Post Poco Loco – de Bussoleno à Annecy

L’objectif, pour le retour de la Poco Loco Aix-Milan, c’était de prendre le train… sauf que les déluges estivaux ont eu raison d’un pan de montagne en vallée de la Maurienne, coupant net l’autoroute mais aussi la ligne TGV faisant le lien entre Milan et Paris ! L’effondrement, qui a eu lieu le 27 août, soit le lendemain de notre départ et très rapidement, il est devenu évident qu’il allait falloir penser à des solutions de repli. Alors bien sûr, chacun a joué la carte du déni jusqu’à ce que son téléphone vibre à la réception du petit sms d’annulation de la SNCF…

De mon côté, j’avais commencé à regarder des alternatives pour le retour, n’ayant pas particulièrement envie de démonter de nouveau mon vélo dans le train. Un passage par la Suisse me tentait bien, histoire d’aller voir les copains logeant sur la rive nord du Léman. Sauf que pour passer en Suisse, il faut avoir un passeport valide, chose dont je ne dispose pas (ni d’une carte d’identité, d’ailleurs). Autrement dit, la seule solution pour moi en optant pour le vélo, c’était de passer par l’Italie et de franchir de nouveau les Alpes !

Je songeais à faire ça en solo mais l’annulation de tous les trains a reporté tout le trafic vers le bus et la ligne sud. Les expériences très variables des uns et des autres avec les bus depuis l’Italie, en compagnie de l’explosion des tarifs de train pour rejoindre la France via Vintimille, ont donc fait que Raphaëlle m’a finalement accompagné, avec un départ dès le dimanche suivant notre arrivée et avec pour objectif de retrouver une gare pour assurer son retour à Paris le lundi soir.

A partir de là, il ne restait que deux options : le col du Petit-Saint-Bernard ou le col du Mont-Cenis. Le premier était le plus proche en TER italien mais la dénivelée dépassait allègrement les 2000 mètres, avec en bonus le franchissement du Cormet de Roselend le lendemain, depuis Bourg-Saint-Maurice. Le second, un peu plus lointain en TER, permettait en revanche de connecter la trace de la Poco-Loco à la suite du voyage et affichait un peu moins de 2000 mètres d’ascension, avec un accès au réseau ferré plus aisé dans la foulée. Décision prise…

Dimanche matin, Stéphane prend son train pour le sud de la France. Nous retrouvons Antoine, qui lui va filer au nord, après un premier TER en commun jusque Turin. Raphaëlle et moi visons Susa mais optons finalement pour un train qui part plus tôt mais s’arrête à Bussoleno. La connexion à la trace Aix-Milan est parfaite et surtout, même si cela nous rajoute 6 kilomètres, cela permet de se chauffer les jambes sur du plat et du faux plat. Qui dit mieux pour commencer la demi-journée de roulage ?

L’ascension du col du Mont-Cenis peut se faire de deux façons : soit en suivant la grand route, encombrée de motards et pilotes du dimanche vrombissants, soit en prenant la petite route en lacets qui dessert le village de Monceniso et le superbe Lago Grande. La seconde option, plus raide, est largement plus calme et c’est notre choix ! La grimpette est difficile mais elle récompense grandement avec de superbes vues sur la vallée en contrebas et le fameux lac. Ensuite, on peut soit suivre une piste VTT, soit raccorder la grand route avec une belle route en balcon. Seconde option, une fois de plus…

Les derniers kilomètres jusqu’à la frontière française se passent plutôt bien. L’heure avançant, le trafic des motorisés s’est gentiment tari, bien aidé aussi par le fait qu’il y avait le GP de F1 à Milan au même moment à la TV ou en vrai ! Bon, c’est tout de même l’occasion de se redire que les motards sont vraiment la plus grosse nuisance sonore dans les montagnes et qu’il me tarde de les voir lourdement régulés ou interdits, à un moment.  Certains pays ou zones s’y mettent, qu’est-ce qu’on attend pour en faire de même un peu partout ?

Mais bref, l’heure file et l’objectif du soir, qui était de dormir au refuge du Petit-Mont-Cenis, semble de plus en plus compromis. Le dîner est servi à 19h et nous n’y serons clairement pas. Coup de fil au refuge, accueil franchement bougon voire malpoli, ça ne donne pas envie de se forcer pour arriver et être mal accueillis. La vie en refuge n’est assurément pas évidente et la fin de saison doit commencer à peser, mais de là à aussi mal parler, il y a un pas qui a été franchi.

