Essai – Ferrari GTC4Lusso

Voici maintenant plus d’un mois que je me suis rendu chez Charles Pozzi un vendredi matin, fébrile ; plus d’un mois également que j’y suis retourné le lundi matin suivant pour rendre cet objet automobile qui m’a tant comblé le temps d’un weekend. Une Ferrari. Un V12 atmosphérique. Deux espèces rares mariées dans une auto à la forme singulière de break de chasse, la GTC4Lusso.

Si l’on excepte les quelques instants passés au volant de la dernière 488 GTB sur le circuit de Maison Blanche, cela faisait bien longtemps que je n’avais pas eu l’occasion de vivre cette chose exceptionnelle qu’est la conduite d’un modèle de la marque la plus mythique de la planète automobile. La 458 Spider, la California T et les deux California 30 sont loin dans le temps mais bien vivantes dans mes souvenirs.

Quand je m’approche de la Ferrari GTC4Lusso, je dois bien avouer que je ne suis pas fier. Heureux, oui, frémissant, aussi. Mais pas fier, ça non. Je suis en réalité ému et quelque peu apeuré par la perspective soudain bien tangible de me mettre au volant de cette grande auto à la robe laiteuse, imposante, désirable et effrayante à la fois.

En bref : je tremblote, j’ai la trouille et même la larmouille pas bien loin du bord de l’œil. Rapide tour du propriétaire et des quelques stigmates déjà portés par la bête, dépose du sac dans le coffre revêtu de bleu, installation à bord, je retrouve quelques éléments déjà connus et… bon… il va bien falloir démarrer et me lancer dans la circulation, à un moment.

Pied sur le frein. Pouce gauche sur le bouton de démarrage et le V12 fait trembler les murs de la concession. L’émotion qui me saisit à ce moment-là, je ne pourrai jamais vraiment la retranscrire. Premier V12. C’est un peu comme le premier vous savez quoi, ça vous prend aux tripes, ça vous débroussaille la pensée complexe pour ne conserver qu’une bête illumination reptilienne.

Je sors de la concession, direction le travail pour une journée qui m’a paru longue, tellement longue, si longue, vraiment longue, j’ai dit « longue » ? La peur du début a vite filé, passés les premiers virages dans Levallois-Perret et sur l’A86 qui m’emmenait dans la banlieue nord de Paris. Ne restait que l’envie de quitter le bureau, d’aller faire des tours, d’accroître la confiance et la connaissance du modèle.

Le premier constat et la cause de cette évaporation de la peur, c’est que la GTC4Lusso se conduit presque comme une compacte (à 300k€ avec les options certes, mais une compacte), bénéficiant de quatre roues directrices qui la rendent facile à placer et manœuvrer. La vue dégagée sur le capot, la sensation d’espace liée au grand toit en verre et la direction aux petits oignons rendent les déplacements aisés, dénués de pression. Même les dos d’âne se franchissent à un rythme normal et sans user du système de relèvement du nez de l’auto.

Pour dire les choses simplement et sans fard, j’ai roulé comme un grand-père jusqu’en Normandie une fois le portail du bureau franchi. J’ai redémarré le moteur, tressailli une nouvelle fois et ai rejoint l’autoroute avec le manettino calé sur le mode Comfort et la boîte en automatique, dans les bouchons puis dans la circulation dense de l’A13 le vendredi soir. Après tout, la GTC4Lusso, qui succède à la FF, se veut être la Ferrari des voyages, la GT, la familiale dotée de quatre vraies places.

Pour vous dire, je suis tellement détendu et à l’écoute de l’auto dans ce mode détendu que j’utilise même le régulateur, pour voir, au moyen du petit écran déporté sur la gauche des compteurs centraux ! Le V12 grommèle en dessous de 2000 tr/min. Je crois qu’il m’en veut un peu. Je lui promets que ça ira mieux demain, après une bonne nuit de sommeil.

