Confirmation – Toyota GR Yaris

Un nouvel essai de la GR Yaris ? Un an et quelques après un premier essai… Serait-ce de la gourmandise ? De la conscience professionnelle ? Un doute à lever ? Un peu de tout ça ? Il est bien normal de se poser la question car les créneaux d’essais dans mon agenda n’étant pas légion, on peut s’étonner de me revoir au volant de la même voiture une grosse douzaine de mois après mon premier tour de roues à son bord. N’est pas la Mazda MX-5 qui veut, voyons ! Il n’empêche, la Toyota GR Yaris m’a fait un effet monstrueux et j’avais très envie de la retrouver sur des routes plus sélectives, sur un essai plus long en kilomètres également afin de mieux en saisir le mode d’emploi. Le premier essai, c’était une mise en bouche, une case de cochée dans la conquête de la sportivité automobile, beaucoup de plaisir au volant aussi et des yeux écarquillés par moments. Le second essai, c’est l’occasion de retrouver tout cela mais c’est aussi et surtout la volonté de confirmer que cette auto n’est pas une simple sportive mais quelque chose de sensiblement plus légendaire.

Un nouvel essai aurait pu être l’occasion de tester une nouvelle robe et une nouvelle configuration, me direz-vous. C’est vrai. Mais la GR Yaris qui m’attend sur le parking de Toyota est peu ou prou la même que celle essayée l’année précédente. Elle est rouge énervé et est dotée de tous les attributs de la version Track. Si mon regard s’est évidemment habitué à sa présence musclée, ce n’est pas le cas du passager et des amis croisés en Bourgogne pendant le weekend. Toutes et tous n’en reviennent pas du niveau de charisme de la voiture. Sa caisse spécifique aux ailes arrière très larges séduit, évidemment. Les gros freins et les roues forgées également, c’est normal. Le caractère bodybuildé général interpelle mais à la fin, une question revient : « c’est une vraie prise d’air, là ? ». Oui, ce sont bien des conduits de canalisation d’air pour refroidir les freins et le gros radiateur est bien utile au moteur.

La bouille béante, rectangulaire, de GR Yaris fait son effet et à l’ère des prises d’air factices, ces deux alimentations noiraudes achèvent de convaincre les plus néophytes comme les plus sensibilisés que cette « petite Yaris » n’est absolument pas dans son état d’origine. Il faut ajouter à cela un GR-FOUR sur la malle arrière qui génère quelques questions et autant d’étonnements – c’est une intégrale… bordel – et une belle quantité de badges GR pour Gazoo Racing, un nom désormais bien connu tant Toyota atomise la concurrence en WRC, cette année encore plus particulièrement. Oh, une double trompette en guise d’échappement, également, qui gronde gaiment au ralenti. Non, vraiment, pas besoin d’en jeter plus : ce second essai vient bien confirmer le premier ressenti. GR Yaris, c’est aussi une GUEULE (pardon, c’est un peu grossier mais…).

Pour ce qui est de l’habitacle, je ne m’appesantirai pas sur les détails ; on va simplement là-aussi confirmer ! L’assise est toujours un peu trop haute mais ce n’est plus la camionnette Yaris GRMN pour autant. Plus gênant en revanche et confirmé dans pas mal de virages malheureusement, le bloc de rétrovision est vraiment gênant et en plein dans le champ de vision pour aller chercher certaines cordes ou valider la visibilité dans le virage. C’est… au mieux pénible et même si le cerveau a cette belle faculté d’adaptation, j’ai perdu un peu de temps et de précision à certaines occasions. Si je devais posséder une GR Yaris, je crois que je me documenterais sérieusement pour faire retravailler l’implantation du rétroviseur central !

