24h du Mans – Pit lane, paddock et arrivée – les jolies choses

Parmi les images d’Épinal dont ma tête était farcie avant d’assister à ma première édition des 24 heures du Mans, certaines se sont révélées être parfaitement exactes, d’autres moins. Avant de parler de ces dernières, je vais plutôt parler des jolies choses, celles qui m’ont plongé dans Le Mans le temps d’un weekend de course. Cela commence tout d’abord par l’accès à la pit lane avant la course, l’occasion pour tous les visiteurs d’approcher les monstres qui s’élanceront quelques heures plus tard sur la piste légendaire. Ce bain de foule est étonnant, surprenant. Derrière une longue banderole s’amassent les badauds, observant sans relâche et avec passion les mécaniciens et ingénieurs à l’œuvre, derniers réglages avant la plongée dans le grand bain, derniers nettoyages aussi avec nombre de voitures totalement désossées. Entre bricolage et mécanique de précision, les entrailles de ces machines à sourire sont exposées sans pudeur pour le plus grand bonheur des passionnés et curieux.

Cet accès à la pit lane est aussi l’occasion de mesurer la popularité des stands et des marques. Ainsi, Toyota et Audi voyaient leurs stands pris d’assaut par une foule épaisse d’un ou deux mètres… Sobriété et efficacité malgré tout à l’intérieur des stands, chacun œuvrant à sa tâche sans se soucier des flashes crépitant par dizaines, immortalisant cet ultime moment de calme avant la tempête. Difficile en revanche d’approcher du stand Pescarolo et plus encore du stand de la Deltawing de Nissan. La passion est là, la curiosité aussi. Il faut voir l’ORNI de plus près, toucher ou presque les éléments de carrosserie à l’aspect si singulier étalés sur le sol et donnant l’impression de sécher tranquillement comme une belle tenue tout juste lavée et étendue sur la corde à linge. Pit lane, corde à linge. Drôle de parallèle qui me semble pourtant bien juste, chacun étendant ses nippes toutes propres avant la course.

Le Mans, c’est aussi, une fois la course lancée, l’accès au paddock la nuit, la vision des stands du dessus et le ballet des mécaniciens oscillant entre l’efficacité mécanique et le sommeil réparateur, toujours empreints de la tension si caractéristique des grands évènements. Ce sont ces gens qui déambulent calmement, qui discutant avec un mécanicien en train de fumer sa clope, qui observant ces jeunes gens occupés à laver les roues de leur monstre en prévision du prochain changement de train de pneus. C’est une activité débordante quelle que soit l’heure du jour et de la nuit. Tout autant que sur la piste, les 24 heures du Mans se gagnent dans les stands et cette fourmilière affairée est l’expression de cette complémentarité nécessaire entre la performance pure et la logistique.

Et puis Le Mans, c’est aussi l’arrivée des 24h… Il y a une sorte de retenue, un silence oppressant du même acabit que celui précédant le départ. L’attente. Il reste deux tours. Un tour. Et si… ? Et si… ? Enfin, derniers virages, les stands explosent et c’est une marée qui se rue vers le muret des stands, les sourires apparaissent même si les regards des team managers restent concentrés jusqu’aux derniers instants et que la télémétrie chauffe, chauffe, chauffe. Et si… ? Mais non, les survivantes arrivent, ovationnées par une foule massive et une allée des stands chauffée à blanc, débordée par des larmes parfois, celles des pilotes et celles des membres des équipes. Trop de stress, trop de sensations et d’émotions contenues pendant ces 24 heures, il faut bien que ça sorte d’une manière ou d’une autre et celle-ci est encore la plus belle.

Les vainqueurs remontent la piste tandis que les voitures passent une à une sous le drapeau à damiers. L’ovation est unanime, même chez les perdants. Tous ont vécu l’aventure et c’est ce que je retiens du Mans : malgré la compétition, malgré la lutte acharnée, malgré les tensions, les manœuvres délicates et la fatigue, malgré une certaine absence de suspense en LMP1 cette année, tous ont conscience du travail de titan accompli par chacune des équipes, chacune à son niveau d’excellence. Alors, tandis que la piste s’ouvre et que la marée humaine des tribunes déferle vers le podium, il convient de prendre une belle respiration et de figer l’instant : piste noire de monde, drapeaux agités en tous sens, sourires béats et le rugissement des voix après la tempête mécanique. C’est ça, Le Mans.