Essai (d’adieu) – Ford Focus RS Pack Performance

La Ford Focus tire sa révérence, du moins sur le papier car il faudra attendre quelques mois encore pour voir circuler sa nouvelle génération dans nos rues. Cette troisième génération, que j’avais découverte il y a ce qui me semble être une éternité au Mondial de Paris 2010, va donc disparaître au profit d’une petite nouvelle, revue en profondeur et disponible dès sa sortie dans de multiples versions mais pas encore dans ses déclinaisons les plus délurées.

Il y a donc un peu de marge avant que cette nouvelle venue dévoile tous ses atours et devienne la « Focus RS la plus folle jamais construite » (valable également pour la ST il va de soi) ! Il n’empêche, cette prise en main de quasiment 500 km présente toutes les caractéristiques d’un essai d’adieu. C’était aussi l’occasion de lever une malédiction, puisque je n’avais rien trouvé de mieux à faire que de reculer dans un barbelé en faisans mes photos avec la première qui me fut prêtée…

La Focus RS se dote pour ses ultimes tours de roue d’une déclinaison « Pack Performance », destinée à corriger quelques « failles » (un grand mot) et accroître encore le niveau de performance délirant de sa version d’origine. Surtout, le modèle disponible à l’essai se dotait de la fameuse couleur « Blue Nitrous » qui me faisait diablement envie !

Extérieurement, ce Pack Performance inclut quelques ajouts sympathique, à commencer par les roues forgées passées à la couleur noire, tout comme l’aileron assez imposant et le toit. Les étriers sont également peints couleur carrosserie et quelques autres éléments, prises d’air et rétroviseurs en tête, ajoutent au côté contrasté de l’auto qui a une gueule assez furieuse.

La Ford Focus RS s’assumait déjà pas mal dans sa version précédemment essayée, c’est encore plus le cas ici avec un look et une couleur tout à fait extraverties, générateurs de nombreux pouces levés ! C’est un peu mon mètre étalon ça et dans le coin, après les multiples échanges autour de la Mustang, j’en ai encore eu une bonne dose avec la RS… Fordistes, ou passionnés, va savoir.

A l’arrière, le look est également « coco » avec une bonne grosse double trompette en guise de sortie d’échappement, un diffuseur et l’aileron qui domine le tout, l’air goguenard. Les hanches sont élargies et c’est bien perceptible avec ce coloris. L’ensemble, avec les petits blasons RS un peu partout, est sacrément réussi et charismatique, bien fichu avec le dernier restyling de l’auto. Franchement, on n’est pas dans l’ultraviolence sportive d’une Civic Type R mais ça n’en est guère éloigné et donc : j’adore.

Au delà de cette signature cosmétique assumée, c’est à l’intérieur que je découvre le plus de nouveautés, bienvenues qui plus est. Si le Pack Performance de la Focus RS inclut de superbes baquets Recaro au maintien parfait, il n’inclut pas de manière spécifique l’une des plus grosses évolutions de l’auto : l’adoption de SYNC 3.

En effet, au delà du pédalier (nickel), du volant (toujours trop grand) et des sièges ultra sportifs (toujours assis trop haut), l’intégration du nouveau système d’infodivertissement maison donne un sacré coup de jeune et de fouet à l’auto qui semble par conséquent nettement plus moderne qu’elle ne l’est. La simplification au fil des années de la console centrale et ces nouveaux ajouts (compatibilité CarPlay incluse par exemple) font des dernières version de la Focus des achats technologiquement très valables.

C’est bête comme commentaire mais aussi puriste soit cette auto, l’un des premiers arguments lors de sa sortie était son haut niveau de fonctionnalités et de technologies, chose toujours valable d’ailleurs pour la quatrième mouture. Ford a fait les choses avec sérieux en faisant évoluer en apparence et en profondeur sa berline compacte, la dotant de ce qu’il se fait de mieux dans sa gamme, y compris ces systèmes que l’on peut découvrir une Fiesta flambant neuve.

Cela fait donc une belle différence pour ce qui est de la facilité d’usage, la Focus RS se dotant d’un système de reconnaissance vocale bien fichu, de la compatibilité CarPlay donc, d’un écran tactile très réactif à peu près accessible malgré son implantation d’origine, tandis que la console centrale ne reprend plus que quelques boutons principaux et les commandes de climatisation en bas.

Bon, le tunnel n’est plus très fameux en terme d’apparence et de finition mais il intègre l’essentiel, à savoir pas mal de rangements toujours plutôt bien pensés et un court levier de vitesse aux débattements fermes et maîtrisés. Du côté des compteurs en revanche, le coup de vieux est nettement plus franc, avec une interface pixelisée et vieillotte, présentant tout de même les informations clé que l’on retrouve encore aujourd’hui sur une auto fraîchement sortie.

En somme, l’habitacle de cette Focus RS Pack Performance a vieilli, fort logiquement, mais compense avec un contenu technologique toujours pertinent, notamment grâce à l’adoption réussie et bienvenue de SYNC 3. De quoi oublier les vilains plastiques ou encore certains choix ergonomiques datés ! Achetée aujourd’hui, la Focus RS a de quoi tenir encore quelques années sans avoir à rougir face à la concurrence plus récente.