Le petit volant tout rond est quant à lui toujours parfait, tout comme la commande de boîte manuelle qui tombe pile sous la main. L’écran central ne sert à rien de plus qu’à bien faire fonctionner CarPlay et c’est tout ce qu’on lui demande car la commande des modes de conduite se fait toujours à la molette centrale. A gauche, Sport. A droite, Track. Une pression au centre et la voiture redevient « Normal ». Le rev-match et la désactivation de l’ESC n’ont pas bougé, toujours au ras du frein à main qui, lui aussi, tombe bien en main dans les épingles. Si la touche ESC et i-MT sont sur le papier tout à fait accessibles, leur manipulation en roulant n’est pas complètement instinctive, du moins sans quitter la route des yeux. Or, en GR Yaris, tout va beaucoup trop vite pour qu’on songe à quitter la route des yeux.

En clair, l’habitacle de la GR Yaris fait dans le fonctionnel, comme il l’avait déjà fait sur mon premier essai. L’auto reste une Yaris et l’essentiel est ailleurs, le principal ayant été traité : un bon volant, d’excellentissimes baquets, une commande de boîte aux petits oignons et le gros de l’ergonomie très correctement réalisé tandis que les voyages un peu chiants sur autoroute sont faisables à coup de régulateur adaptatif, Toyota ayant aussi eu le bon goût d’intégrer au volant une commande pour désactiver le maintien en ligne. Oh, j’oubliais : le logement pour caler son smartphone au centre de l’auto est toujours aussi rugueux et tient parfaitement le téléphone quand le rythme devient endiablé. Toujours appréciable de ne pas voir son téléphone voler dans l’habitacle. Tu entends, Alpine ?

Moteur. Le trois pattes de 1.6 L, je le rappelle à toutes fins utile, développe 261 ch (dans une Yaris, oui oui) à 6500 tr/min et 360 Nm (dans une Yaris, oui oui) de 3000 à 4600 tr/min. Le grondement, en mode Normal, est… normal. Mais je n’ai pas envie de vous parler du mode Normal, que j’emploierai finalement uniquement sur autoroute pour tenter de baisser la consommation généreuse de mon essai (788 km parcourus et 11.1 L/100 de moyenne… hem). En fait, c’est très simple : j’ai passé l’essentiel de mon weekend d’essai à alterner entre les modes Sport et Track parce que c’est bien là qu’on s’amuse, quand même bien le mode Normal est déjà capable de faire des merveilles au milieu de la plèbe automobile.

Le poids somme toute contenu de la GR Yaris fait qu’il est possible de rouler fort en utilisant exclusivement le couple copieux qu’envoie le trois pattes aux quatre roues. De 3000 à même pas 5000 tr/min, les mises en vitesse déjà convaincantes permettent de se (re)familiariser avec l’auto tout en bénéficiant d’un grondement sans équivoque à l’oreille. Très satisfaisant, il est juste ce qu’il faut rauque et présent dans l’habitacle et en dehors, sans fioritures inutiles. La vitesse, à dire vrai, n’est pas convaincante. Elle est en fait déjà impressionnante et les virages qui me mènent de l’autoroute à mon lieu de villégiature pour le weekend passent très rapidement devant mes yeux. Les bosses sont absorbées et les sections droites, pourtant bombées et défoncées, n’engendrent pas de tirage particulier d’un côté ou de l’autre.

C’est, sur ces routes autrement plus délicates à aborder à haute vitesse, que l’excellence de la mise au point de la GR Yaris commence à ressortir. Peu importe que le mode Sport ou Track soit engagé, la répartition de la propulsion à 30/70 ou 50/50 ne change pas grand chose ici puisque je me « contente » de rouler vite mais sans engager drastiquement l’auto. L’équilibre de direction et de suspension fait qu’il est possible de rouler vite sans craindre de réactions parasites de la voiture. Une suspension passive aussi bien faite, voilà qui rappelle d’autres GTi un peu plus anciennes, badgées d’un losange. Jamais cassante, jamais fainéante, peut-être pas totalement verrouillée pour un usage circuit tout de même, elle avale tout et ne surprend pas. Voilà qui pousse à aller voir un peu plus loin…

