Essai – Alpine A110 GT

Trois mois ont passé et mes souvenirs de cet essai sont toujours vifs, précis. Mes pensées se glissent avec agilité d’un coin à l’autre de la montagne, d’un col à la vallée suivante. C’est bien là l’avantage de l’essai parfait, celui de l’une des meilleures sportives sur le terrain de jeu qui a inspiré son nom et a fortement pesé sur sa renaissance. Ces mots, « une Alpine dans les Alpes », je rêve de les écrire depuis que la nouvelle berlinette a pointé son menu museau sur les routes de France et de Navarre. Il aura fallu attendre l’A110 GT, dans sa version retouchée de 2022, pour que le rêve devienne réalité et que les souvenirs se gravent, indélébiles, dans ma mémoire automobile.

Comme toujours, je récupère l’auto à Boulogne-Billancourt. J’ai la journée pour rejoindre tranquillement Bourg-d’Oisans, où je passerai la première nuit d’un weekend prolongé, étendu pour ne rien gâcher de part et d’autre afin de savourer cet essai de la plus belle manière qui soit. Les retouches de 2022 ne se voient pas du tout à l’extérieur de l’Alpine A110 GT, qui arbore une teinte grise du plus bel effet. Elégante, discrète mais pas autant qu’un modèle peint en noir (jamais compris ce choix de coloris), l’A110 GT se fait moins remarquer que les teintes historiques ou la gamme très colorée égrenée au fil des mois et des éditions. Cela va bien avec le blason à deux lettres et le confort et le raffinement que l’on y imagine associés.

Je ne m’attarde donc pas trop sur la revue de détails extérieure, l’auto n’ayant tout simplement pas pris une seule ride un peu plus de quatre ans après sa présentation et je ne vois aucune raison de retoucher à ces lignes si délicieuses ! Pour la forme, notons les roues spécifiques et le petit blason « GT » à l’arrière. Sinon, le même regard, les mêmes galbes, le même drapeau, le légendaire A sur la trappe à essence et enfin les petites touches des capteurs de proximité et la caméra de recul, pour la praticité associé au « GT »… En revanche, du côté, des bagages, il faudra continuer d’être raisonnable car il n’y a pas plus de place qu’avant dans l’A110 GT. Je suis seul pour la descente vers les Alpes, ce qui me permet de ne pas trop me préoccuper de ça.

En revanche, ce trajet autoroutier me permet d’apprécier deux choses : le confort retrouvé et les améliorations allant ce millésime 2022 de l’A110 GT. Le confort retrouvé, c’est celui du châssis « standard » de l’Alpine, disponible dès le lancement du modèle. J’en étais resté du côté de la berlinette à la version A110 S, qui raidissait sensiblement la tenue de caisse, avec un résultat un rien mitigé pour ce qui me concerne, du moins au moment de mon essai. Ici, la version la plus « routière » des Alpine modernes adopte logiquement le châssis le plus doux et c’est absolument parfait en terme de filtration sur autoroute et sur les petites routes montant vers Le Bourg-d’Oisans. L’Alpine A110 GT est faite pour voyager et lui greffer une version raidie n’aurait pas eu de sens. Et l’adoucir encore plus non plus.

Il fallait par contre, pour devenir agréable à l’usage, sérieusement repenser l’interface homme-machine. Nombreuses ont été les critiques sur cet écran peu réactif, incompatible des fonctionnalités mobiles modernes comme Androïd Auto ou Apple CarPlay. Difficilement acceptable au lancement, incroyable et pénible à vivre deux ou trois ans plus tard, ce défaut est désormais corrigé ! L’écran est réactif, il intègre CarPlay et je peux désormais laisser mon téléphone sous la console centrale, dans le logement prévu à cet effet (et toujours aussi peu accessible par ailleurs). C’est bête comme tout mais c’est fou comme cette seule mise à jour change l’expérience Alpine qui, parfaite sur le plan de la conduite, s’avérait parfois agaçante voire dangereuse avec le téléphone s’échappant du vide-poche juste au dessus du bouton N de la boîte en pleine courbe et l’interface si peu réactive par ailleurs.

Vous pouvez oublier tout cela si vous jetez votre dévolu sur les dernières productions de la berlinette et vous pourrez, dans le cas de l’A110 GT, vous délecter des détails de confort apportés par cette finition. Les sièges, réglables sur 6 voies, sont d’un confort parfait – même si les coques de la Premiere Edition m’allaient parfaitement. Ils sont revêtus ici d’un cuir chocolat que l’on retrouve sur la planche de bord et les contre-portes, mêlant couleur de carrosserie et cuir. Un liseré bleu se fait remarquer sur les coutures. J’avoue avoir été un peu dubitatif au début, avant de finir par largement apprécier cet ensemble de couleurs qui s’avère en réalité bien équilibré !