Frais et dispos, j’aborde le samedi matin mon essai comme n’importe quelle autre : il est temps de jeter un œil plus détaillé et critique à l’habitacle de cette GT. D’ailleurs, peut-on critiquer une Ferrari ? On peut. Est-ce utile ? Pas vraiment. Pourquoi ? Parce que même avec quelques imperfections, la GTC4Lusso reste une Ferrari et qu’elle a tellement à offrir qu’on les lui pardonnera volontiers.

Revenons donc à nos moutons, dans cet habitacle qui fleure à dire vrai bon le ruminant ! La peau de ruminant plus exactement puisque cette GTC4Lusso qui m’était prêtée se parait d’une robe bleutée du plus bel effet, faite d’une cuir épais recouvrant tant les sièges que la console centrale et les portières. Cette coloration singulière, en plus d’être un beau compromis entre le noir souvent bien triste et clinique des allemandes et le blanc ou crème salissant de certaines premium, est vraiment élégante.

Je m’attarde d’abord du côté des portières. On y retrouve les habituels réglages de mémoire des sièges et de rétroviseurs, avec une petite poignée destinée à déverrouiller les battants. A noter, l’ouverture de trappe d’essence sur laquelle on peut malencontreusement appuyer avec le coude ! (oui, ça m’est arrivé, à l’arrêt, j’ai le coude baladeur !)

Côté baquets, dois-je vraiment m’appesantir ? Ils sont superbes, dessinés avec soin et enveloppants à la perfection. Quel que soit le rythme, on est très maintenus et enveloppé, sans toutefois ressentir d’oppression du fait de leurs multiples réglages. Pour ne rien gâcher, ils sont confortables et correspondent donc parfaitement à vocation de grande routière de la GTC4Lusso.

Qui dit grande routière dit également praticité… et est-ce bien le cas dans la GTC4Lusso ? Au centre, on trouve les commandes d’ouverture de vitre, avec juste derrière, un espace où poser son téléphone ou autres, avec deux prises USB (dont une compatible CarPlay) et la 12V. Cet espace est assurément bien pratique mais on l’apprécie à dire vrai plutôt fermé tant son volant ouvrant est décevant : beaucoup de jeu et un bruit de plastique à la fermeture vraiment peu flatteur.

Le constat est le même avec l’espace au centre des deux passagers, avec beaucoup de place pour déposer téléphone, gobelets et autres mais avec des battants ouvrants qui ont un jeu assez impressionnant et n’ont guère l’air robustes, au même titre que l’arche qui accueille les boutons de bascule en mode Auto/Manuel, marche arrière et launch control. Impossible ici de ne pas être critique pour une voiture facturée à ce prix. Le reste de l’habitacle ne souffre que de très peu de défauts mais ce n’est pas le cas de cette zone centrale.

Vous allez me dire que le plaisir d’une Ferrari est ailleurs et je suis à dire vrai bien d’accord avec vous ! Il est déjà dans son second écran (optionnel) destiné au passager. C’est assurément un brin gadget mais c’est aussi assez génial à vivre avec la reprise des informations principales : mode du manettino engagé, rapport de boîte engagé, régime moteur, accéléromètre. J’adore, au même titre que la belle inscription GTC4Lusso qui ressort du cuir.

Le plaisir est aussi dans la console et son bel écran central. Ferrari s’est bien mis à jour en terme d’infotainment et propose un système très qualitatif et connecté, avec un design que l’on peut qualifier de technologique de part les formes et polices utilisées. Il faudrait juste retirer les lettres « OPEN » du bouton d’ouverture de la boîte à gants qui jure avec l’ensemble et ce serait parfait !

Il y aussi encore un zeste de travail du côté de l’ergonomie puisqu’il y a encore une certaine complexité dans la manipulation de l’ensemble des systèmes. Si l’écran passager se pilote uniquement en tactile, l’écran central se manipule à la fois avec les molettes et boutons situés au dessous, mais aussi en tactile. Rajoutons à cela les commandes de clim’ et sièges en dessous et on se met à dire vrai à attendre avec impatience une version 100% tactile comme chez les opposants allemands.

