Après l’incroyable caldera du Teide sous un soleil resplendissant, place à un autre parc de l’île la plus touristique des Canaries : le parc rural de l’Anaga. Il fait grisou ce matin-là alors que je me dirige vers la pointe nord-est de l’île et ses gigantesques crêtes dominant tantôt Santa Cruz de Tenerife, tantôt une côte totalement sauvage parsemée de quelques fermes et villages.
C’est la différence principale entre un parc national comme le Teide et un parc rural, comme celui de l’Anaga. L’installation humaine y est autorisée, tout comme l’exploitation agricole, ceci étant toutefois très contrôlé et limité, la qualification de parc rural étant d’ailleurs hautement liée à l’ancienneté de l’activité agricole dans un cadre naturel exceptionnel.
Avant de rejoindre les montagnes, je passe rapidement à San Andrès, la seule plage de sable blanc de l’île ! Elle est naturelle, n’en doutez pas, les grains de sables arrivent ici à la faveur d’un courant bien particulier en provenance de la côte africaine. Amusant. Bon, la petite station balnéaire attenante, la grande digue et surtout le port pétrolier situés à quelques encâblures ne sont tout de même guère engageants.
Passée la plage, la route s’engage dans les vallées du sud de l’Anaga, grimpant peu à peu vers la crête qui domine la côte nord. Le mince serpent de bitume est un régal pour le conducteur, serpentant de mille virages à travers des paysages spectaculaires. Cette section débouche enfin, à belle hauteur déjà, sur une série de bifurcations desservant les villages isolés de l’est, ceux du nord ou bien assurant un retour vers la Laguna sur la route sommitale. Il est temps de se poser pour observer les alentours et découvrir, au loin, Gran Canaria et quelques belles exploitations nichées sur les contreforts.
La randonnée du jour part justement d’un de ces petits villages perdus de la côte nord : Afur. Il s’agit du parcours numéro 55 du Rother sur Tenerife, une belle boucle desservant une plage perdue, longeant la côte sauvage avec des paysages spectaculaires et rejoignant ensuite le village plus connu de Taganana (oui, on peut fourcher en le prononçant) et remontant ensuite sur le col de la Cumbrecilla.
La première partie est en descente, majestueuse, glissant petit à petit vers l’océan au travers de gorges évasées et verdoyantes. Le ciel est gris et fait ressortir tout ce vert. Je crois que j’aurais préféré être sous le soleil, tout de même ! Qu’importe, je savoure la fraîcheur relative qui rend la marche agréable, tandis que quelques maisons et jardins totalement isolés se laissent entrevoir. La vie de Robinson, à portée de petit village et avec les meilleures papas (les patates, donc) de la région.
La plage, enfin. Paumée, sauvage, bordée à l’ouest d’une falaise immense et à droite d’une douce remontée qu’il faut emprunter pour rejoindre le chemin côtier, perché à mi-hauteur. Une petite maison de bric et de broc est posée au bord des flots. Robinson, encore. Je remonte, résistant tant bien que mal à la tentation de me retourner tous les quelques mètres pour admirer le paysage qui s’étale derrière moi.
C’est encore plus compliqué une fois le chemin de falaise rejoint. A partir de là et jusque Taganana, c’est beau devant, derrière, à gauche et à droite. Cette section de la randonnée, relativement plane, est fabuleuse et si vous n’avez pas envie de faire la boucle complète, vous pouvez tout à fait envisager de l’emprunter depuis Taganana, dans un sens puis dans l’autre, pour une balade de deux petites heures ou quelque chose d’approchant. Ne vous en privez pas tant qu’il ne pleut ni ne vente trop.
Taganana. C’est l’heure de se sustenter un brin, posé sur la plage du village, au pied de la mignonne petite église. Il pleuviote, voire il pleut. On remercie le manteau étanche acheté pour l’Islande roulé en boule dans le sac car la remontée jusqu’au col de la Cumbrecilla se fera sous les gouttes éparses mais parfois drues ! Il faut croire qu’il y a parfois un peu de douceur dans la météo puisqu’en arrivant au sommet, après une longue traversée de forêt un brin embrumée, le ciel s’éclaircit et le soleil inonde timidement la vallée de Taganana. Splendide !
La redescente vers Afur se fera sous le soleil, avec en vue le splendide rocher de Taborno, une randonnée qui me faisait de l’œil ! Ce sera pour une autre fois mais un constat s’impose alors que le parcours touche à sa fin : le parc rural de l’Anaga est de toute beauté, tranchant radicalement avec les paysages certes incroyables mais dénudés et rudes de la caldera du Teide. Entre les deux, mon coeur balance un peu mais penche vers ces paysages découpés, ces crêtes acérées et ces formes splendides créées par la végétation et l’érosion.
Il reste deux jours à passer sur Tenerife. Une journée pour le parc rural du Teno et une autre. Je crois que l’Anaga vient tout juste de l’emporter sur le Teide. Reste à voir demain comment il s’en sortira face au Teno mais déjà, alors que je suis de retour sur la crête sommitale, il marque des points.
Qui dit randonnée dit piscine en fin de journée. L’heureuse élue du jour est le bel ensemble de Bajamar : deux très beaux et très grands bassins, un petit phare croquignolet, une belle digue faisant le spectacle à la marée montante, parfait.
Non, définitivement, on va arrêter de tourner autour du pot : le Teno a intérêt à être sacrément incroyable pour remporter la bataille des trois parcs de Tenerife ! La pointe nord-est de l’Anaga a définitivement tout pour plaire, en plus d’être clairement un véritable paradis pour randonneurs cherchant à fuir la foule des villes et stations balnéaires immenses de Tenerife !