Pour le reste, l’Alpine A110 GT ne change pas, en bien comme en mal. Dois-je encore vous parler du comodo de commande du son et de la petitesse des palettes de la boîte ? De certains plastiques toujours aussi peu flatteurs ? Non. L’essentiel est toujours ailleurs dans l’Alpine et le principal défaut, celui de l’interface écran, a été corrigé. C’est finalement tout ce qui compte car pour le reste, l’A110 GT fait un travail impeccable avec son système Focal, son confort à bord et sa consommation plus que raisonnable entre 110 et 130 km/h sur autoroute. Vous pouvez envisager de traverser la France et l’Europe de part en part, en voyageant d’un bout de route sublime à un autre. Et si vous êtes vraiment motivés, mettez-la sur un ferry et filez aux Canaries… les routes là-bas sont tout aussi faites pour elles que celles de l’Oisans.

Mais trêve de digression liée à mon récent séjour canariote, je suis bel et bien dans mes souvenirs, à Bourg d’Oisans. Du moins, je m’en rapproche et le soleil n’étant pas encore tout à fait couché en cette fin du mois d’octobre, je m’engage sur une montée que je sais délicieuse, celle de Villard-Reculas. Après avoir roulé en déroulant et à l’économie pendant tout la première partie du trajet, j’augmente doucement le rythme pour voir si mes sensations de 2019 (déjà !) sont toujours là. Boîte glissée en mode manuel et mode Sport engagé, le 1.8L turbocompressé se fait soudainement plus présent et ronflant, se permettant même de pétarader gaiment aux lâchers de gaz. GT ? Oui, une GT, ça a aussi le droit de pétarader, surtout que l’A110 GT embarque la version agacée du moteur, celle qui délivre 300 chevaux un peu plus haut dans les tours, 6300 exactement.

Je ne conduis toutefois pas le couteau entre les dents, étant encore en phase de réapprentissage de l’auto et ne souhaitant pas appeler Alpine pour leur annoncer une mauvaise nouvelle dès mon premier jour d’essai (non que je souhaite les appeler, tout court…). Le couple, généreux avec ses 340 Nm, est suffisant pour que les mises en vitesse, d’une épingle à l’autre, soient cossues. La lumière, à l’approche de Villard-Reculas, est de toute beauté et si je n’ai pas beaucoup utilisé les freins pour le moment, le moteur et les pneus sont quant à eux bien montés en température, dégageant de doux parfums tandis que je prends quelques photos à l’entrée de la Route de la Confession, fermée à la circulation à ces heures.

Le chemin de la descente sera donc le même, le passage par Huez n’étant pas possible. Ce n’est pas très grave à dire vrai, cela me permettra de retravailler un peu l’excellent grip des Michelin Pilot Sport 4 équipant la machine et de voir où en est la pédale de frein. Réponse : tout va bien pour cette entame qui, à rythme dynamique, se montre d’un confort toujours redoutable. Je pourrais faire l’aller / retour plusieurs fois sans être fatigué, chahuté ou tassé dans les Sabelt revêtus de cuir. GT, assurément, sur un filet de couple. Le Bourg d’Oisans m’accueille enfin, dans l’ombre des flancs escarpés des Villard-Notre-Dame et Villard-Raymond. Je loge en fond de vallée, non loin du Lac Bleu. Mes hôtes, passionnés, me dispensent quelques conseils de route pour les jours à venir, correspondant pas mal à mes idées d’origine !

Le lendemain matin, après une nuit de sommeil réparatrice au possible et un copieux petit-déjeuner avalé, il est temps d’entamer une nouvelle journée complète au volant de l’Alpine A110 GT. Les autres trublions du weekend entre amis qui va avec cet essai n’arriveront qu’en fin d’après-midi, me laissant le champ totalement libre pour faire le plein de photos et de routes. La rosée s’est abondamment déposée sur la voiture pendant la nuit et je découvre malheureusement que la station de lavage ne fonctionne pas, au contraire de la pompe à essence, qui dispose encore d’un bon SP98 (et oui, cet essai a été réalisé à la fin de la période de pénuries de l’an passé !). De quoi entamer la journée tranquillement.

Un coup de chiffon plus tard, je suis sur la route qui monte vers le col du Lautaret, sinueuse et technique, offrant bien souvent une excellente visibilité et assez peu de tronçons étroits. C’est un terrain de jeu parfait pour enrouler comme le jour précédent, avec juste un petit cran de plus d’engagement mais en respectant sagement la montée en température de la voiture et des pneumatiques. Il n’y a vraiment pas foule à cette heure et j’ai tout loisir de profiter de la montagne en solitaire, que ce soit pour la photo ou pour les trajectoires dès que la visibilité le permet ! L’agilité de l’A110 GT fait merveille, l’auto se plaçant au regard avec toujours cette petite latence liée à sa souplesse de réglages.

