La Lumière des Morts – Thierry Di Rollo

 Je crois que je vous avais déjà parlé de Thierry Di Rollo, celui que l’on présente comme la voix la plus tranchante de la science-fiction française. Plutôt que tranchante, j’aurais tendance à dire noire, pessimiste et sans concessions ! Remarquez, c’est peut être ça le côté tranchant d’un auteur : l’absence de compromission.
J’ai retrouvé dans La Lumière des Morts ce que j’avais déjà adoré dans Meddik et dans les Trois Reliques d’Orvil Fisher : la fresque d’un futur sans saveur, sans espoir et sans bonheur. Un futur possible et même raisonnable si l’on pousse à l’extrême les maux de nos sociétés actuelles.
Le roman oscille cette fois entre Europe et Afrique. On plonge directement en Afrique pour la première moitié du roman en suivant un homme au passé trouble (ex-boucher d’un hôpital … entre autres), gardien dans une des dernières réserves africaines, accompagné dans sa vie quotidienne par des personnages hautement improbables : un africain puant et hilare et un allemand ivrogne et obsédé. On découvre alors le futur des réserves africaines : le cloisonnement, le non-renouvellement des populations et surtout du patrimoine génétique … avec les conséquences que cela induit : épuisement génétique, consanguinité, durée de vie restreinte et maladies dégénératives en prolifération.
Le surnaturel toujours omniprésent chez Di Rollo surgit à cet instant : abattre ou ne pas abattre un lion en train de mourir à petit feu … La confrontation entre l’européen rationnel et l’africain qui « sent » le sacré. La suite est une succession de flashbacks et d’apparitions de la lumière des morts, symbole bleuté de la folie qui ronge cette Afrique exsangue et personnifiée dans un rhinocéros en furie.
Retour en Europe pour découvrir le monde des shooters, ces humains câblés et reliés à « Dieu » (un nouveau Big Brother en quelque sorte) qui leur envoie des visions et des missions pour « retirer » certaines personnes de la circulation … à tout prix. Cela implique des dommages collatéraux bien sûr et je vous laisse plonger dans le passé de notre second personnage : une shooteuse.
Les destins de ces âmes perdues sont bien sûr liés, pour le pire. A vous de lire, si vous avez le cœur accroché et surtout un moral en acier. La puissance de l’écriture de cet auteur, c’est justement de vous plonger littéralement dans la fange de son futur, c’est brut, c’est dur, c’est parfois insoutenable mais ça a le mérite de nous faire apercevoir une évolution possible et non souhaitable de notre encore bien joli monde.