Après avoir lu le Monde Inverti du même auteur, je ne pouvais pas rester ainsi sans lire une autre de ses œuvres. Alors j’ai commencé l’Archipel du Rêve. Un roman fort différent du précédent, ainsi que j’ai pu m’en rendre compte, mais plaisant dans son domaine sans atteindre l’excellence du premier.
Par-delà le Vortex s’étend l’Archipel du Rêve, une zone de neutralité épargnée par la guerre qui ravage les continents austral et septentrional. On rêve d’y séjourner et, une fois prisonnier de ses langueurs tropicales, on ne peut que succomber à une autre forme de guerre, celle que se livrent les êtres de désir et de pouvoir qui peuplent les différentes îles de cette géographie hors du temps, singulière en diable.
Ce qui prédomine ici, c’est le voyage, l’érotisme et l’intellectualisation de ce qui nous entoure. Autant de sujets qui auraient pu être abordés, et l’ont déjà été, dans un roman au sens classique du terme. Pour Christophe Priest, ce n’était vraisemblablement suffisant puisqu’il a créé un monde en guerre depuis 3000 ans pour servir de support à ses réflexions sur notre condition et notre adaptation à ce monde particulier.
Un monde coupé en deux, un continent austral qui sert à la guerre, un continent septentrional découpé en camps opposés et entre les deux, la mer Centrale et son Archipel, neutre, survolé par le Vortex. Drôle de monde, difficile à concevoir, à tel point qu’on but en début de roman en cherchant à le comprendre, à la visualiser. Erreur. Car l’essentiel est ailleurs, il est dans les tableaux que dresse l’auteur dans chacun des chapitres, sans connexion ou presque avec le précédent.
Un tableau, un théâtre, une réflexion sur la condition humaine à chaque fois profondément liée à la sexualité et à l’érotisme, tellement tangible, remarquablement suggéré qu’il est difficile de rester insensible à ces lignes. Marquant.
L’ensemble, complètement décousu au premier abord, agrégat de ce qui pourraient être des nouvelles indépendantes, prend corps, crée un univers cohérent bien que changeant, seul l’Archipel restant étrangement constant, neutre. On navigue alors entre poésie, érotisme et plongée dans un monde nouveau avec plus ou moins de bonheur en fonction de ses affinités mais toujours avec une certaine délectation.