Sublimation parisienne …

Paris a un effet très particulier sur ses habitants : elle les sublime. Cet état de fait est particulièrement vrai pour les nouveaux venus dans cette vaste foire qu’est la capitale et on s’en aperçoit avec les arrivées périodiques de nouveaux troupeaux de travailleurs, qu’ils soient issus du même creuset universitaire que nous ou de simples connaissances et amis venus d’autres bords professionnels.
Ces gens que l’on connaissait se transforment, changent, évoluent …  c’est la sublimation. Paris est un exhausteur de vie. Tout ici est plus rapide, plus intense, plus fréquent, plus disponible, des pans entiers de notre vie s’accélèrent et nous forcent à nous adapter. Comportement, passions, envies, mode de pensée et de fonctionnement, notre personnalité change au contact de cette ville.
Oh, bien sûr, il en est surement de même avec toutes les grandes villes de France et à fortiori du monde mais je ne les connais pas, je me contenterai donc ici de parler de mon expérience de « parisien ».
Sublimation donc … Deux significations selon moi et trois effets possibles.
Considérons tout d’abord la sublimation de la personnalité, celle qui signifie que l’on se transcende, qu’on atteint une sorte d’état de grâce. Cette sublimation là se traduit selon moi par une exacerbation de la personnalité, dans un sens comme dans l’autre. C’est pour ça qu’il est si facile à Paris de rencontrer des gens d’exception … dans un sens comme dans l’autre ; le tempérament initial d’une personne étant décuplé par cette vie trépidante, pour peu qu’on s’y intègre. Car oui, dans cette sorte de billet d’humeur, je parle bien évidemment des gens ayant une vie sociale active, les reclus restant des reclus, quel que soit l’endroit du monde considéré !
Paris est donc un théâtre fabuleux pour rencontrer des gens merveilleux ou détestables, sans compromission aucune, la sublimation étant passée par là.
Il y a aussi la sublimation physique … Vous savez, le passage direct de l’état solide à l’état gazeux. Paris a aussi cette effet là sur les gens, c’est peut être même la sublimation initiale que l’on subit en vivant dans cette ville. Nettement plus sollicité qu’ailleurs en France, on se disperse, on se change en gaz, on perd cohérence … Difficile ensuite de se regrouper et d’arriver à retrouver son état initial.
Triste spectacle aussi que celui de la dispersion d’une personne qui nous est chère. Perte de sens commun, perte d’intelligence, perte d’intérêt … la personne se vide, devient insignifiante, inintéressante, appelant presque à être battue tant les batons qu’elle tend sont tentants, inconsciente peut être de son comportement dénaturé. Tirer sur l’ambulance paraîtrait presque naturel mais je suppose qu’il faut s’en empêcher, pour le bien de l’autre et surtout pour son propre bien, car une fois que le pli est pris, on a du mal à ne plus être un connard aigri (ou une connasse, bien sûr) …
Et moi là dedans ? Je pense être passé par tous ces états …
La dispersion, qui guette à chaque instant, mais que je pense avoir plutôt bien surmontée ces derniers temps en atteignant un équilibre raisonnable entre toutes les sollicitations (du moins, je l’espère … au pire j’aurais toujours mon petit Sharky (et d’autres) pour me taper dessus). Mais très clairement, je l’ai vécue et j’en ai souffert.
L’exhausteur de caractère ? Mes mauvais penchants se sont maintes fois révélés, je suis cordialement détesté par une belle foule de gens. Je suppose que je l’ai mérité, ou bien qu’ils sont eux aussi prisonniers de leur mode de fonctionnement imbécile, aigri et cynique. Laissons leur le bénéfice du doute (en attendant leur ulcère ou leur cancer), j’ai mis tout ça de côté pour le moment.
Quant aux bons penchants, j’ose espérer qu’ils ressortent de temps à autre … A. est toujours là, mes vieux amis de bientôt 10 ans aussi, ceux de 2 ans se développent, se clarifient et on arrive là aussi à un équilibre.
Au final, après 2 ans de vie purement parisienne, j’ai tendance à croire que je suis à un point d’équilibre personnel et qu’il me faut maintenant essayer de m’améliorer, peu à peu.
Drôle de ville que Paris, drôle de phénomène que cette sublimation, l’essentiel dans tout cela étant de garder contenance et intelligence. Et de laisser les gazeux se disperser, peu à peu, pauvres d’eux.