Dernier point de contrôle, le second écran pour le pilote, à gauche des compteurs, avec le régulateur de vitesse mais aussi la possibilité d’afficher diverses informations sur le petit écran numérique. C’est à la fois pratique puisque le volant ne se retrouve pas encombré de nouveaux boutons et un rien complexe, puisqu’il faut contourner ledit volant pour y accéder.

Reste le plus important pour le pilote, disposant d’une position de conduite parfaite entre le beau pédalier aluminium et les baquets enveloppants : le volant. Une Ferrari, en sus de son style et de son moteur, c’est aussi une connexion à l’auto et la GTC4Lusso n’échappe pas à la règle avec un cerceau de toute beauté, reprenant une partie des commandes principales de la conduite, clignotants, manettino, essuie-glaces et démarrage bien sûr.

Le cuir qui le recouvre est joliment perforé, cachant de larges et belles palettes pour le changement des rapports de la boîte. Le Cavallino Rampante trône en son centre, sempiternel rappel de cet instant merveilleux que vous êtes en train de vivre si vous aimez la chose roulante. Le méplat de la partie basse est bien dimensionné, pas caricatural. Derrière, le tachymètre numérique et au centre, le compte-tours dont la zone rouge début à 8000 tr/min. Oh, qu’on est bien, là. On en oublierait le reste du monde.

Tiens, en parlant de reste du monde, il se passe quoi à l’arrière ? Alors, il y a un coffre tout d’abord et son volume laisse songeur pour une quatre places. Il faut dire que le différentiel et la boîte prennent un peu de place… alors ce sera bien pour quelques jours à deux (voire une belle semaine en utilisant les places arrière vides) et vraiment pas plus qu’un court weekend à quatre et sans forcer sur les tenues de soirée !

En revanche, pour ce qui est de l’espace pour les passagers, j’avoue avoir été très agréablement surpris. La GTC4Lusso est une vraie quatre places et j’ai même embarqué pour quelques tours de « vrais » adultes, dont l’un culminant à 1m95 ! Alors, certes, il était ravi d’être assis dans une Ferrari (on le comprend), mais il m’a assuré pouvoir envisager 200/300 km à l’arrière sans problème et je le crois volontiers car l’espace aux jambes est réel, la sensation d’espace étant quant à elle renforcée par le toit vitré et la vue dégagée vers l’avant.

Vous m’aurez compris : si l’on excepte la zone centrale certes pratique mais bien peu flatteuse au regard du prix et de la noblesse du blason de l’auto, la GTC4Lusso est dotée d’un habitacle splendide, impression ici renforcée par le choix de cette robe bleue très élégante. Les éléments de conduite sont forcément soignés, Ferrari oblige mais le confort et la qualité de la vie à bord n’ont pas été oubliés, grand tourisme oblige. Parfait ? C’est tout comme et puis, comme annoncé en début d’article, cette Ferrari GTC4Lusso a tellement à offrir qu’on lui pardonne volontiers ses menus défauts !

Avant de filer faire un tour, des tours, plein de tours et encore des tours, je fais justement un dernier tour de l’auto pour admirer ses lignes. La Ferrari FF fut la première a introduire cette silhouette plus marquée de break de chasse chez Ferrari et cette forme, singulière, a été conservée sur la GTC4Lusso qui lui succède.

On retrouve ainsi un nez très allongé, abritant deux roues motrices supplémentaires (la GTC4Lusso est une intégrale sur les quatre premiers rapports) et le V12. Vu de profil, le capot semble effectivement allongé mais depuis l’habitacle, il n’est pas si imposant que cela, au contraire des quasi deux mètres de largeur hors tout !

Le regard est acéré, assez complexe avec cette forme en boomerang qui déborde du pare-chocs pour monter sur les ailes, longeant le capot bombé. J’avoue avoir mis un peu de temps à apprécier cette évolution du style Ferrari, qui tend à devenir très agressif depuis l’arrivée de la génération 458/FF/F12 et se confirme sur les nouvelles 488/GTC4Lusso/812.

