Panarea et Stromboli – randonnée sur un volcan

Après quelques semaines de pause, je reprends l’écriture de mon voyage en Sicile, dans les îles Éoliennes. Il y a eu entretemps une nouvelle semaine de vacances, obligatoire puisque pendant la période des fêtes, qui a consisté à découvrir le pays basque. J’aurai l’occasion de revenir dessus car ce qui nous intéresse ici, ce sont bien les deux dernières îles dont je n’ai pas encore parlé : Panarea et Stromboli.

De la première, je n’ai à dire vrai pas grand chose à dire puisque l’escale y fut courte. Cette île est la plus petite de l’archipel, l’une des plus courues également. Il faut dire que de riches milanais ont racheté la quasi intégralité des masures pour les transformer en jolies maisons et villas à louer aux plus aisés. Il ne reste donc certainement plus grand chose de la Panarea originelle et c’est un peu ce que j’ai ressenti sur le front de mer. En va-t-il autrement plus loin ? Aucune idée. J’avoue ne pas avoir vraiment cherché à le savoir, me contenant de ma baignade à Cala Junco, la fameuse anse en forme de demi-cercle aux eaux fort agréables.

Il faut dire qu’il est une autre île au loin qui attire l’œil : Stromboli. Entre les deux, quelques îlots volcaniques et sources d’eau chaude (attention, ça pique le nez) qui valent le détour pour leurs couleurs et le spectacle toujours amusant de ces colonnes de bulles remontant des fonds marins. Une occasion supplémentaire de se remettre en tête le côté volcanique de toute la région, au dessus comme en dessous.

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L’excursion reprend. Il est temps de s’approcher du monstre couronné de nuages, si proche et si lointain. Un petit moment plus tard, passé pour l’essentiel au soleil sur le pont, le regard se pose sur celui qui, désormais tout proche, va nous occuper et nous donner du fil à retordre jusqu’à minuit ! Le Stromboli. Un nom mythique qui a hanté ma jeunesse, au même titre que d’autres volcans célèbres et fascinants.

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Nous sommes le second groupe à quitter le village pour nous engager sur la sente menant au sommet. Bien délimitée, la trace grimpe assez vite sèchement mais notre guide, Lorenzo, impose un rythme tranquille qui est censé permettre à toutes et à tous d’arriver au sommet. Quoiqu’il en soit, quelques-uns abandonnent rapidement mais pour ne pas vous mentir : ils étaient en surpoids massif. Donc oui : le Stromboli se mérite mais l’ascension est accessible, vraiment, pour peu qu’on soit un minimum en forme (JE ne suis pas en superbe forme dois-je vous le rappeler : je ne fais pas de sport et je fume). Sachez que vous pourrez toujours rebrousser chemin jusqu’à 400 mètres d’altitude. Au delà, plus de salut, il faut aller au bout des 926 mètres de dénivelé !

Une fois le cap des 400 mètres passé, on entre dans une zone quasi intégralement dénuée de végétation. C’est la zone la plus facilement touchée par les éruptions du volcan, la zone basse étant en général épargnée, sauf lors des éruptions majeures. Au fil des pauses, Lorenzo nous explique le fonctionnement du volcan et sa particularité : c’est le seul volcan actif 24h/24, 7j/7 et 365j/365 ! Sa fréquence : une éruption toutes les 15 à 20 minutes… plus ou moins fortes !

500. 600. 700. Les centaines de mètres s’enchaînent et la dernière portion se fait dans une immense étendue de pierres herbeuses bordées de coulées de cendre. Le village n’est plus qu’un souvenir. Le volcan vibre régulièrement. On entend et on sent les éruptions. Expérience inédite et émotions partagées entre excitation de gosse et prise de conscience d’être une fourmi sur un géant, lui-même toisé de loin par la silhouette fumante de l’Etna.

Dernier enchaînement de virages dans les pierres et on aborde une portion cendreuse menant à une plateforme. Il est temps de s’équiper des casques et de mettre une petite laine. Le coucher du soleil n’est pas loin, le cratère non plus. Pourquoi un casque ? Il s’avère que le volcan, au delà de ses éruptions régulières, s’amuse parfois à en faire de plus grosses. Il y en a deux ou trois par an et ne sont prévisibles qu’à quelques minutes près ! Dans ce cas, il n’y a qu’une solution, éviter les pierres de quelques kilos pleuvant du ciel en regardant bien en l’air ! Danser avec les roches. Ok. On espère donc que ce ne sera pas pour aujourd’hui ! Le soleil fait son apparition, aveuglant. L’odeur du cratère commence à se faire sentir, le vent rabattant la fumée sur les flancs du volcan dans notre direction. La sensation d’ailleurs, déjà présente auparavant, n’en finit plus de grandir.

La cratère, enfin. Au loin, les Éoliennes dans le couchant. Instant de grâce. La gueule fumante du Stromboli est en réalité située 150 mètres en contrebas et quelques 300 mètres en décalé. Nous siégeons sur l’ancien cône volcanique, éteint jusqu’à la prochaine éruption majeure. Le conduit principal se bouche parfois avant d’exploser… On ne peut alors pas grimper ni même songer à danser avec des blocs de pierre de plusieurs dizaines de tonnes ! Ce soir, c’est calme.

Chaque groupe peut rester une cinquantaine de minutes au sommet, aussi déballons-nous les sandwichs. C’est que ça creuse, de randonner sur un volcan ! La terre tremble, un peu. Le souffle du volcan est un bruit permanent, un fond sonore presque organique. On attend, on profite de la vue.

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Soudain, sans avertissement préalable, la lave est là ! Le souffle du volcan devient rauque, brutal, comme une expectoration salvatrice ! Le magma brûlant se détache sur la roche noire et le ciel pâlissant. Il m’est difficile de décrire ce que l’on ressent à ce moment là. Fourmi. Enfant. Humilité et émerveillement. J’ai vu un volcan ! J’ai vu de la lave qui jaillit, pourtant pas bien haut par rapport à ce que ce métronome sait faire ! Il paraît que la lave peut monter à plus de 600 ou 700 mètres de hauteur, rendez-vous compte !

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Trois éruptions au total et toujours le corps et l’esprit qui se figent devant ce spectacle. Les cinquante minutes passent à une vitesse folle, le soleil est parti. Le volcan gronde toujours et personne n’a vraiment envie de redescendre. Il va bien falloir y songer pourtant, faire travailler les jambes dans un champ de cendres pendant plus d’une heure d’un mélange de ski et de course dans le noir à la seule lueur des frontales ! La descente est à dire vrai éprouvante, bien plus que la montée mais c’est également un régal de courir dans la cendre que l’on ramènera à Paris, nichée dans les moindres recoins.

Je comprends soudain mieux ces guides qui grimpent au sommet plus d’un tiers de l’année, mettant à profit leurs vacances pour en grimper d’autres, de volcans. Ce spectacle n’a pas d’équivalent ; les émotions ressenties de même.

Cendres. Photos. Quelques souvenirs. L’essentiel est dans la tête, impérissable. Je retournerai sur le Stromboli.