Fort heureusement, il y a une solution miracle, le secours de dernière minute : les parents d’un ami ont un pied à terre à Lanslevillard, pile à la descente du col du Mont-Cenis, côté français ! Coups de fil à l’ami, à sa femme, à ma mère qui habite juste à côté pour lui dire de toquer à la porte de l’ami, c’est un peu la course contre la montre mais finalement, la bonne nouvelle arrive : ses parents sont là, ils n’avaient rien de prévu ce soir-là (y compris de nous accueillir – encore un immense coeur / merci sur eux !). Un dernier coup de fil et le point de rendez-vous est défini, au pied du col, au niveau de la dernière épingle que je connais bien !

Le coeur soudain plus léger, Raphaëlle et moi filons à gros rythme dans la descente du col du Mont-Cenis, prenant tout de même le temps de nous gorger de ce paysage toujours aussi incroyable à la frontière entre la France et l’Italie. J’adore ce coin, il faut que je revienne, maintenant que j’ai bien éclusé l’Oisans et les Écrins ! 56 kilomètres et 1800 mètres de dénivelée plus tard, nous voilà au chaud, avec une douche et un repas totament inespérés, à raconter nos aventures.

Le lendemain, nous prenons assez tôt la route en direction de Saint-Jean-de-Maurienne, où Raphaëlle a rendez-vous avec son TER. La descente de la Maurienne est très agréable jusqu’à Modane, en Haute Maurienne donc. Ensuite, ça se gâte un peu avec des routes plus passantes et pas beaucoup d’alternatives. Nous empruntons le contournement de l’effondrement, l’occasion de se rendre compte à quel point la montagne a lâché et qu’il faudra plusieurs mois avant que des trains ne circulent ici. Quant aux pauvres riverains du contournement, ils essaient tant bien que mal de faire respecter des limitations de vitesse… Courage.

La suite est pire, avec jusqu’à Saint-Jean, de la grande route et même pour finir une sorte de bande élargie sur une grosse route où ça roule vite. Bon… pour la Maurienne cyclable, vantée un peu partout, on repassera ! Café avalé, c’est l’heure des adieux en se disant que bon, Pau-Bilbao avec Poco Loco, c’est très tentant, c’est même acté en fait, on signe pour un nouveau tour de manège ! Joyeux à cette idée, je reprends la route de mon côté, en solo. Direction Annecy.

La fin de la descente de la Maurienne est largement plus agréable, avec une route bis très peu usitée et globalement déserte. La vallée s’élargit et la chaleur monte assez fort, avec malheureusement tous les points d’eau fermés, y compris dans les cimetières. Pendant ce temps-là, les stations de lavage automobile sont ouvertes. Tout va bien, ne changeons rien. A Aiton, je bascule de la vallée de l’Arc à celle de l’Isère, découvrant une belle voie verte qui m’emmène jusqu’à Frontenex où je prends le temps de déjeuner tardivement.

Il me reste à grimper le col de Tamié, un petit col qui donne ensuite accès aux alentours d’Annecy. Le Mont Blanc m’accompagne pendant quasiment toute la montée, superbe et finalement assez courte après celles affrontées les jours et semaines précédentes. A hauteur de Seythenex et après avoir roulé sur un bitume fraîchement coulé (ça colle aux pneus !), je me retrouve sur les hauteurs de Faverges avec de belles vues sur le massif de la Tournette. Splendide et il n’y pas un chat, route fermée oblige !

Annecy n’est plus loin et je rejoins la piste cyclable qui fait le tour du lac et s’étend jusqu’aux villages voisins. Un vélotafeur me prend dans son aspiration. Le petit vent du nord, à priori classique à Annecy, me casse les jambes et le moral à quelques kilomètres de l’arrivée. Merci, vélotafeur anonyme, tu as égayé ma fin de journée, tout comme la petite pinte locale avalée au café vélo situé à quelques centaines de mètres de la maison des amis qui m’hébergent ce soir-là et le suivant.

Un petit tour sur le lac et une baignade plus tard, je m’effondre dans mon lit… Le lendemain, je ferai en compagnie de Nicolas le traditionnel tour du lac. C’est beau, très beau, très inégal aussi en termes d’infrastructures mais quel incroyable terrain de jeu ! Le dernier bonheur, motorisé cette fois (mais la prochaine fois, on y va à vélo, Nico…) sera l’ascension du col de la Forclaz pour une incroyable raclette avec vue. Comme une manière de me dire de revenir rapidement. C’est bien noté.

La galerie photo de ces trois journées entre Bussoleno et Annecy :