La bouche est en tout cas bien surlignée par ces deux yeux, avec le double écusson de la marque. Le premier est un cheval noir sur fond jaune tandis que le second est ce seul cheval, gris et brillant au centre de la bouche noire qui semble vouloir arracher l’asphalte. Vue du ras du sol, c’est impressionnant. Vue du dessus, l’auto étant somme toute assez basse, c’est réussi et imposant.

La ligne des flancs est ensuite très élégante, remontant de manière fluide vers l’arrière plus massif. Les roues à cinq branches semblent flotter, petites, abritant des étriers Brembo pinçant un ensemble carbone-céramique. Les blasons Ferrari optionnels surmontent les ouïes permettant à une partie de la chaleur du bouilleur de s’échapper. Les rétroviseurs sont profilés, jolis, en comparaison des poignées de porte qui détonnent franchement. C’est le seul point qui me semble critiquable par rapport aux lignes élancées et musclées de cette GTC4Lusso.

C’est amusant comme l’auto semble présenter plusieurs visages, selon qu’on la regarde de face, de profil ou de 3/4 avant, comme si ses proportions se modifiaient radicalement au fur et à mesure que l’on tourne autour de son capot. Plate et agressive de face. Élancée et fluide vue de 3/4 avant et enfin à double visage vue de profil avec cet avant si rabaissé et cet arrière-train si massif en comparaison. Ce constat était déjà valable pour la FF et j’ai toujours aimé ce mélange de mondes que sont les breaks de chasse. La GTC4Lusso a donc tout mon amour.

L’arrière, justement. Massif, brutal, suintant la performance. Les trompettes (ou les orgues, c’est selon) du V12 sont discrètes, intégrées dans le pare-chocs arrière qui ne cache en revanche rien du diffuseur assez massif qui débouche du fond plat de l’auto. On note aussi l’aileron intégré au dessus de la lunette arrière et les jolis feux traditionnels de la marque, avec en perspective des hanches d’une largeur magnifique et prometteuse ! Une fois encore, la GTC4Lusso a par ses proportions singulières tout mon amour !

Il est plus que temps de démarrer le V12. Lettre V. Douze. Douze cylindres. C’est vraiment beaucoup. Non. C’est bien en fait. D’ailleurs, ils le disent à merveille au démarrage ! Les 6262 centimètres cubes s’enflamment, toussotant au tout début avant d’émettre un fantastique borborygme à vous réveiller une forêt entière. Oubliez les départs en silence, ce n’est pas possible avec elle mais c’est d’ores et déjà une belle musique que ce ralenti très sonore qui se stabilise rapidement.

Les chevaux sont sortis et le couple avec. On parle ainsi de 690 chevaux à 8000 tr/min et 697 Nm (wôt ???!!!) à 5750 tr/min. Un couple diabolique atteint très haut et une puissance tout aussi phénoménale encore plus haut : ce moteur respire naturellement et ne recourt à aucune suralimentation, c’est du bel ouvrage mécanique, de l’orfèvrerie même ! Sa finesse et ses nuances sont tout aussi variées que sa plage de régime et c’est bien là qu’est la magie des V12 Ferrari : la variété et le caractère, au delà de la seule folie furieuse de leur puissance.

La GTC4Lusso pèse pas loin de deux tonnes à vide mais cela ne se sent pour ainsi dire pas à l’accélération. Les 3″4 annoncés pour le 0-100 le montrent bien et l’auto fait montre d’une capacité à accélérer et à se relancer inextinguible. L’allonge du moteur, couplée à la douceur de la boîte à 7 rapports est stupéfiante et transforme chaque trajet en délice.

