Essai – Audi RS e-tron GT

Enfin. Me voici au volant d’un véhicule entièrement électrique qui ne soit pas une Tesla ! Comme je l’évoquais dans mon précédent essai, la « peur de l’autonomie » est chose fréquente chez de nombreux clients potentiels et elle ne m’a pas épargné. Ce blog étant tout sauf mon métier et donc une charge de travail (agréable) en plus du reste, l’idée de me coltiner de la peur ou des problèmes pendant un essai était un vrai repoussoir, faute de réseau de recharge rapide digne de comparaison aux fameux superchargers de la marque américaine. Les choses ont évolué de deux côtés : le réseau de recharge rapide s’est densifié et développé un peu partout sur le territoire ; l’autonomie des BEV s’est grandement améliorée, les valeurs annoncées étant désormais réellement réalisables si j’en croyais les confrères blogueurs ou journalistes. Il était temps de sauter le pas et quitte à le faire, autant viser haut avec le vaisseau amiral Audi : RS e-tron GT.

L’Audi RS e-tron GT porte donc le blason RS, une première du côté électrique pour le constructeur et donc forcément une prise de risque. Celle-ci pourrait ou devrait être assez limitée toutefois puisque l’auto repose sur la plateforme développée avec la marque soeur / concurrente du groupe VAG : Porsche. Rien de moins que ça. On peut donc espérer un typage de l’auto en lien avec le blason et des performances dignes de ce nom. Extérieurement, en tout cas, RS e-tron GT en impose, même si la couleur « Vert Tactique » choisie pour ce modèle est du genre clivant ! Pour ma part, j’ai beaucoup aimé ses tonalités changeantes en fonction de la luminosité, la camouflant plus ou moins dans la végétation. Pour les réactions extérieures, je pense avoir eu autant d’avis négatifs que positifs, ce qui est une vraie surprise – je m’attendais plutôt à du 90/10 dans le mauvais sens !

Au delà des goûts et de la couleur, la robe de cette sportive regorge de nombreux détails et s’émancipe très fortement de l’apparence du Taycan pour adopter une vraie identité Audi. Je pense d’ailleurs trouver cette lecture Audi plus agréable à l’oeil, avec cet immense sourire de noir vêtu et la calandre à facettes arborant la plaque d’immatriculation. On pourra en revanche un peu critiquer le fait que les caméras et autres radars soient aussi visibles en partie basse, tandis que le regard au laser est joliment construit et surligné d’un trait de bleu, j’aime. Toujours du côté du noir, le carbone est présent à profusion ! Le pack en option (un peu plus de 12k€ d’éléments noirs / noir carbone / carbone noir – portant la note complète à 183k€ vs. 156k€ en base) est superbe : rétroviseurs, toit, prises d’air, diffuseur, il y en a pour tous les goûts et cela agrémente la ligne pour la rendre tout à fait impressionnante.

S’intéresser à ces éléments, d’ailleurs voir à quel point l’aérodynamique a été travaillée sur l’Audi RS e-tron GT, avec les prises d’air de la face avant conduisant le flux d’air aux roues, tandis qu’une autre ouverture canalise l’air en sortie d’ailes. Les roues sont ici montées en 21 pouces (option) et chaussées de Michelin PilotSport 4S, des gommes collantes pas vraiment favorables au confort et à l’efficience et leur design, mi-sportif, mi-aéro, est parfait à mes yeux. L’arrière de l’auto, passées les larges ailes, ressemble fortement aux Audi modernes, avec les différents blasons passés au noir également. De manière générale, on peut dire que l’auto présente une silhouette musculeuse, sportive, avec une identité propre mais parfaitement connectée au reste des codes de la gamme Audi. Est-ce que j’aime ? Oui. Ne manquent que des poignées de portières bien mieux intégrées car pour le reste, RS e-tron GT est splendide.

Je vais en revanche être un peu moins conquis par l’intérieur, que je trouve bien trop proche de l’habitacle habituel d’une Audi. En sus de cela, j’ai trouvé la qualité de finition et le choix de certains matériaux plutôt indignes d’une auto facturée à 150k€ en prix de base. Si tout n’est bien sûr pas à jeter et si je ne parle bien sûr pas de la qualité d’habitacle d’une auto russe des années 50, c’est à mes yeux une occasion ratée pour la marque (et j’imagine également pour la marque soeur) de transformer également son habitacle en sus de transformer son mode de propulsion. Je n’irai pas dans le détail de toutes les commandes, celles-ci étant donc connues du côté des écrans, de la zone de console centrale, etc. Développer cette plateforme et ces véhicules a du être un investissement phénoménal et des choix semblent avoir du être faits à un moment… Le résultat global n’est pas horrible mais il n’est pas au niveau auquel je l’attendais.

