Après Cygnis, salué par la critique lors de sa sortie, le second roman de Vincent Gessler était attendu avec une certaine impatience ! Il y a un an, j’avais eu l’occasion d’en lire quelques pages, pages qui étaient alors un mélange de blague prenant corps, de travail sérieux en cours et d’interrogations quant à une éventuelle publication d’un truc aussi barré et surtout radicalement différent du premier roman. Je me souviens bien de ces quelques pages, j’avais déjà pas mal rigolé même si je me demandais où l’auteur voulait en venir, la quatrième de couverture étant elle aussi bien mystérieuse…
Qu’ont en commun Lambert Wilson, Adolf Hitler, le docteur Snuggles, Jésus-Christ, Philippe Katerine et James Brown ? Ils participent tous à une folle aventure au cœur de Santa Anna, ville emblématique d’un monde devenu végétarien, où la mode est d’être le sosie d’une personne célèbre, réelle ou fictive… Sauf Tessa. À la tête de l’agence Two Guns Company & Associates, elle enquête sur un mystérieux souvenir enregistré, sans se douter qu’elle va au-devant d’étonnantes révélations sur son passé. En compagnie, bien sûr, d’Ed Harris et de Crocodile Dundee. Entre contemplation philosophique et action survoltée, Mimosa nous entraîne dans une saga improbable où se télescopent clones, doubles virtuels, intelligences artificielles, légendes du crime et du cinéma.
Là où j’avais un peu peur d’un grand délire permanent ne servant pas à grand chose, je me suis retrouvé confronté à un grand délire permanent servant de trame à une grande réflexion sur la mémoire, le souvenir et la construction de l’identité en fonction de la perception intacte ou déformée desdits souvenirs. L’utilisation des thèmes du sosie, du clone et de l’IA offrent finalement, sous couvert de délire jouissif bourré d’un nombre incalculable de références, le terreau idéal à cette réflexion sur l’identité mémorielle et plus généralement sur l’identité.
Le roman est extrêmement dynamique (trop ?) et Vincent Gessler alterne à l’envi les phases d’action les plus brillantes et les réflexions introspectives de son personnage principal, Tessa. Cet oignon aux multiples couches sert de base, de miroir plus ou moins déformant aux différents protagonistes, tous aussi barrés et nettement plus détaillés que dans Cygnis à mes yeux. Son statut très particulier dans l’échiquier des personnages permet à l’auteur de dérouler ses questions et ses révélations tout en maintenant un rythme haletant servi par une écriture à laquelle je suis toujours sensible, un bon mélange de précision, de subtilité et de rythme sans cette prétention stylistique qu’ont certains auteurs.
Je ne vous en dirai pas plus sur l’environnement général du roman, sur Santa Anna, sur les innovations technologiques que Vincent Gessler a semé un peu partout dans ses pages, sur l’intrigue bien évidemment ! Mimosa est plus un roman de « personnages » qu’un roman d’ambiance même si l’univers créé par l’auteur, qu’il soit proche ou lointain au travers de quelques références au reste du monde, est très intéressant. L’ensemble est un melting-pot de réflexions, un joli bazar de tendances SF. C’est au final bien ficelé et source de pas mal de sourires et de quelques rires, voire d’un ou deux fou-rires. Mimosa est un OVNI dans le paysage SF, un pari risqué et clivant car si j’ai globalement apprécié le ton, la trame narrative et les délires de l’auteur autour des sosies et références culturelles, cela ne sera pas le cas de tous.