le saut générationnel est bien franchi par rapport à la vieillissante R8 de première génération : Virtual Cockpit, matériaux et assemblages remis au niveau de la gamme premium actuelle, nouveau volant avec boutons échappement / modes de conduite très réussi et une console centrale tout à fait revue, couverte de carbone et clairement orientée « conducteur ». Tous les éléments modernes sont donc bien là pour cette R8 crû 2015 et il va être assez compliqué de lui trouver des défauts ! C’est propre, ultramoderne, luxueux et sportif à la fois, rien à redire en ce qui me concerne dans le temps de cette prise en mains.
Ah oui, derrière le volant, pile au-dessus sur la photo de gauche, c’est bien la nouvelle R8 LMS… Non contents de conduire plus d’un mois avant sa sortie la nouvelle R8, les fidèles clients de la marque ont ainsi pu observer de très près le nouveau monstre de compétition des anneaux, déjà vainqueur au Nürb’ si j’ai bien suivi. Propre.
Bref, trêve d’observations statiques ! Le briefing passé (prudence, amusez-vous, on ne déconnecte pas l’ESP bitte, la piste est sehr détrempée mais marrez-vous mais ne cassez rien danke schön), on passe aux ateliers pour la première partie de la matinée. La piste est effectivement détrempée et après deux tours de reconnaissance, sa relative technicité est évidente également. Les murs de l’anneau qui ont coûté très cher à quelques pilotes dans l’ère moderne sont proches, très proches et les 610 chevaux et 560 Nm sont là, bien là. Prudence et progressivité dans un premier temps, tandis qu’on prend en main les multiples poneys allemands du bloc 5.2 TSI revu et corrigé. Pas de changement de bloc à proprement parler mais une grosse remise à niveau du côté de l’injection directe qui permet aux 10 cylindres de s’exprimer jusque quasiment 9000 tr/min dans un feulement nettement plus communicatif.
En bref, Audi a d’un point de vue technique repoussé ses limites (3.2s pour le 0-100, 330 km/h en pointe pour les chiffres de base) et également écouté les critiques et retours de ses clients et critiques, fort de 27000 voitures vendues. La nouvelle R8 abandonne donc son système quattro à viscocoupleur pour un système plus standard (multidisques en hydraulique) par rapport à la gamme. L’équilibre et le comportement de l’auto s’en ressentent tandis qu’à côté de ça, les ingénieurs ont bossé sur la caisse et les cellules du châssis pour gagner en rigidité, quelque chose comme 40-50% de plus à ce qu’il paraît.
La piste sèche, nos chaussures aussi tandis que la température monte doucement du côté du cerveau : il est temps de lâcher un peu plus les chevaux ! Un, deux, trois, à fond. Le V10 joue sur le couple en bas des tours, sonore en mode échappement « Sport », très présent (trop ?) en mode « Standard », agréable et disponible avant de changer de visage vers les 6300/6500 tr/min. La cavalerie débarque alors avec force et envie jusqu’à 8000 tr/min ! Je suis alors en mode Manuel Dynamique, l’écran du VirtualCockpit change de couleur dans mon champ de vision, passant à l’orange. Encore 800 tr/min de folie furieuse et le rouge arrive, rupteur, paf, rapport suivant et on repart. Sacré caractère mécanique, le petit ! Le côté chantant qui m’avait séduit dans le V10 Spyder est désormais présent également du côté du coupé grâce à la ligne revue et corrigée, un véritable régal auditif et une rareté technologique tant les turbos se propagent désormais jusqu’aux véhicules les plus nobles (ou archaïques, c’est selon !).
Les tours s’enchaînent et le rythme augmente peu à peu. Hors de question de mettre une roue hors de la trajectoire idéale, nettoyée et asséchée. Le freinage est au rendez-vous, mordant et puissant, avec quelques déclenchements d’ABS même sur les zones encore bien grasses. Je me hasarde à tester le mode de rétrogradage automatique de la boîte à quelques occasions (= rester appuyé sur la palette « moins »), c’est plutôt pratique et efficace mais un brin trop déresponsabilisant à mes yeux. Manuel pur et dur donc, y compris dans cette grande parabolique à droite où je sens, gras oblige, le train avant vouloir déchausser. Un léger soulagement et la voiture se déhanche pour se placer en légère dérive. Gaz progressifs et légère raquette à la fin (ahem, pas passé loin !) pour sortir : la nouvelle Audi R8 V10 Plus est plus communicative que son aïeule ! Le train avant est plus incisif et les remontées du train avant dans la direction sont meilleures. De même, les informations châssis remontent mieux dans les hanches au travers des sièges. Au final : beaucoup plus de ressenti à mon goût, une direction parfaite en dynamique et toujours plus d’efficacité avec une bonne propension au survirage sur le gras. Sur le sec ? Il faudra vérifier.
