Lecture de vacances que ces mondes d’Alastor, une réédition d’un classique de Jack Vance, un auteur que j’affectionne tout particulièrement pour sa capacité à inventer des mondes, des univers même et à nous plonger dans un océan de découverte et d’émerveillement toujours renouvelé.
Pour les mondes d’Alastor, qui est en fait un recueil de trois romans (soit une sacrée pavasse à lire au final) se déroulant dans le même univers :
A la frange de la galaxie se trouve l’Amas d’Alastor, un volume spatial de vingt années lumière de diamètre où vivent cinq trillions de personnes. Tous sont soumis à l’autorité du Connatic, qui fait régner la justice, parfois même en personne, sur une des trois mille planètes habitées qu’il gouverne.
Bienvenue dans un univers d’une infinie richesse de coutumes, civilisations et systèmes politiques ! Car toutes ces planètes sont différentes et ont leur culture propre. Mais l’être humain, lui, ne change pas. Que ce soit sur Trullion la pacifique, Marune la corrompue, Wyst l’utopiste ou Numénès la planète capitale, siège du pouvoir suprême, pour arriver à ses fins, il est toujours prêt à toutes les bassesses et aux complots les plus sordides…
Ainsi, sur chacune de ces trois planètes, numérotées 2262, 933 et 1716, on retrouve ce personnage du Connatic, toujours présent sans que l’on sache trop qui il est (du moins on le devine peu à peu), anonyme parmi la population mais finalement en prise avec les éléments plus ou moins dramatiques qui se déroulent à leur surface.
Cela commence avec Trullion, une drôle de planète très bucolique et calme où l’on a élevé la hussade (le sport « national » d’Alastor) au rang d’art premier et où les habitants vivent une vie tranquille, sans ambition et sans trop de labeur, une sorte de paradis de la glande et du plaisir de vivre simplement, pour schématiser quelque peu. Ces quelques milliards d’humain cohabitent avec de drôles de créatures, les Merlings, qui vivent sous l’eau et avec qui une sorte de trêve est décrétée quoique ni l’une ni l’autre population ne déteste tuer de temps à autre un membre de l’autre espèce ! Et aussi les Trevanyi, sorte de gens du voyage de Trullion qui cumulent comme dans notre beau monde tous les clichés : voleurs, squatteurs, etc. Jack Vance, visionnaire ? Un peu. C’est dans cet environnement qu’on va suivre quelques personnages hauts en couleur, comme toujours dans les romans de Vance et découvrir ce monde, ses usages, ses crises d’identité avec l’arrivée d’une sorte de secte, ses complots et bien d’autres encore.
Du côté de Marune, on découvre un autre univers, nettement plus féodal et codifié et l’on suit le parcours d’un homme découvert dans un spatioport, totalement amnésique et à la recherche de son identité et surtout de sa planète d’origine. Il se retrouve ainsi sur Numénès et retourne sur Marune, sa planète d’origine pour y découvrir qu’il est en fait un personnage très important et que son retour est une drôle de surprise pour sa famille et consorts qui espéraient s’être débarrassés de lui ! Fortement marqué par son amnésie, il se retrouve donc à réapprendre les us et coutumes de Marune, l’occasion pour Vance d’aborder un autre thème, celui des sociétés très codifiées, en l’occurrence celle des Rhunes qui par exemple ne mangent qu’en privé, considérant que la mastication et autres actions de ce genre sont complétement ignobles et indigne d’être réalisées en public. Et ne parlons même pas des relations sexuelles et de la période des ténèbres… Bref, un drôle de monde brossé là, très strict, terriblement corrompu et à l’ambiance pesante.
Enfin, sur Wyst, société utopiste totalement égalitaire où tout un chacun mange son bourron, boit son drinquant et surtout est obsédé par la copulation et par un bon festin de bonniture totalement interdit car anti-égalitaire, on suit un jeune voyageur venu d’une autre planète à la découverte de cette drôle de société qui va mettre à jour un complot gigantesque mis en place à l’occasion du centenaire de cette fameuse société égalitaire… société qui malheureusement court à sa perte. Un roman à la dimension nettement plus politique et sociétale tout en étant parsemé des touches d’humour si chères à Vance.
Au final, on se retrouve avec un triptyque de romans d’une belle qualité, chacun traitant de thèmes bien différents : sectarisme, relation aux gens du voyage, corruption, codification des mœurs sociétales, égalitarisme politique et humain, etc. Jack Vance, avec ses mondes d’Alastor nous brosse le portrait d’un amas d’étoiles et de planètes absolument gigantesque où l’humanité a essaimé et mis en place autant de coutumes, de modes de pensées et de spécificités, le tout étant malgré tout sous la régence de Numénès, du Connatic et de sa force armée, la Whelm. Une régence bienveillante, cela va de soi ! Et comme à chaque fois avec cet auteur, on s’émerveille de la richesse de l’univers ainsi créé, de la foule de détails improbables, de la précision de la conception du jeu de la hussade et enfin du parfait déroulement des intrigues, toutes plus alambiquées les unes que les autres. A lire pour s’évader et faire fonctionner ses méninges, en plus de chercher quelques correspondances avec nos sociétés actuelles…