Du côté de la conduite, on retrouve toujours les deux modes de suspension, Normal et Sport, commandés via le petit bouton situé au bout du commodo de gauche. On retrouve également les modes de conduite Sport, Track et Drift, en sus de Normal, faisant varier les différentes lois de comportement de l’auto, de la réponse moteur à la direction, en passant par la fameuse transmission intégrale et son nouveau différentiel Quaife.

Les qualités et défauts de la Focus RS « avant Pack » sont toujours là. Du côté des qualités, faut-il encore parler de ce bloc EcoBoost 2.3L développant 350ch à 6000 tr/min et 470 Nm à 2000 tr/min ? Il est plein, gueulard, rageur, doté d’une belle sonorité en mode Sport et Track, plutôt linéaire mais pour un turbo, vraiment capable de bonnes envolées.

C’est un régal que de le faire fonctionner, par rapport à d’autres moteurs turbocompressés de cylindrée moindre, presque au même niveau que la phénoménale pompe à feu qu’est le 5 cylindres Audi. Ce n’est pas un petit compliment que ce constat renouvelé : ce moteur, linéaire certes, fait parler la poudre et gronde avec envie, sans faire dans le ridiculement démonstratif. Il va me manquer même s’il a tété quelque chose comme 14.2 L/100 de moyenne sur mon essai.

Du côté de la boîte, c’est toujours une petite merveille, avec des débattements et verrouillages plutôt fermes mais sans la tendance bûcheron. Si ce levier n’atteint pas le niveau de certaines références, Mazda ou Caterham en tête (bon, là c’est bûcheron par contre), il est plaisant à manier et suffisamment velu pour qu’on se sente en couple avec la bête que l’on manie.

Les freins mordent avec envie les gros disques du train avant, avec répétabilité également car la Focus RS demande à ce qu’on la brusque. Sa couleur, son look, son moteur, c’est une sorte d’appel au « drive it like you stole it » permanent, l’envie d’aller brutaliser les cordes, de couper une trajectoire d’un gros jet de volant suivi d’un frein en appui ! Et ça répond, alors tant mieux.

Le tableau n’est en revanche toujours pas parfait puisque c’est la suspension qui pêche toujours, Ford ayant choisi de maintenir la Focus RS sans évolution de ce côté-ci, y compris sur ce Pack Performance. Les deux modes sont tous deux fermes mais l’un ne verrouille pas vraiment l’assiette quand l’autre assoit complètement l’auto au ras du bitume.

Il n’y a donc pas de demie-mesure. Sur le bosselé, le mode Normal est raisonnablement confortable mais n’autorise pas une attaque en toute quiétude, l’auto semblant se dandiner un brin sur ses pointes Michelin de belle facture par ailleurs. En mode Sport, la Focus RS est un monstre de vitesse en 2/3/4 sur des bitumes allant de très bien à correct, avant que du bosselé prononcé ou de l’asphalte désuni vienne ternir le tableau, la rendant trop vive ou sautillante.

Reste la motricité, irréprochable et l’équilibre du châssis, jouissif à souhait. L’adoption de la transmission intégrale a totalement éliminé ce qui était l’un des gros défauts de la précédente génération de Focus RS : le passage de la puissance et du couple au sol ! Plus de remontées au volant désormais, l’auto se comporte comme une intégrale joueuse, celle que les quattro auraient toujours dû être.

Un appui, un appel et paf, le train arrière qui déboule, voire enroule carrément le virage, jouant de l’aspect survireur pour toujours plus de fun, sans jamais désunir un train avant qui s’obstine à mordre, Pilot Super Sport aidant. Le différentiel Quaife ? Il est franchement difficile à percevoir sur le sec, se montrant en revanche légèrement plus présent sur le gras ou lors de remises de gaz tout sauf propres et progressives.

Il faut toucher la limite et la jouer cochon pour faire travailler ce diff’ car l’excellente répartition avant/arrière de la transmission a plutôt tendance à lui couper la chique. Bien malin celui qui arrivera donc à percevoir véritablement le gain de cet ajout technologique, à moyen de conduire comme un gros sale.

Il n’empêche, je crois d’ailleurs que ça rejoint ma conclusion de l’époque : la Focus RS est une vraie machine à conduire, pas juste une auto qui sait aller très vite. Elle se mérite, elle demande de l’engagement et le retourne avec autant d’appétit et de ressenti. C’est facile d’aller vite, cela se mérite d’aller très vite à son volant car elle est vive et incisive, pardonnant beaucoup mais sachant aussi se montrer plutôt caractérielle.

C’est donc définitivement une auto à conduire, conçue comme telle. Imparfaite, assurément, elle a le gros avantage et la grande force, en sus d’être rapide, de générer des émotions. Aller vite est une chose, engager le conducteur et lui donner du plaisir en est une autre, une fois sorti des émotions de Gran Turismo desservies pas de nombreuses sportives.

Oh, ce n’est pas que ce soit désagréable, loin s’en faut, mais il convient de distinguer celles qui sortent du lot. La Civic Type R en est, l’ancienne Megane R.S. également et oui, la Ford Focus RS fait partie de ce lot de puristes, même si plaisir est ici passé à l’intégrale. Il ne reste plus qu’à lui dire adieu et à croiser les doigts pour que la prochaine, au même titre que la Civic Type R, corrige ces menus défauts pour en faire une machine pour ainsi dire parfaite, sans oublier sa vocation première : donner du plaisir.