Essai – Tesla Model X 100D

Je n’avais pas réalisé à quel point mon essai de Model S datait. Mi-2015. Deux années ont passé et l’offre Tesla a logiquement évolué depuis, avec de grosses mises à jour hardware et software, un restylage pour le modèle d’origine et surtout l’arrivée d’un tout nouveau modèle : le Tesla Model X, ici à l’essai en version 100D. Véhicule pratique, véhicule familial, toujours 100% électrique, toujours aussi étonnant et toujours à la hauteur de la hype parfois usante qui entoure la marque et son fondateur ? Voyons voir.

Extérieurement, l’évolution du style Tesla est perceptible. Feux plus effilés, signature lumineuse changée, bouclier avant lissé pour tailler l’air et réduire au mieux le Cx (0.24 pour un SUV !), il n’y a aucune agressivité dans cette face avant au centre de laquelle trône le T de la marque, joliment intégré. On note aussi le gigantesque pare-brise remontant très haut sur le toit, le plus grand de la production actuelle paraît-il.

Cette Tesla Model X est donc à la fois très discrète et semblable au reste de la production automobile sur son segment et à la fois immanquable. Les réactions qui entourent son apparition dans le flux automobile en sont autant de preuves.

Sur les flancs, on découvre des roues là-aussi assez communes mais ce que l’on note surtout, ce sont les deux petits bulbes Tesla en retrait des arches de roue et abritant des caméras utilisées par la fonction de conduite semi-autonome. On retrouve d’ailleurs une autre paire de caméras intégrées dans les montants de portières avant. J’aime assez la jonction entre la lame de commande d’ouverture des portières avant et arrière, dommage que les deux ne soient guère alignées.

C’est d’ailleurs ce qu’on remarque aussi en détaillant les portières arrière, dont les joncs chromés sont décalés avec celles de l’avant et avec la partie arrière. Pas facile à gérer, ces portières « Falcon » et pas facile non plus de réduire les tolérances pour avoir enfin chez Tesla des ajustements de panneaux de carrosserie dignes du tarif demandé. Chaque chose en son temps, il n’y a pas non plus de quoi émettre un cri d’horreur mais j’imagine que ce sera l’un des points d’attention de la prochaine génération d’autos.

La partie arrière du Model X 100D est massive, très haute, comme le laissait supposer son profil, avec un drôle de petit aileron que l’on pense mobile. La marque a fait le choix de développer une « vraie » 6 ou 7 places et cela implique de conserver une garde au toit suffisante pour la dernière rangée de fauteuils. Bref, c’est fonctionnel et le design des feux et du bandeau chromé ne m’excitent pas outre mesure. J’apprécie en revanche le TESLA bien détaillé sur le jonc chromé et les petits détails de style et de texture/structure des feux. On notera enfin le diffuseur assez discret mais qui participe avec le fond plat à la bonne performance aéro de l’auto.

En somme et au même titre que Model S, Model X est quasiment passe-partout. C’est une chose dont je m’étonne toujours au sujet de Tesla. La marque crée un marché, une marque, un concept, se libère de tout compromis technique en partant d’une feuille blanche et conçoit des véhicules qui sont de vraies (r)évolutions pour l’automobile traditionnelle MAIS leur style est consensuel, presque fade et lissé au possible. On n’achète pas une Tesla pour son style mais ce qu’elle véhicule comme image et comme contenu technologique. Pas besoin de faire des efforts phénoménaux donc. CQFD.

L’intérieur n’est en revanche toujours pas concerné par cette relative discrétion. Appuyer sur le bouton d’ouverture de la portière conducteur, laisser le petit moteur électrique vous assister à 95% dans l’ouverture, écarquiller les yeux. L’habitacle du Model X est bluffant et a fait s’ouvrir en grand quelques bouches pendant mon essai. Le cuir synthétique blanc (approche vegan de la marque, soit) est superbe, immaculé et à priori facilement lavable et détachable.