Maintenant que j’ai ânonné des évidences, regardons un peu plus ce qu’il se passe dans le détail ! La transmission intégrale, disponible uniquement sur les quatre premiers rapports (via une boîte à 2 rapports sur le train avant) est imperceptible si ce n’est qu’on peut réellement accélérer comme un sourd sans se poser de questions, même avec les pneus froids. Un exercice sûrement nettement plus périlleux avec une 488 GTB ou une 812 Superfast.

La GTC4Lusso est donc « facile » à vivre. La boîte calée sur son mode automatique, on déroule les rapports sans jamais vraiment monter dans les tours, atteignant parfois 4000 tr/min. A dire vrai, on est bien souvent en 7ème, tout pile au dessus de 1000 tr/min, en péri-urbain et en 6ème en urbain pour ne pas dépasser les 50 km/h. Sur le couple, en douceur, dans un confort réel tant la suspension pilotée fonctionne à merveille.

La facilité d’usage, familiale au possible, est renforcée par les quatre roues directrices. La technologie, apparue sur la terrible F12 TdF a été déployée sur cette FF largement revue et corrigée ainsi que sur la 812. La direction, assez souple et douce en mode Comfort, est directe et vient renforcer la sensation d’agilité à basses et moyennes vitesses. Les manœuvres en ville sont une formalité malgré les 4m93 et 1m98 de l’auto.

Le sinueux étroit ne lui fait pas peur non plus et seule sa largeur doit bien être appréhendée pour éviter d’aller rogner une corde ou de chatouiller un rétroviseur en sens inverse. Pour le reste, on enchaîne les virolos sans se poser de question vis à vis d’un éventuel roulis ou sous-virage. La GTC4Lusso est confortable dans ces conditions et répond à l’orteil.

Un léger appui plus prononcé sur la pédale de droite et la boîte produit illico un kick-down très doux, poussant l’échappement à lâcher un léger grondement. C’est terriblement addictif et à chaque reprise, sortie de virage, voie d’accélération ou autre, on tend à chercher ce kick-down pour faire travailler les vocalises du V12 qui ne demande toute façon que cela.

Je crois qu’il commence à bien m’aime. On s’apprivoise l’un l’autre, en somme. Comme je vous le disais, ce moteur dispose de plusieurs visages. Entre 1000 et 4000 tr/min, il gronde, comme si on venait de le réveiller. Ce n’est pas un V8 non plus, c’est bien plus fin en terme de sonorité et de nuances, ça ne « gueule » pas, ça gronde, vraiment. C’est parfait pour le rythme de tous les jours, combiné aux belles capacité de voyageuse de la GTC4Lusso.

Mais bon. La GTC4Lusso porte un badge Ferrari et une Ferrari, c’est sportif. N’oublions pas que la marque ne se mit à produire des voitures de route que pour financer son engagement toujours plus coûteux en sport automobile. Ce dernier nourrissait le premier, qui lui rendait bien. Un cercle vertueux qui perdure encore soixante dix ans après.

Alors voilà, on bascule le manettino sur un autre mode. Pas le Wet, pas de Ice, disponibles pour grimper en station l’hiver, mais sur Sport. Point de mode Race sur cette Ferrari, ce n’est pas son propos, mais il reste possible de désactiver les diverses aides à la conduite, discrètes par ailleurs en mode Sport tant la motricité et l’équilibre du châssis sont bons.

Chercher les limites n’est pas vraiment l’objectif non plus. L’auto pèse deux tonnes et le fait savoir au freinage. C’est peut-être le point le moins évident à saisir sur la GTC4Lusso. Étaient-ce mes plaquettes ou bien est-ce l’auto ? J »ai eu la sensation qu’un compromis avait du être adopté pour rendre le système sensible mais « pas trop ». La GTC4Lusso est ainsi très facile à vivre au quotidien, sait décélérer avec vigueur mais ne sait en revanche pas vraiment freiner très fort, à l’attaque comme avec une 488 GTB, déclenchant ses warnings assez rapidement. Étonnant pour une Ferrari, tout aussi GT qu’elle soit.