La fin du parcours vers le coeur de la Côte d’Or est l’occasion de commencer à dégoupiller. Il faut dire que le passager du baquet de droite est curieux et il va presque s’en vouloir une quarantaine de kilomètres plus loin quand il ressortira en sueur de l’auto pour rejoindre l’apéro bien mérité. Je suis en sueur également, heureux. La voiture sent le pneu. Elle ne sent pas les freins, non. Elle sent le pneu chaud, les Michelin ayant remarquablement travaillé, absorbant sans jamais broncher les inscriptions énergiques dans les courbes, les freinages généreux et les charges en dévers de certains virages particulièrement trompeurs ! Le système de freinage est copieusement dimensionné et bien refroidi, on l’a vu, cela se voit à l’arrivée. Pas de crissement, très peu d’allongement de la pédale. Juste une odeur de pneu chaud et des dos trempés par l’engagement que nécessite cette auto, dans un baquet comme dans l’autre.

Le lendemain, une opportunité de « faire les courses » et de « il faut que je lave la voiture » va se transformer en séance de démonstration du mode Track sur un parcours que nous connaissons par coeur et qui offre globalement une excellente visibilité, asphalte de qualité en sus à quelques bosses et compressions traitresses près. « Comme une cartouche ». Voilà l’expression qui restera de cette session, la motricité sans faille de l’auto faisant merveille. Les pneus avant, parfois un brin martyrisés et commençant à crier « maman », n’ont pas failli. Le train avant, non plus, forcément. Et l’arrière de pousser, juste un peu, de balancer tout ce qu’il peut en tout cas dans les sorties de courbes, avec talent.

La GR Yaris, dans le sinueux, est un élastique hallucinant. Le trois pattes, passée la plage de couple maximum, s’envole jusqu’au rupteur de 7000 tr/min avec une vraie rage. C’est comme si on nouveau moteur avait fait son apparition sous le capot. Après le grondement légèrement aspiré, voici la rage mécanique ponctuée des sifflements de la waste gate ! Pschii. Pschii. J’ai l’impression d’être dans une 206 WRC et à dire vrai, il y a sûrement un peu de ça même si une 206 WRC doit être un tout autre outil. Il n’empêche, sortie de virage, fond de 2, fond de 3, freinage. Et répéter tant que la route et la visibilité le permettent, avec un fond de 4 de temps en temps. Addictif. On n’est pas passé loin de la nouvelle sortie en sueur de l’auto, mais le parcours était trop court et il y avait trop de lignes droites. Or, la vitesse en ligne droite, ça n’a aucun intérêt, particulièrement avec ce genre d’auto.

Lendemain. Un bout de route traître au possible m’attend. Quelques ciels. Quelques délestages aussi. De gros freinages en appui. Des enchaînements traîtres mais jouissifs. J’ai rendez-vous avec lui depuis le début et je suis aussi excité que concentré alors que je m’engage sur la bien longue section de route que je parcourrai dans un sens puis dans l’autre. Le mode Sport est engagé, 70% de la puissance est transmise au « bon » train tandis que le train avant se contentera des 30% restants pour extraire la GR Yaris des épingles. Cela tombe bien d’ailleurs, il y a des épingles et j’ai la possibilité, configuration de la route oblige, de tester le découplage du différentiel central quand le frein à main est tiré…

J’ai arpenté ces mêmes routes avec la Ferrari Roma quelques semaines plus tôt et l’expérience était tout bonnement incroyable. Les arpenter en Toyota GR Yaris est une autre expérience. Plus compacte, plus légère, plus agile, plus mobile aussi. Moins rapide en lignes droite, assurément. Sur les longues lignes droites en tout cas car entre deux virages, sauf à dégoupiller totalement le cerveau, ce qu’il est hors de question de faire sur routes ouvertes, la différence n’est pas phénoménale. Dans les virages en revanche, son empattement ultra court et sa direction mordante font la différence. La GR Yaris se jette dans les cordes, dans les enchaînements, brûlant la gomme et le SP98 avec gourmandise.