On s’assoit, on observe. Les portières sont toujours joliment dessinées avec leur double poignée singulière, l’une servant à ouvrir, l’autre à tirer doucement la portière pour qu’elle se ferme toute seule. J’aime le contraste entre le blanc du cuir et les noirs laqués ou mat des autres composants. Les commandes viennent de chez Mercedes, que ce soit pour les commandes des vitres ou pour les comodos, c’est tout sauf une critique, surtout qu’elles sont bien intégrées.

Le tunnel central est désormais « encombré ». Sur Model S, les designers avaient fait le choix de libérer totalement l’espace, profitant de l’absence de transmission et du tunnel associé pour ouvrir l’habitacle. Le facelift et l’arrivée de Model X ont changé la donne avec des rangements bienvenus et bien pensés. Ils manquaient et même si le pari d’origine était sympathique, je préfère un soupçon de praticité en plus.

Au delà du double porte gobelet fourre-tout que l’on peut masquer, l’espace central est désormais occupé par une trappe pivotante sur laquelle on peut brancher son téléphone (prise configurable j’imagine). Devant, un grand fourre-tout avec des petits arceaux pour bien tenir les objets. C’était bien l’espace vide, c’est mieux un espace bien pensé dans lequel se vider les poches intelligemment.

Ce qui saute ensuite aux yeux, c’est la luminosité. Au delà de l’habitacle contrasté en blanc et noir, le pare-brise gigantesque illumine totalement les deux places avant. La planche de bord épurée et l’écran central n’en ressortent que plus. Cet écran reste la pièce maîtresse de Tesla, l’élément qui vous fait penser que vous êtes dans une voiture de la prochaine génération, directement venue du turfu.

Cet écran reste toujours aussi bien fait, réactif et pensé qu’il y a plus de deux ans. L’intégration de Spotify, les boutons bien placés, les fonctions simplifiées et expliquées le plus clairement possible, la possibilité de basculer en plein écran ou en écran coupé en deux dans la hauteur : cette tablette est géniale. Y a-t-il mieux sur le marché ? Non. Audi fait très bien le Virtual Cockpit. BMW est bien fichu. Mercedes… mwai. Volvo fait différent et brillant. Les autres ? A des années lumière, sans même parler des easter eggs cachés ici ou là, de la mise à jour automatique de l’auto et d’une somme de détails qui placent cet écran au sommet des système multimedias actuels dans l’automobile, à l’exception du système de vues caméras clairement en retard.

Reste le volant, finalement assez sage à côté de cet écran et devant des compteurs numériques joliment faits. Je ne vous ai pas fait de photos de la représentation à l’écran de la fonction de conduite semi-autonome mais c’est assez bluffant de voir l’auto positionnée précisément sur le ruban d’asphalte, ainsi que les véhicules environnants.

Avant de conduire, attardons-nous encore un peu sur la dimension pratique du Tesla Model X 100D. L’auto dispose de deux coffres. Le premier, à avant, est déjà assez conséquent. Le second, à l’arrière pourrait paraître ridicule, jusqu’à ce qu’on ouvre la trappe qui le coupe en fait en deux. Il y a donc, en sus de l’espace situé entre les sièges 3 & 4, de quoi loger pas mal de bagages pour les 6 occupants. Si d’aventure vous n’êtes que 4, les sièges 5 & 6 se rabattent pour libérer un espace qui devient alors gargantuesque.

Il est temps de passer justement au niveau de ces sièges intermédiaires… Un appui sur la lame de la portière et la magie opère, à chaque fois, avec n’importe qui. Les portières Falcon, si difficiles à mettre au point, s’ouvrent en deux panneaux indépendants, actionnés par des jeux de vérins que le software vient déployer petit à petit pour éviter les obstacles environnants. Objectif : s’ouvrir quasiment à la verticale puis se déployer ou bien se déployer au maximum sans trop monter afin de toujours garantir un accès maximal à bord.