Du côté des ingrédients sportifs, la recette fonctionne tout de même et les essentiels ne sont pas oubliés. Les sièges, très beaux, offrent une bonne possibilité de réglage et offrent un bon maintien quand le rythme augmente. Le volant, avec son revêtement, est parfait et tombe bien en mains. L’affichage tête haute, proposé en option, permet donc de se concentrer sur la conduite tandis que l’on retrouve au bout des doigts les palettes habituelles +/-, servant à gérer le dosage de freinage régénératif au lever de pied. C’est en effet l’une des particularités de l’Audi RS e-tron GT, qui se veut donc encore et toujours une automobile à conduire et à freiner, plutôt qu’à laisser décélérer sur la regen’, j’en reparle dans le paragraphe suivant !

L’Audi RS e-tron GT offre en effet quelques particularités sympathiques au niveau de sa nature électrique mais aussi de sa nature de sportive ! Déjà, la marque a jugé bon de la doter de deux ports de recharge, l’un à l’avant gauche en Type 2 et l’autre à l’avant droit offrant la charge CCS (mais branchement en Type 2 possible bien sûr). C’est pratique, tout comme le coffre avant dont on trouve l’ouverture… sur le flanc de la portière. Drôle de choix. Le coffre arrière offre quant à lui un bon espace de chargement. Ensuite, du côté de la signature acoustique, un léger grondement vient s’ajouter à l’habituel sifflement des moteurs électriques, de façon plus ou moins perceptible en fonction du mode de conduite activé. Bien fait ! Mais revenons à nos palettes pour la seconde partie et la transition vers les impressions de conduite.

De base, RS e-tron GT n’offre pas de freinage régénératif. C’est à dire que sa position nominale, neutre, au démarrage de l’auto, c’est d’être en roue libre au lâcher de la pédale d’accélérateur. Pas de « one pedal » ou de freinage régénératif à plusieurs niveaux via une position « B » (brake – frein) comme chez d’autres constructeurs. En revanche, il reste possible de forcer ce freinage régénératif au moyen des palettes au volant, avec deux crans de décélération – le premier étant plutôt imperceptible tandis que le second, sensible, doit correspondre à une décélération légère de l’ordre de 0.15g (les feux stop n’étant pas déclenchés). C’est intéressant d’avoir réutilisé les palettes de la sorte et l’étape logique pour la suite, à mon sens, sera de pouvoir gérer totalement la décélération de l’auto à ce niveau-là.

Ce serait en tout cas une alternative aux modes one pedal vus ailleurs, permettant de conserver malgré tout une pédale de freins et de « vrais » freins. Ce choix particulier, fait par Audi, est en tout cas bel et bien lié à la volonté de produire une voiture électrique réellement sportive, à savoir capable de vous connecter à la route. La conséquence de ce choix, c’est aussi que la calibration du toucher de pédale de frein est un petit bijou. Le freinage régénératif n’étant pas privilégié, on a un budget constant pour ce dernier, le reste étant à aller chercher du côté du système carbone-céramique absolument mordant et endurant, qui en redemande après chaque freinage. C’est la première fois que j’essaie une auto hybride/électrique dont la pédale de frein est aussi… naturelle, au sens proche d’un système hydraulique traditionnel et de qualité sportive.

Le freinage et son ressenti ne sont pas la seule qualité sportive de l’Audi RS e-tron GT qui réussit l’exploit de vous connecter à la route malgré un poids tout sauf plume. Le toucher de direction informe très bien de ce qu’il se passe au niveau du train avant et les quelques ruades du train arrière sont parfaitement sensibles dans les reins du conducteur. La confiance croît donc tout naturellement et s’il ne faut jamais oublier les 2400 kg de cette auto somme toute imposante, il est tout à fait possible de s’amuser en courbes avec elle, sa suspension pneumatique gérant également plutôt bien le bosselé, les délestages et compressions.

