La Maison qui glissait – Jean-Pierre Andrevon

Lorsque « La Maison qui glissait » est sorti il y a déjà pas mal de temps, je me suis rué dessus, ravi de retrouver un auteur qui m’a convaincu lors de mes dernières lectures de ses œuvres. Pourtant, bon an mal an, je l’ai laissé de côté avant de finalement le dévorer la semaine dernière, une boule au ventre, celle du doute : allais-je être aussi satisfait qu’auparavant.

Un immense fracas réveille Pierre. Un coup de tonnerre ? Peut-être… C’est l’aube, le jour pointe, la chaleur est déjà étouffante dans le petit appartement qu’il occupe au 13e étage de sa tour de banlieue. Ensommeillé, il entrouvre le rideau de la fenêtre depuis son lit… et demeure pétrifié par le panorama qui se révèle à lui. Un brouillard poisseux recouvre tout, c’est à peine s’il distingue la silhouette de la tour des Tilleuls qui se dresse à quelques dizaines de mètres de là. Un brouillard un 30 août caniculaire…? Ainsi débute le cauchemar pour tous les résidants de cette barre HLM coupée du monde par un mur cotonneux impénétrable qui semble abriter de terrifiantes créatures, une réclusion forcée qui va contraindre les habitants à s’organiser pour faire face à un ennemi invisible et révéler la vraie nature de chacun. Car après tout, le pire n’est peut-être pas dans la brume… Et d’ailleurs, d’où vient-elle, cette brume ?

J’ai aimé ce livre, de cela je suis sûr. En le prenant d’un strict point de vue narratif, l’histoire de cet échantillon humain confronté à l’impossible est bluffante. Jean-Pierre Andrevon décortique avec bonheur les différentes couches sociales, éducatives, financières pour en extraire les réactions des uns et des autres, leur folie, leur abandon, leur courage parfois, leur foi aussi. Il y a bien sûr une certaine somme de clichés étalés ça et là en fonction du point de vue narratif puisque l’auteur se projette dans la tête des prisonniers de la tour afin de donner des points de vue radicalement différents : le gardien, le jeune prof, l’antiquaire échangiste, la vieille prostituée, la vieille dame et son chat, le vieux prof, l’ouvrier, le caissier, le trio de petites pestes, le groupe de racailles… c’est tout un échantillon de la France des trente dernières années qui se retrouve dans une situation intenable.

Des clichés donc. Soit. En même temps, que se passe-t-il dans la tête de chacun de nous si ce n’est une somme de clichés et de réflexions formatées par un conditionnement sociétal ? Voilà. A peu près pareil. Nous sommes des clichés et nous véhiculons / pensons des clichés, je n’ai donc pas été choqué par le propos de l’auteur. J’ai même été plutôt satisfait de la manière dont il arrivait à se tirer de ce qui aurait pu être un mauvais pas : les gentils blancs, les méchants arabes ou que sais-je encore. Non, ici, tout le monde est mis sur un pied d’égalité, à la foi près, le reste étant annihilé par le bizarre de la situation, la nature profonde de chacun pouvant se révéler.

Cette situation, je ne peux absolument pas vous la raconter mais au fil des journées, chaque journée constituant un chapitre majeur du roman, on en apprend un peu plus sur la situation de la tour et son environnement direct. C’est l’occasion pour l’auteur de décimer peu à peu les habitants de la tour, de les plonger dans leurs péchés, dans leurs névroses, dans leur foi… vaste échantillon de réactions et de « bagages », vaste déballage de cruauté, de violence et d’horreur aussi ! Il y a même Adam et Eve, du moins cela y ressemble fort.

Le rythme va crescendo, les chapitres se raccourcissent, s’intensifient et c’est tant mieux car le rythme du roman reste particulièrement lent et j’ai parfois peiné à rester concentré tant certaines réflexions et situations se répètent à n’en plus finir. L’un des aspects les plus négatifs du bouquin d’ailleurs. Le dénouement est en revanche extrêmement brutal et aurait peut être mérité que l’auteur s’y attarde un peu plus même si le déséquilibre entre la relative lenteur des 10 premiers chapitres, le dénouement brutal et le tout dernier chapitre fait qu’on reste en balance, qu’on pense encore au roman bien après la lecture achevée.

Au final, Jean-Pierre Andrevon introduit dans ce huis-clos une grosse dose de fantastique et de SF sous couvert d’une réflexion poussée sur les relations humaines, leurs réactions face aux situations de crise et leur propension à l’auto-destruction et à la destruction de leur environnement. Une lecture intéressante, saignante, crue, humaine. Vous ne regarderez plus jamais vos voisins de la même façon…