Ce que j’aimerais également vérifier, c’est l’aspect polyvalent de l’auto, qui m’avait impressionné sur les routes dégradées de Bourgogne. La raideur augmentée de cette nouvelle mouture changera-t-elle la donne ? Je ne le pense pas tant la progressivité de l’auto semble réelle sur les phases de refroidissement ou de ravitaillement. Pas d’à-coups, pas de chocs, une belle douceur de la boîte. R8 conserve à priori son côté « GT » tout en étant plus méchante qu’auparavant et je viens en écrivant cela de résumer toute l’automobile sportive moderne !
A quasiment 200k€, cela pourrait presque sembler légitime et normal mais il ne faut pas oublier que R8 en tant que modèle n’existe que depuis 9 ans. 2006 pour le première modèle en version V8. 10 ans plus tard ou presque, Audi livre une voiture plutôt folle, aboutie et assumée (V10 atmo…), saine, plus communicative qu’avant et dotée d’un vrai caractère. Je me souviens de la presse de l’époque et de l’aspect épouvantail de R8 dans le paysage automobile… 10 ans plus tard, R8 est une évidence et cette nouvelle version est à priori là pour le confirmer !
Fin de sessions. Le constat pour moi est sans appel : cette nouvelle Audi R8 V10 Plus fait mieux que l’ancienne à tous points de vue même si sa robe ne tranche pas. On dirait du Apple de début septembre 2015 : « Une seule chose a changé. Tout ». C’est un peu l’esprit ici et on pense alors, fatigué par un nombre conséquent de tours de circuit, que la journée est terminée. C’est mal connaître Audi qui a encore quelques surprises pour ses clients (et pour moi aussi, du coup ! – vraiment des fois c’est difficile hein) : un baptême en Audi TT Cup.
Je ne vais pas m’éterniser en ressentis ici, après deux tours dans le baquet du sac de sable : Audi TT Cup marche fort et bien ! Alors oui, après une R8 V10 Plus, on pourrait se dire que l’accélération n’est pas pharaonique et on n’aura pas tort ! Reste que du côté du freinage et de la tenue en courbe, ça passe fort, très fort et ça a même l’air sacrément sympathique à rouler quand bien même c’est une traction. Belle expérience en tout cas et pour tout le monde si j’en crois les nombreux sourires vus à la sortie des baquets des bestioles énervées.
On pense que ça va être le discours d’adieu quand on nous demande de tirer au sort cinq heureux parmi une petite somme de cartes… Je ne fais pas partie des cinq heureux mais la surprise est de taille, s’il en fallait encore une ! Elle se nomme Anton Marklund. Le (grand) jeune homme est né en 92, de quoi m’énerver un peu et conduit un truc de 600 chevaux en championnat du monde de rallycross. La bête : une Audi S1 EKS RX. Audi. S1. 600 chevaux. Moké.
Quelques minutes et 5 passages plus tard, il y a beaucoup plus de gomme par terre, l’atmosphère est au nuage de fumée odorante et mes tympans se souviennent encore des « bangs » lâchés par l’échappement. Cette Audi S1 EKS RX est totalement débile et je veux ABSOLUMENT monter dedans un jour !!! C’est fou, totalement fou et c’est une preuve qu’il y a encore plus fou qu’une WRC. Le WRX, c’est le bien.
Cette fois-ci, c’est vraiment terminé et la pause estivale s’achève sur cette triple impression d’une certaine folie : une nouvelle Audi R8 V10 Plus réussie avec son moteur de plus de 600 chevaux sans suralimentation, une formule monotype séduisante avec l’Audi TT Cup et enfin une machine totalement stupide et donc foncièrement indispensable, l’Audi S1 EKS RX.
C’est quand le prochain RTT disponible ?