Le maintien de caisse s’avère toutefois parfois rigoureux et fait que le confort en pâtit un peu. De plus, le choix des grandes roues et gommes raides et collantes si agréables par ailleurs ne vont pas non plus dans le bon sens. En roulage à basses et moyennes vitesses, ça tape un peu et les bruits aéro et de roulement sont clairement perceptibles. Le qualificatif GT en prend donc un peu pour son compte mais je suis sûr qu’avec des roues plus menues et des gommes moins typées, le compromis serait parfait. Cette version en tout cas est bien « RS » : le sport, le sport, le sport.

Il n’y a pas grand chose à redire des mises en vitesse et des relances, avec 598 ch en base et un overboost à 646 ch ! Le couple ? 830 Nm, pardi. Autrement dit, les quatre roues s’animent gaiment et les accélérations, cossues, ont bel et bien le caractère étouffant de la chose électrique, en toutes circonstances et quelle que soit la vitesse de démarrage au moment de la poussée du pied droit sur la pédale d’accélérateur. La position de conduite, sportive aussi avec une assise très basse digne d’un véhicule sportif, aide bien sûr aussi à se connecter à l’auto et à la route et on se retrouve donc régulièrement écrasé bien au fond du baquet, en sentant les roues arrière transmettre tout ce qu’elles peuvent au bitume martyrisé ; avant de jouer de la direction légère et réactive à souhait.

RS e-tron GT est donc une sportive électrique tout à fait réussie, tout en sachant emmener ses occupants dans un confort largement acceptable. S’agit-il pour autant d’une routière et d’une voiture électrique apte à voyager, avec sa batterie de 93 kWh (86 kWh utiles) ? La réponse est oui car si l’autonomie annoncée de 472 km semble assez difficilement atteignable en conditions réelles, elle n’est pas une grande gourmande pour autant au vu de son typage et de ses grandes roues collantes. En conduite coulée, les 18-19 kWh/100 sont tout à fait faisables. Sur autoroute, avec le mode Efficiency activé, abaissant sensiblement la caisse et allant chercher le très bon Cx de 0.24, on est plutôt autour des 24 kWh/100. Bilan de mon essai : 740 km et 22.1 kWh/100, un score très respectable au vu de mon utilisation et du faible apport du freinage régénératif sur cette auto.

La question de l’autonomie, autour de 350 km sur autoroute donc, ne s’est pas trop posée pour moi. Mon point d’arrivée se situait effectivement à un peu plus de 200 kilomètres de la région parisienne. Pas de stress, donc, pour cette première, ceci étant soutenu par une consommation en phase avec ce qui était annoncé par l’ordinateur de bord. Lorsqu’il a bien fallu me brancher, je me suis reposé sur le choix de mon lieu de séjour. A défaut d’offrir une charge rapide, celui-ci bénéficiait de deux bornes de recharges à 22 kW, me permettant avec le chargeur embarqué de l’Audi RS e-tron GT d’injecter la puissance de 11 kW. J’ai ainsi pu effectuer une recharge complète pendant la nuit. Simple, efficace, quand ce type de bornes est accessible à seulement quelques dizaines de mètres de son logement ! Pour ce qui est la charge rapide, il faudra que j’essaie peut-être une version e-tron GT standard, afin de voir si le pic à 270 kW est en effet possible grâce aux batteries en 800V, garantissant un plein en un peu plus de 20 minutes.

En tout cas, l’auto tient ses promesses en terme de consommation, gage d’une réelle polyvalence et d’un usage régulier tout à fait possible. Ce n’est pas la meilleure dans le domaine de l’efficience mais c’est aussi la seule à offrir une expérience réellement sportive. C’est d’ailleurs le parfait résumé de cette expérience en Audi RS e-tron GT. Le badge RS n’est absolument pas galvaudé sur cette auto, qui vous connecte bien plus que je ne le pensais à la conduite et à la route. Si elle n’est pas exempte de défauts, notamment du côté de l’habitacle pour ce qui concerne mes goûts personnels, c’est une « première » absolument remarquable qui mériterait d’être testée dans sa mouture non RS mais aussi avec des gommes un peu moins sportives et collantes ! Côté ligne et prestations, cette voiture a définitivement un goût de reviens-y auquel je ne m’attendais pas du tout ! Bien joué, Audi.