Au delà de nous inviter à suivre la course avec bien évidemment la surréaliste Deltawing et la moitié du peloton LMP2 motorisé par la marque, Nissan a aussi fait en sorte de nous faire vivre Le Mans autrement. Si je devais résumer cela en deux mots, ce serait intérieur et hauteur, les deux ne cessant jamais de se mêler… Commençons tout d’abord par le Nissan Juke Nismo, exposé aux yeux du public dans sa version définitive dans le Village. Robe blanche comme à Genève, yeux et flancs soulignés de rouge, pneus aux flancs bas et look un brin plus méchant, cette version boostée du Juke semble en vouloir quand bien même il ne s’appelle pas Juke-R.
Shoichi Miyatani de Nismo nous l’a d’ailleurs confirmé en interview même s’il s’est refusé à toute indication quant à la puissance du bouzin : ce Juke Nismo n’est pas un simple exercice de communication et de style pour la marque… Si Nismo n’est pas extrêmement connu en France et en Europe (si ce n’est pour les fans de Gran Turismo), sa réputation est établie au Japon et il s’agit désormais de l’imposer partout. Hors de question donc de rater cette machine qui sera la première « Nismo » à être présentée lors du Mondial de Paris depuis… jamais (!) je crois. En clair, si Nissan dispose déjà avec GT-R et 370Z de deux machines géniales, le but est maintenant d’étendre cette dimension sportive au reste de la gamme, et pourquoi pas même jusqu’à la Micra nous dit-on. J’avoue que ça pourrait être drôle mais d’ores et déjà, j’attends de prendre en main ce Juke pour confirmer les dires de Nissan et voir si la bonne base qu’est le Juke 190ch (essayée le weekend dernier à Nantes) sait se transformer en bouffeur de bitume.
Prenons maintenant un peu de hauteur à l’occasion du départ de la course… En plus de son hôtel en bord de piste (une énorme structure que vous verrez un peu plus bas) et des deux dispositifs d’accueil situés derrière le paddock et au niveau du Raccordement, Nissan s’est aussi fait un petit (gros) plaisir avec ce bras permettant de hisser une nacelle pile au niveau du Raccordement ! Point de vue idéal pour observer le départ des 24h du Mans ! On m’avait d’ailleurs parlé du silence qui précède la course et c’est vrai, c’est comme si le circuit tout entier retenait son souffle et attendait patiemment que les voitures bouclent ce premier tour pour le départ lancé. Impressionnant calme avant la tempête mêlant sifflement des diesels, grondements des V8 Corvette, feulements des LMP2 et hurlements stridents des Ferrari qui explosent soudainement lors du franchissement des chicanes précédant la ligne droite et le départ à proprement parler. Une drôle d’expérience parsemée de sourires complices entre les présents et ponctuée par le survol de la Patrouille de France et dont je me souviendrai longtemps.
Retour une nouvelle fois à l’intérieur pour un entretien avec Ben Bowlby, le génial créateur de la Deltawing… Cet homme m’a surpris, m’a séduit aussi par ses idées et par sa force. Les inventeurs et créateurs de génie n’ont pas toujours la possibilité de faire les 24h du Mans. Lui l’a fait et même si la voiture n’aura pas pu aller jusqu’au bout à cause d’une erreur d’un pilote Toyota (venu s’excuser avec son management d’ailleurs… c’est ça aussi, Le Mans), il y a de quoi être fier. Nous avons ainsi échangé pendant un bon 1/4 d’heure sur les origines du projet et sur ce qu’il envisageait pour la suite. La Deltawing dans Gran Turismo ou comme base pour la GT Academy ? Pourquoi pas ! Mettre à disposition de tous les plans de la bête afin de la faire et de la voir évoluer ? Complètement, c’est même l’objectif premier du projet. Une formule monotype peut-être ? On me répond non. Mais il y a des étincelles de bonheur dans les yeux de Ben Bowlby. Il est de toute façon clair que Nissan et Ben Bowlby n’ont pas l’intention de se contenter de ce « seul » engagement au Mans tant le retentissement autour de Deltawing est important ! Quel régal aussi que d’entendre s’exprimer Satoshi Motoyama, malheureux au possible après avoir été jeté hors de la piste par la Toy’ et n’ayant pas pu remettre en route la machine pour la ramener aux stands. La petite vidéo ci-dessous a fait le tour du monde. Le Mans, c’est aussi ça et encore aujourd’hui, je me souviens de ce moment où Darren Cox est revenu au stand Deltawing pour annoncer la fin de la course, je me souviens de la mine attristée de Don Panoz serrant dans ses bras Darren Cox tandis que Ben Bowlby faisait le tour des troupes, fier et triste à la fois. Des « croyants », voilà ce que sont ces gens qui ont donné le jour à Deltawing en à peine trois mois, l’engageant dans la plus connue des courses automobiles au monde.
Ces rencontres furent véritablement mon coup de cœur lors de cette première visite aux 24 heures du Mans, elles m’ont rappelé une part de mon passé en FIA GT. L’ambiance de la course, la furie et la passion, le fait de « croire » et d’avoir la foi en son projet, en son équipe et en ses pilotes tel un religieux intégriste, ce déferlement de sentiments alors que tombe la nouvelle de l’abandon, malheureusement, tout cela me manque, cette énergie me manque.
Alors, oui, Deltawing n’est pas allée au bout de la course mais quelques semaines plus tard, placé dans la loge qui surplombe son ancien stand, je me suis penché sur le marquage, toujours présent. Il attirait toujours les regards, les commentaires, les sourires. Deltawing est un ORNI qui en une seule participation aura marqué l’histoire du Mans. Chapeau bas et merci pour l’aventure, il était temps de s’en aller, de reprendre un peu de hauteur en soupirant de ne pouvoir l’apercevoir de tout là-haut.