Donc : le mode Sport. Les trompettes sonnent un peu plus, la boîte autorise une montée plus haut dans les tours avant de passer le rapport supérieur, la direction se durcit sans devenir caricaturale, il est temps d’aller découvrir ce que le V12 a dans le ventre, de lui faire réellement travailler les pistons, soupapes et collecteurs d’échappement ! Bref : il est temps de découvrir les deux autres visages de cette GTC4Lusso.

Le premier correspond finalement à la seconde plage d’utilisation et d’expression orale du moteur, entre 4000 et 6000 tr/min. C’est la zone où le couple est maximal, celle où il commence à chanter, changeant de tonalité pour monter vers l’aigu. Les grondements du bas-régime ont disparu et là, ça chante plus franchement. Mais il n’y a pas de rage, seulement de la musique, variant légèrement selon le rapport engagé.

C’est aussi ça qui m’a choqué : la sonorité du moteur change avec subtilité selon le rapport et le régime. Ce n’est pas du tout uniforme, il y a toute une palette de sons à découvrir au fil des kilomètres. J’en ai parcouru un peu plus de 800 pendant mon essai (avec une conso moyenne calculée à 23.4 L/100) (oui, ça fait plus de 270€ d’essence) et je suis bien loin d’avoir tout exploré.

C’est en tout cas ainsi que je me suis retrouvé en mode Manuel sur la boîte, afin de jouer au plus, au mieux. Première, seconde, troisième et ainsi de suite, toujours entre 4000 et 6000 tr/min, pour jouer la partition, passer les rapports en mode Comfort et Sport, écouter les changements, ne pas oublier de freiner, descendre un rapport, m’émerveiller à chaque montée ou descente de la quasi absence d’inertie du moteur. Magique, vraiment magique. Je n’oublierai jamais.

Ce faisant, je me suis aussi retrouvé à augmenter sensiblement le rythme, découvrant les qualités du châssis et du maintien de la caisse de la GTC4Lusso. Bien calé dans les baquets, le volant en mains et les palettes au bout des doigts, on enchaîne les virages sans jamais avoir la sensation de forcer, avec le seul chant du V12 pour compagnon, la suspension s’obstinant toujours à filtrer avec talent les aspérités.

On touche là au grand tourisme auquel cette auto aspire : aller vite, voire vraiment vite avec ces roues directrices qui semblent faire danser l’auto d’une courbe à l’autre, sans brutalité aucune, avec une fluidité et beaucoup de classe, le tout avec cette sonorité magique qui résonne dans les collines et forêts normandes. Oh, que n’ai-je pu l’emmener dans les Alpes ou sur la route Napoléon ! Une prochaine fois, j’espère.

Les connaissances sont faites, désormais. Je peux songer à dégoupiller un brin, même si ce n’est pas sa vocation. Il reste encore un visage à découvrir, celui d’une certaine rage, entre 6000 et 8000 tr/min. Il faut ouvrir les vitres pour vraiment en profiter et aussi découvrir à quel point la GTC4Lusso est bien insonorisée !

Le V12 semblent exploser à ces régimes, délivrant sa pleine puissance au démarrage de la zone rouge, à 8000 tr/min. Il en reste encore quelques centaines avant d’aller au rupteur, qu’on éviter de toucher, par respect pour la beauté de cette mécanique. La notion d’allonge prend ici tout son sens, quand, au sortir d’une courbe, un beau bout droit montre son nez.

Seconde, fond. Troisième, fond. Quatrième, idem. Cela pousse, toujours, alors que la vitesse est… élevée. Le souffle du moteur semble inépuisable et tandis que le vent s’engouffre dans l’auto, il semble ne produire aucun son tant dehors, ça hurle à pleins poumons ! J’ai rigolé connement et nerveusement un certain nombre de fois pendant ce weekend. C’est ça aussi, l’effet V12, un sourire qui fait mal aux joues à la fin du weekend et encore maintenant alors que j’écris.