Les kilomètres s’enchaînent. Je tire mon câble de frein à main dans les quelques épingles s’y prêtant. La sensation est absolument grisante et le comportement de l’auto, prévisible et jouissif. Les kilomètres s’enchaînent. Les freins continuent de mordre, le moteur s’obstine à faire l’élastique entre les 2-3-4 avec une vigueur sans cesse renouvelée. Je commence à fatiguer, je suis en nage et j’ai par moments un sourire de dément sur le visage. Je rigole bêtement, aussi. Comme dans la Ferrari Roma. Comme dans la McLaren 650S. Les kilomètres s’enchaînent. Mon rythme a baissé un peu à la fin, je m’amuse des pschii et des pschii de la waste gate. Le retour au bercail est proche, il reste quelques enchaînements…

Le couteau, rangé sagement pendant un temps, pour que les disques aient le temps de redescendre en température, est ressorti de sa gaine. Je ne toucherai pas les freins si ce n’est pour transiter les masses et pour le reste, il faut que ça passe vite. Nez calé sur son appui, la GR Yaris continue de bondir dans les derniers kilomètres. Même pas fatiguée. Moi, je suis rincé, j’en veux encore mais je sens qu’il est temps, après ce long « run » de m’arrêter, d’aller reprendre mes esprits, tranquillement, dans le jardin et de réfléchir à ce que je vais bien pouvoir dire de mal de cette incroyable auto. Je n’y arriverai sûrement pas bien mais après tout, j’étais venu pour une confirmation, pas pour changer d’avis.

La GR Yaris est une des meilleures voitures jamais créées et en un peu plus de dix années d’essai, c’est aussi une de celles qui m’a le plus marquées par sa folie furieuse, son homogénéité et ses limites si phénoménales à atteindre. Ressortir en sueur, prodigieusement content, d’une voiture n’est pas chose si fréquente, même quand on essaie essentiellement des sportives et c’est encore plus vrai de beaucoup de sportives modernes avec lesquelles la vitesse est « facile ». La GR Yaris est bien capable de facilité moderne mais c’est la première couche. Au delà, un autre monde est possible mais il nécessite pureté, engagement maximum, rires incrédules et une très bonne compréhension de la route et de la dynamique du véhicule au gré de modes offrant des visages bien différents.

La GR Yaris, en ce sens, a repris le flambeau des Lancer et autres Impreza. Elle a fait la synthèse des Audi S1 ou A1 quattro et autres petites GTi françaises nées simples tractions, outils très modernes et vivables de torture du bitume et des pneumatiques. Elle a aussi regardé le niveau de vitesse époustouflant et hystérique que pouvait atteindre certaines supercars et s’en est inspirée. Elle fait tout ça. Je le savais déjà. Ces routes, incroyables, me l’ont bel et bien confirmé et je l’ai rendue avec un pincement au coeur tout aussi gros que celui ressenti à chaque retour de prêt de MX-5, A110 ou Megane R.S. !

Cet essai est donc bien une confirmation du caractère légendaire de cette auto. Peu avant la réalisation de cet essai, j’avais eu l’occasion de croiser deux exemplaires de GR Yaris en Charente-Maritime. Je m’étais réjoui de les voir mais les routes là-bas ne m’inspirent pas plus que cela. Peu après la réalisation de cet essai, j’ai eu l’occasion de faire un tour en Savoie où j’ai également croisé deux exemplaires de GR Yaris tandis que je disais « adieu » à la reine Megane. Les routes, là-bas, sont encore d’un autre acabit et j’ai été très partagé entre envie et terreur à l’idée d’y emmener cette petite bombe japonaise. Avouez, avouons, j’avoue… que cela ferait un bien bel troisième essai.