Essai – Toyota Yaris GRMN

Si l’on excepte la Toyota GT86, née Subaru, la gamme du géant automobile japonais n’a pas de véhicules sportifs et est par ailleurs plus que chiche en voitures exaltantes. J’ai récemment lu « électroménager » dans un magazine français et cela m’a semblé très pertinent, en sus d’être parfaitement assumé et reconnu par la marque puisque cela ne l’empêche pas de vendre avec succès depuis de longues années !

Ce qui est aussi reconnu et entendu, c’est que ce manque de passion doit être corrigé et c’est même Akio Toyoda qui le dit ! De plus, Toyota a un passé sportif, tant en compétition que dans la rue. La marque a aussi un présent dans le premier domaine, avec les incroyables Yaris WRC préparées par Gazoo Racing et bien sûr les prototypes TS050 LMP1 du Mans, portés par la même équipe. Ce n’était qu’une question de temps avant que cela n’infuse et rejoigne la série…

Alors, en attendant la nouvelle Toyota Supra co-développée avec BMW et l’hypercar Super Sport Concept qui a été confirmée pour la série aux dernières 24h du Mans remportées par la marque, les équipes de Gazoo Racing se sont fait les dents sur la version civile de la Yaris WRC. La Yaris GRMN était née, véritable profession de foi et démonstrateur de la volonté de Toyota de revenir aux affaires sportives !

Assemblée en France en série très limitée (600) intégralement vendue, facturée à un prix tout à fait déraisonnable et hors des tarifs habituels du segment des GTi compactes, la Yaris GRMN se dote par ailleurs d’un drôle de patronyme qui me chiffonne : GR pour Gazoo Racing, c’était suffisant. MN pour Meister of Nürburgring… ça va les chevilles les gars ? Espérons que les futurs modèles ne souffrent pas de la même expansion du melon.

J’aurais donc largement apprécié de ne voir qu’un G et un R accolés sur cette robe mais il faut reconnaître aux équipes d’ingénieurs une vraie volonté de faire dans le spectaculaire, sur la base d’une auto tout sauf conçue et préparée pour accueillir une version sportive ! La Yaris GRMN se dote tout d’abord de peintures de guerre tout à fait suggestives, assumées et quasiment caricaturales.

N’empêche, ça marche ! Le mélange tricolore blanc/rouge/noir est bien équilibré avec les beaux rappels sur les flancs, la petite double flamme colorée du capot et les quelques éléments rouge et noir que l’on retrouve ailleurs. La calandre forme une bouche béante dans le visage en croix de l’auto, avec ce petit nez proéminent qui me laisse toujours perplexe.

Le regard est expressif et si les voies ont été élargies, l’auto semble toujours plus haute que large, quelques excès de carrosserie auraient pu être les bienvenus en sus de ces marques colorées. Quelle bonne bouille en tout cas !

Sur les flancs, les logos et peintures GRMN bien sûr, des rétroviseurs à la coque noire et surtout, de belles petites roues de la même couleur abritant à l’avant des pinces fixes peintes en blanc. L’ensemble est cohérent et trahit plutôt bien le travail sérieux dont a bénéficié l’auto qui semble donc avoir un joli ramage en sus du plumage affriolant !

Il y a aussi de quoi s’amuser à l’arrière ! La marque a bien retravaillé le bumper en y intégrant une méchante sortie centrale et en ajoutant un aileron plutôt massif en haut du hayon… voilà qui annonce sacrément la couleur.

A l’intérieur de l’auto, c’est en revanche un peu plus compliqué…  Les (parfois très) vilains plastiques sont légion, témoins de l’âge plutôt canonique de l’auto et de sa vocation populaire plutôt qu’exclusive. C’est tout à fait acceptable sur une automobile née en 2011 et qui en est à sa troisième phase, cela reste douloureux à vivre quand on voit le prix auquel est facturée cette mouture Yaris GRMN.

Les équipes Gazoo Racing, à défaut d’avoir un environnement chaleureux dans lequel travailler, se sont limités aux éléments de conduite. Le volant est repris à la Toyota GT86 et c’est une très bonne idée. Petit, tout rond, à la section fine, c’est un régal à manœuvrer, avec en bas un symbole GR qui va bien. Tiens, pas GRMN, bon, faudrait savoir à la fin ?

Les baquets sont de très bonne facture et offrent un maintien de premier niveau ! Seul souci : ils sont installés très haut, ce qui donne une position de conduite de petite camionnette, un peu comme l’ancienne Fiesta et Focus par exemple. Une fois de plus, la Yaris GRMN n’était pas prévue à la base et la base Yaris a donc quelques caractéristiques pas vraiment compatibles d’une transformation sportive.

Au global, la position de conduite, avec le levier lui aussi un peu bas du fait de l’assise haute, reste somme toute acceptable à défaut d’être la meilleure du segment ou proprement sportive, elle est en revanche rédhibitoire pour de longs runs. Le système d’info-divertissement n’est pas le meilleur du monde non plus, très basique mais assez complet. Bref : si l’on excepte les baquets et le volant GR, pour le reste, il n’y a pas de quoi ressentir le moindre frisson. Tout va se jouer sur la route.