Impossible bien sûr d’aller chercher les 335 km/h de vitesse maximale annoncés mais l’illégalité n’est jamais loin avec cette voiture, sans même s’en rendre compte, sans forcer, sans dépasser les limites d’ailleurs tant tout est dimensionné pour sécuriser le voyage et les performances de celle qui vous y emmène. Raisonnable ? Non, bien sûr que ce n’est pas raisonnable, une telle voiture. Mais pourquoi diantre poser la question ?

La GTC4Lusso est toujours à l’équilibre, d’une finesse bluffante malgré ses deux roues motrices supplémentaires, rendant un beau morceau d’informations sur ce qu’il se passe au niveau des roues avant, donnant aussi de belles sensations dans les reins avec une certaine propension à enrouler sur le train arrière, mais toujours en prévenant.

On « sent » une Ferrari. Peu de constructeurs savent faire aussi bien ou mieux que la marque d’un point de vue ressenti de direction et châssis. Sur une transmission intégrale, je n’avais jamais aussi bien ressenti le train avant même si ce n’est évidemment pas aussi bien que sur une simple propulsion !

Le dernier point quand on veut vraiment se lâcher avec la GTC4Lusso est donc bien de ne jamais oublier la masse de l’auto, forcément sensible quand on dépasse un peu les bornes ne voulant surtout pas couper la mélodie du bonheur… Les coups de fusil que lâche la boîte sont très addictifs, il faut dire, d’autant plus qu’ils sont très courts tant cette boîte va vite, très vite. Alors on recommence. Et on recommence. Pour le plaisir de la musique.

C’est aussi vrai au rétrogradage, quand le moteur remonte avec violence et toute son absence d’inertie dans les tours. Sur les petites routes offrant de belles courbes, c’est un bonheur sans cesse renouvelé et surtout pas gâché par une suspension taquine. Le mode « bosselé » accessible au volant, comme dans mes souvenirs de la 458 Spider, permet de tempérer le durcissement des amortisseurs en mode Sport.

L’équilibre est alors parfait et la GT l’est encore un peu plus, ouvrant grand les écoutilles de son échappement sans sacrifier une certaine forme de confort et d’efficacité. Elle sait tout faire, finalement, pour peu une fois de plus qu’on n’oublie pas sa masse.

Dithyrambique ? Oui et non. Vous avez bien lu quelques critiques ici ou là mais force est de constater qu’il est difficile de critiquer des automobiles aussi exceptionnelles, sauf à en essayer tous les jours ou à être pilote, deux cases que je ne puis cocher.

Force est malgré tout de constater à quel point on change de monde en pénétrant dans celui de Ferrari. La GTC4Lusso est bien un porte-étendard de la marque, aussi singulier soit-il par rapport aux traditionnelles deux places à moteur avant ou central ou encore par rapport à la California métamorphosée en Portofino. Il est en tout cas réussi par rapport au positionnement de l’auto dans son monde.

Ce monde, grand tourisme, luxueux, exceptionnel, était un véritable aimant à discussions pendant ce weekend d’essai. Sourires, discussions, échanges sincères, la passion automobile était bien vivace autour de moi et pendant mes étapes normandes. Oh, j’ai bien vu quelques regards méchants et/ou jaloux, il y en a toujours, mais ce sont les mêmes que quand on conduit une Clio RS.

Non, il faut voir le regard des gosses, celui des hommes et femmes, celui des « bleus » aussi, tous ces gens qui savent à quel point ces machines sont une espèce rare, un aboutissement technologique, un archaïsme aussi. Le raffinement, les choix techniques, le bruit, la violence, la rage, les sensations brutes de la vitesse aussi, toujours le grand écart entre la raison et la folie.

Ferrari, avec quelques autres, est un gardien du temple de l’automobile exceptionnelle, exclusive et passionnée. Cette religion est encore bien loin de disparaître même si elle n’en a jamais été aussi près pour ce qui est des V12 atmosphériques et poétiques. Alors, profitons, savourons et admirons les donc tant que nous le pouvons encore.