Calée sur ses appuis, elle repart sur commande dans l’autre sens, son nez mordant les cordes et son train arrière poussant gentiment en sortie de courbes. Sur le bitume accrocheur de la montée du Lautaret, sous le regard d’une Meije enneigée, il n’est pas question de prendre le grip en défaut, sauf à rouler comme un hoonigan. Ce n’est pas le propos de l’A110 GT de toute façon et ce n’est pas non plus mon style de conduite. Elle sait y faire malgré tout, avec des reprises de boulet de canon en seconde et en troisième. Les 300 chevaux, pas forcément ultra marqué par rapport aux 252 de la version « de base » finissent de remplir le moteur mais la masse de l’auto est si faible que la différence ne me semble toujours pas flagrante.

Me voici au Lautaret. Une session photo s’impose, une nouvelle fois sous le regard de la Meije. Le col du Galibier et ses paysages lunaires sont l’étape suivante logique. Si jusqu’alors, j’ai arpenté des routes plutôt larges, il est temps d’apprécier les proportions menues de l’A110 GT et sa légèreté. Une Alpine dans les Alpes. Voilà donc une première immense dose de ce que j’attendais. Du Lautaret au Galibier, l’A110 GT saute de virage en virage, d’appui en appui, sa caisse prenant le roulis nécessaire au chargement de ses pneus extérieurs et au parfait ressenti de l’accroche de ces derniers. La boîte claque rapidement les rapports, en 2, en 3, en 4 parfois quand c’est possible.

L’erreur n’est pas admise sur cette route de haute montagne où les protections n’existent pas. C’est aussi là que réside la magie des sportives comme l’Alpine A110 : le bon équilibre entre puissance et légèreté, entre vitesse et sportivité. Une Audi RS6, aussi incroyable soit-elle, serait ici empruntée, dangereuse pour tout le monde. Une A110 GT surfe de virage en virage, sans jamais ressentir le besoin d’élargir une trajectoire, sauf si on le demande expressément. Les vitesses de passage n’ont pas besoin d’être illégales pour être riches de sensations, de retours de sensations aussi et d’excitation. 1119 kg annoncés et autant de doses de plaisir qu’il y a de virages à passer.

Galibier. Quelques autres voitures sympathiques sont là, dont une Exige qui doit être autrement moins confortable que ma petite berlinette. Une McLaren 720S arrive également, venant de l’autre côté du col, sur un filet de gaz. J’ai pris l’exemple du RS6 mais en voici un autre. Aussi fantastique que cette supercar, sa place n’est pas sur ces routes et je me le redis encore et encore en entamant la descente vers Valloire afin de profiter du calme de la pause déjeuner ! Je m’arrête néanmoins au Plan Lachat car mon estomac commence à gronder. Non de malaise, je suis aux anges, mais de faim ! Car oui, ça creuse, d’emmener une Alpine A110 GT à gros rythme sur les routes de montagne, quand bien même je m’arrête régulièrement pour faire des photos !

Des photos, j’en fais trop, d’ailleurs, comme à chaque fois avec l’Alpine. Comme à chaque fois que je suis dans un théâtre aussi incroyable pour un essai. La remontée vers le col du Galibier est par endroits très bosselée, avec quelques compressions qu’il faut avoir anticiper pour passer vite. La suspension de l’A110 GT se rit de ces obstacles, ne frottant jamais, ne se mettant jamais en butée, calant calmement la caisse avant de la relancer dans la courbe suivante. L’Alpine dans les Alpes, c’est une danse permanente de courbe en courbe, avec le confort en plus et ce petit sourire qui ne cesse d’apparaître sur mon visage. Un rêve éveillé, comme prévu.

De retour au Lautaret, je prends une petite pause méritée au Café de la Ferme pour réfléchir à la suite de la journée. La salade, bien gourmande avalée, la décision est prise : descendre vers Briançon. J’ai quelques spots en tête pour faire des photos et les grandes courbes de la partie haute sont également un excellent terrain de test et de plaisir de la trajectoire tracée d’une corde à l’autre ! J’y vais toutefois tranquillement à la descente, profitant aussi de l’aspect routier et confort de l’auto. Voilà qui me permet en passant de profiter du théâtre montagneux que je connais certes bien, mais dont je ne me lasse que difficilement. Je ne suis d’ailleurs pas seul, croisant pas moins de quatre berlinettes (!!!)… mais aussi une GT3 RS (quelle horreur cela doit être sur le bosselé !) et deux autres Exige (décidément !).

