La Petite Déesse – Ian McDonald

la_petite_deesse_ian_mcdonaldChaque livre de Ian McDonald est un évènement pour moi, au même titre que ceux Robert Charles Wilson. L’attente est forte et j’ai bon espoir à chaque fois de ne pas être déçu dans celle-ci. Ici, elle l’était d’autant plus que « La Petite Déesse » se situe dans l’univers du Fleuve des Dieux, roman qui m’avait littéralement retourné la tête il y a plus de trois ans !

Point de roman cette fois-ci mais une succession de nouvelles liées ou non aux évènements du roman. Sept nouvelles, sept textes qui m’ont permis de replonger avec bonheur dans la thématique de cette Inde future, de mieux la comprendre et d’appréhender encore plus la complexité de l’univers créé par l’auteur.

Cela commence par « Sanjiv et Robot-wallah », une histoire sur les rêves et l’accomplissement d’un jeune homme aux côtés des adolescents engagés dans les guerres régionales, leurs esprits projetés dans les robots situés à des milliers de kilomètres de là. Les espoirs du garçon sont grands, naïfs, à mille lieues de la réalité et la chute n’en sera que plus dure.

Plus puissante encore, « Kyle fait la connaissance du fleuve », une plongée dans le choc des cultures : européens expatriés à Varanasi dans le but de reconstruire la région, indiens toujours cantonnés à la pauvreté. Au milieu : la relation entre Kyle et Salim, une belle amitié et un tableau final qui n’a pas été sans me rappeler les quartiers d’expats’ de Singapour matinée de la fascination que j’éprouve pour cette ville sainte et son fleuve. Brillante nouvelle.

La suivante, « l’Assassin poussière », nous plonge dans la lutte pour l’eau et le monopole de sa gestion, partagé entre deux grandes familles / dynasties en guerre. L’ensemble est efficace, cruel aussi. Le parcours de l’héroïne de cette nouvelle est unique et prend d’autant plus de sens qu’il traverse un lieu peuplé de neutres, ceux que l’auteur / traducteur appelle avec bonheur « eil », une terminologie que j’affectionne particulièrement.

Ensuite, « Un beau parti », tableau réussi de la société indienne et de son rapport à l’amour, à la séduction, au manque cruel de femmes dans le pays et aux crises que cela génère, dont nous percevons par ailleurs les prémices dans les actualités atroces dont on nous abreuve. Ici, moins d’horreur que sur TF1 mais une tension palpable et permanente, l’intérêt de la nouvelle résidant finalement dans la réflexion sur la définition de l’amour et la capacité d’une IA à le comprendre et l’apprendre.

Enfin, « La Petite Déesse », nouvelle primée l’an passé… Je ne veux pas trop en dire mais le recueil mérite d’être acheté pour ce simple texte, bouleversant et puissant. Entre mythes, traditions et technologie la plus avancée, où se situe la divinité ? Est-elle un ensemble de croyances ou une réalité ? Le parcours de cette « petite déesse », de son élection à sa chute en passant par sa renaissance, est fantastique à lire et à imaginer.

« L’épouse du Djinn » reprend quelque peu la thématique du beau parti pour s’intéresser cette fois à l’amour entre deux entités totalement incompatibles et vivant sur des plans différents. D’un côté : une danseuse. De l’autre, une IA de haut niveau. L’exclusivité, le partage et ainsi de suite : tous ces pré-requis que l’on associe au couple sont ici décortiqués sur fond de maîtrise de l’eau. L’exercice reste néanmoins un peu casse-gueule et la nouvelle n’est définitivement pas la meilleure du recueil. Elle se laisse lire toutefois, pour cette seule réflexion sur la difficile construction de l’amour par delà les différences.

Enfin, « Vishnu au Cirque des Chats », peut-être la nouvelle la plus incroyable du recueil avec la déesse. On y suit Vishnu, cadet d’une fratrie incroyable, seul brahmane génétiquement conçu entre un frère aîné brillant qui le hait plus que tout et une sœur non moins brillante qui l’adore. Le récit tourne donc autour des relations familiales, entre parents et enfants mais s’intéresse également au destin extraordinaire de cette fratrie, plongée dans les évènements du Fleuve des Dieux (dont on retrouve quelques personnages). Entre réflexion sur l’étrangeté de ces brahmanes parmi le commun des mortels et projection dans l’histoire de l’Inde, cette nouvelle m’a coupé le souffle !

En clair, vous l’aurez compris au travers de ces quelques phrases, j’ai retrouvé avec un réel bonheur l’Inde rêvée et imaginée par Ian McDonald. A lire après le Fleuve des Dieux pour peu qu’on l’ait aimé, afin de reprendre une dose de belle écriture et d’esprit chatouillé par l’imaginaire de celui qui est définitivement un de mes auteurs favoris.