Une petite pression sur le bouton siglé lui aussi GR et c’est confirmé : cette Yaris GRMN n’est vraiment pas une Yaris comme les autres ! Les ingénieurs Gazoo ont greffé sous le capot le petit 1.8L maison, fourni par ailleurs à Lotus et doté d’un compresseur. Voilà bien un mode de suralimentation à l’ancienne et singulier, permettant à l’ensemble de développer la bagatelle de 212 chevaux à 6800 tr/min, soit 200 tr/min avant le rupteur ! Le couple n’est pas en reste, avec 250 Nm à 4800 tr/min, plutôt haut donc.

L’annonce est claire : ce moteur est fait pour être cravaché et il demande à l’être ! En bas des tours, là où tous les moteurs turbocompressés modernes déploient une montagne de couple, ce petit 1.8L gronde mais se montre plutôt creux (bon, c’est quand même suffisant face à la horde de compactes et berlines sous-motorisées du flux automobile normal). En revanche, au delà de 4000 et jusqu’à 7000, il gueule avec vigueur et tracte la Yaris GRMN avec une sauvagerie bien sympathique !

La boîte se manie très bien, avec de bons débattements et guidages, mais ça grince un peu au verrouillage et ça tire très long. Ce n’est pas la boîte du siècle par rapport à d’autres sur le segments mais une fois encore, en considérant que ce modèle Yaris GRMN était tout sauf au « plan » du constructeur, c’est un moindre mal.

Là où en revanche il n’y a rien à dire, c’est du côté du freinage ! La Yaris GRMN pèse à peu près 1200 kg et le dimensionnement des étriers avant et l’équilibrage de l’arrière a été bien maîtrisé. Les pinces avant mordent comme de belles diablesses et ne veulent pas faiblir, avec un toucher de pédale vraiment satisfaisant et sécurisant. Quel régal !

La suspension est… ferme. Pas cassante mais quand même diablement ferme ! Il ne devait pas y avoir beaucoup de place là non-plus pour caler des amortisseurs plus raffinés mais dans l’ensemble, la Yaris GRMN se comporte très bien sur les routes bosselées et sinueuses, semblant même en raffoler.

Alors oui, en ville et sur quelques revêtements particulièrement dégradés, ce ne sera pas une partie de plaisir mais en contrepartie, elle offre un comportement d’une agilité et d’une homogénéité remarquable  et est par ailleurs dotée d’un différentiel au réglage idéal !

C’est bien simple : roues braquées, bien inscrit sur le train avant, on peut mettre « GAZ » sans se poser de questions et sentir avec régal le différentiel Torsen se verrouiller pour tracter l’auto avec vivacité vers la sortie de la courbe, sans élargir. Cette petite chose calée entre les deux roues est d’une efficacité à toute épreuve, comme sur une 208 GTi by Peugeot Sport.

Autrement dit, avec cette petite tendance à se mouvoir du train arrière sur de longs appuis, cette Yaris GRMN est vraiment typée « à l’ancienne » ! Moteur caractériel (qui tête un peu aussi quand on le taquine, 10.6 L/100 sur 510 km d’essai), boîte méca accrocheuse, train avant verrouillé et vilain au possible avec un Torsen aux petits oignons, elle ne demande qu’à voir des routes corses, sardes, alpines ou autres !

Il faudrait travailler en revanche encore travailler un brin sur la direction, dont le feeling est un rien artificiel et trop assisté, générant en conséquence des corrections au volant non nécessaires mais qu’on anticipe un brin par manque de feeling. Rien de grave mais voilà un peu de travail pour une prochaine version.

Mettons donc de côté la position de conduite de camion, verticale et la finition intérieure en net retrait, mettons également de côté le tarif prohibitif et délirant par rapport à une nouvelle Fiesta ST par exemple… mettons tout cela de côté, car de toute façon, les 400 exemplaires sont d’ores et déjà vendus !

Que reste-t-il ? Une GTi imparfaite, très puriste dans la réalisation, plutôt communicative, dotée d’un caractère moteur et d’un train avant redoutables, une suspension bien fichue et tout ça de la part d’un constructeur qui avait remisé la passion loin, très loin, à un point tel qu’on se demandait s’il savait encore ce que cela voulait dire !

Toyota n’a pas oublié la passion et le purisme des sensations sportives, non. Cette Yaris GRMN, à la fois très excitante et décevante par rapport à la concurrence, en est le parfait exemple. Si la marque et son entité Gazoo Racing sont capables de réaliser cette Yaris GRMN sans l’avoir vraiment prévu, on est en droit de penser que ce petit jouet fera des petits encore plus réussis car planifiés, le point (collector) de départ d’une nouvelle belle page de passion chez Toyota !