Je suis beaucoup moins sage à la remontée, bénéficiant qui plus est d’une absence totale de trafic montant ou descendant ! J’arrive déjà au Lautaret. Question : l’heure a du filer… et je consulte rapidement l’heure sur l’écran de l’A110 GT. Verdict : il est encore tôt. Nouvelle question : je ne vais tout de même pas rater l’occasion de me refaire une montée / descente du Galibier, maintenant que j’ai quasiment toutes mes photos en boîte… ? Nouveau verdict : cela tombe dans le péché de gourmandise, mais après tout, on ne vit qu’une fois. Pas un chat sur la montée, des compressions, des bosses, des bordures de béton cachées ici et là et l’A110 GT qui se comporte comme un élastique sur toutes les relances et accélérations sur le second et le troisième rapport. J’arrive tout simplement en sueur au col.

Le temps de sécher au soleil et de laisser également refroidir un peu l’auto, il est temps de prendre la route du rendez-vous entre amis. La descente se fera au même rythme, tout comme le retour au Bourg d’Oisans. Mon essai pourrait s’arrêter là tant cette journée fut exceptionnelle. Au niveau du temps, au niveau du vide des routes, au niveau des sensations mêlant confort, sportivité et émerveillement. Une Alpine dans les Alpes, c’est aussi beau à vivre que c’est difficile à écrire !

Et pourtant, il y aura d’autres kilomètres de col dans les jours à venir, autour de Vaujany. La confiance montant, le mode Track et son ESC largement plus progressif feront leur apparition sur certaines sections de route. Le Col de la Croix de Fer et sa vue imprenable sur les Aiguilles d’Arves est un autre terrain de jeu incroyable, sans cesse renouvelé depuis Allemont jusqu’au Col. L’Alpine A110 GT y est ici aussi chez elle, en parfaite osmose avec les routes et leur immense variété.

Depuis Oz jusqu’au Rivier d’Allemont, la route est étroite, en sous-bois, avec des sections offrant une visibilité et des vitesses possibles tout à fait répréhensibles. Le crépitement de l’échappement de l’A110 GT résonne contre les flancs abrupts peuplés de mélèzes dorés. Il y a peu de lumière, quelle que soit l’heure de la journée et l’endroit ne se prête pas à la prise d’images. Peu après, la route s’engage dans le défilé du Maupas avec un délicieux enchaînement d’épingles que l’on peut emprunter en regardant par la portière en toute sécurité ! Le défilé recèle quant à lui de quelques pièges au niveau des deux franchissements de cours d’eau. C’est un endroit parfait pour savourer la souplesse de l’A110 et sa capacité à gérer les compressions et détentes en toute sérénité.

La montée jusqu’au barrage de Grand’Maison est un autre motif de satisfaction, avec de remonter le lac de barrage sur une route extrêmement droite pour la région ! La suite, c’est la cerise sur le gâteau de cette mission alpinesque : l’ascension jusqu’au Col du Glandon et la prolongation jusqu’à la Croix de Fer. Cette route est parfaite, ne souffrant là-aussi d’aucun droit à l’erreur mais offrant une incroyable visibilité sur les courbes à venir, gage de sécurité pour tous. L’équilibre de l’Alpine A110 GT sur ce secteur très roulant, sinueux, avec quelques bosses et murets, est simplement magnifique et si les freins avaient un peu mal en arrivant à Oz, ils ont bel et bien résisté à l’exercice.

Après toutes ces journées parfaites, j’avais prévu de passer une dernière journée en solo avec l’A110 GT dans les Alpes. Comme si je me refusais à conclure ce tant attendu essai alpin avec elle. Las, la météo m’a joué un tour. Neige, tempête, fortes pluies ; de quoi fermer les cols, boucher la visibilité dans les vallées et annoncer, enfin, l’arrivée du froid et de l’hiver dans l’Oisans. Un peu frustré mais aussi sage et bien conscient d’être déjà parfaitement rassasié, j’ai donc rendu les armes et pris le temps de rentrer doucement vers Paris, à une allure de ministre sur les mornes autoroutes car oui, la météo était mauvaise un peu partout ce jour-là ! C’en était fini d’une Alpine dans les Alpes.

Sera-ce un adieu comme ce le fut pour la Megane R.S. au mois de juillet, dans un cadre tout aussi enchanteur ? J’ose espérer que non mais dans ce pire des cas, je conclus cet essai de 1800 kilomètres avec d’immenses sources de joie et de satisfaction, y compris du côté de la consommation, établie à 9.0 L/100. L’Alpine A110 et à fortiori cette A110 GT est parfaitement conçue et le montre à merveille sur ces routes exigeantes, délicates et délicieuses, de haute montagne. Jean Rédélé serait assurément fier de cette nouvelle mouture de sa légendaire berlinette. Alpine, A110, GT, la nouvelle berlinette est tout cela autant que l’était la première du nom. Avais-je des doutes ? Non. Mais un rêve éveillé, c’est toujours mieux qu’un rêve.