On pourrait en douter mais il suffit de regarder quelques vidéos et photos sur les internets pour se rendre compte que s’il y avait bien quelques difficultés au début, les différentes mises à jour sorties depuis rendent la chose vraiment efficace. L’accès aux places arrières se fait en repoussant électriquement les sièges de la rangée 2. On peut alors monter sans se baisser (oui, oui, tout droit) et s’asseoir tranquillement à l’arrière. L’espace entre les sièges devant permet de déployer ses jambes sans souci et deux adultes de bonne taille peuvent s’installer très confortablement. Une vraie six places, avec un peu de lumière tombant via les fenêtres intégrées dans le panneau sommital des portes Falcon.

Fanboy ? J’assume complètement sur cet aspect de l’auto qui fait frétiller ma formation d’ingénieur ! On apprécie aussi le plancher tout à fait plat qui donne lui aussi une réelle sensation d’espace, avec le cockpit lumineux devant. Je n’ai pas eu l’occasion d’embarquer 5 personnes avec moi, la Bretagne étant un peu trop loin au mois d’août dernier mais mes quelques passagers à l’arrière ont adoré l’espace disponible et la qualité de l’assise. Une vraie voiture familiale et pratique, indubitablement.

Sur l’aspect charge, on retrouve la trappe intégrée à l’un des feux arrière. La recharge se fait sans aucun problème sur les multiples bornes installées ici ou là, supermarchés, superchargeurs ou encore bornes indépendantes qui commencent à fleurir dans la campagne normande, une sacrée surprise d’ailleurs ce dernier point. Pour ce qui est de la recharge chez soi, j’ai essayé deux maisons et c’est toujours un gros échec. Clairement, il faut avec sa Tesla Model X prévoir un upgrade de son installation électrique car l’une de ces deux maisons bénéficiait d’une installation tout à fait récente et dimensionnée, au contraire de la première.

En tout cas, pour ce qui est de l’autonomie, l’auto annonçait 442 km avec une pleine charge. J’ai perdu 220 km d’autonomie sur 180 km réalisés, avec un temps froid et une belle portion de 140 km d’autoroute. Une performance tout à fait honnête surtout que je me suis bien lâché sur les accélérations et reprises. Le reste du weekend a été du même niveau, l’autonomie annoncée étant tout à fait respectée sur les petites routes et routes secondaires. Reste l’autoroute, où l’autonomie réelle est calée sur la prévisionnelle pour peu qu’on respecte les limitations de vitesse, tout simplement ! Tesla avec son Model X est toujours aussi honnête quant au réalisé : ses voitures sont réellement utilisables jour après jour et pour de longs trajets.

La conduite de l’auto inspire de toute façon beaucoup de calme, comme toujours avec les véhicules 100% électriques. Non pas que la puissance ou la confiance ne soient pas au rendez-vous, je pense que c’est surtout une question de bruit, de vibrations, plutôt de leur absence. La conduite est plus apaisée et c’est d’autant plus vrai avec ce pare-brise gigantesque et cet habitacle lumineux.

Le maintien de la caisse est très correct, le centre de gravité clairement bas permettant à la hauteur de caisse de ne pas être trop générateur de roulis. La Tesla Model X vire tranquillement sur ses roues, ne donnant pas du tout l’impression d’être dans un « grand monospace » ! Gare toutefois à la masse, très conséquente – plus de 2400 kg, de l’auto car elle se fera forcément sentir au freinage et sur les routes bosselées.

C’est d’ailleurs le seul moment où l’auto semble un peu se désunir un peu, sautillant, comme si les suspensions peinaient à suivre le rythme. Ce n’est pas grand chose et c’est à dire vrai surtout en cherchant un peu à la taquiner, « pour voir ». La Tesla Model X n’est pas là pour ça, elle est là pour déplacer en toute quiétude une famille et sur ce point, c’est réussi.

Les bruits de roulement, un peu plus sensibles sur mon modèle du fait de l’adoption de pneus hiver, restent très contenus à des vitesses usuelles. Ce sont d’ailleurs les seuls bruits audibles dans l’habitacle, l’aérodynamique se montrant globalement silencieuse jusqu’à 130 km/h. Ce silence, toujours appréciable et reposant, n’est donc que très peu perturbé et un peu de musique saura faire disparaître les quelques bruits de roulement.

Le double moteur électrique, allant avec le D de l’auto et synonyme de quatre roues motrices, se montre lui aussi discret. Un léger sifflement ici ou là, l’habitacle étant bien isolé des machines électriques situées sur les deux essieux. La mise en vitesse est copieuse, bien que nettement en retrait de mes souvenirs de la version « P » de Model S que j’avais pu essayer.

Il n’empêche, vous avez sous le pied de quoi largement oublier une bonne partie du reste de la production automobile ! Le 0-90 se fait en quelques clignements d’œil et les reprises 50-90 ou encore 90-130 sont une formalité, le tout toujours ce silence relaxant. La récupération d’énergie, une fois les batteries chaudes, est facile à utiliser et doser, générant de bonnes décélérations et recharges des batteries. Il est ainsi possible de rouler à 0 consommation sur certaines portions sans trop de souci.

Que ce soit sur petites routes, sur autoroute ou en ville, la Tesla Model X a cette capacité fabuleuse dont seules disposent les 100% électriques à vous véhiculer en toute quiétude, tout en pouvant vous catapulter en un instant d’un point à un autre, hors de danger. Le couple instantané fourni par les batteries et moteurs électriques sont un gage réel de sécurité en utilisation quotidienne, permettant de fuir telle ou telle situation, de s’extraire d’un carrefour encombré ou de filer loin d’un excité qui voudrait vous renifler votre arrière-train sans particules et CO2. Quelle drôle d’idée.

Ma seule frustration pendant cet essai de 400 et quelques kilomètres sera finalement de n’avoir pas pu faire plus de kilomètres. Traverser la France d’un bout à l’autre doit être une expérience encore plus convaincante et stupéfiante que ce petit road trip normand, de quoi se convaincre une fois encore que Tesla offre quelque chose d’unique : du 100% électrique certes – mais d’autres le font – mais avec des véhicules d’un gabarit familial, avec une technologie aboutie et un luxe certain.

Le Model X 100D est un parfait équilibre entre une entrée de gamme 75D forcément plus limitée en autonomie et puissance et une version P100D sûrement un peu plus inutile sur ce format SUV que sur le gabarit du Model S. Luxueuse, familiale, exotique aussi, dotée de quelques gadgets singuliers qui n’en sont en fait pas, Model X 100D est pour l’acheteur bénéficiant d’un gros 100k€ une offre unique et sacrément complète et convaincante sur le marché.

S’il y a bien des raisons de douter de la capacité de Tesla à survivre dans les années à venir, il y en a aussi autant de croire que la marque va réussir à transformer ses deux premiers essais pour devenir un acteur pérenne et singulier du paysage automobile. Si Model S était déjà un premier jalon, une première grosse pierre dans la mare automobile, le Model X sorti 3 ans plus tard enfonce le clou et constitue un nouveau pied de nez, un nouvel appel aux centenaires officiant dans le premium.

L’appel a été attendu car ils arrivent tous. Audi, Mercedes, Jaguar, Porsche, ils seront bientôt là avec leurs réponses à Model S et Model X. Il faut d’ici là que Tesla réussisse à évacuer ses logiques et évidents problèmes de jeunesse : une qualité en augmentation, une fiabilité irréprochable et surtout, le plus grand challenge, une production massive et fiable. Model 3 sera la réussite ou l’amorce de la mort de l’entreprise. Je croise fortement les doigts pour que ce soit la première option qui l’emporte.

Tesla a trop fait pour l’automobile électrique en compagnie de quelques autres pionniers à l’approche différente (Renault – Nissan, coucou) pour que cette aventure s’arrête maintenant. Je crois bien que seuls ceux n’ayant jamais conduit une Tesla n’en sont pas convaincus. Il faut le vivre et l’essayer pour le croire et même si l’excitation du fanboy ne sera pas le résultat systématique – tant mieux, on ne peut qu’être admiratif du résultat obtenu et du chemin parcouru.