J’ai commandé il y a peu quelques romans de Dan Simmons afin de me plonger encore un peu plus dans l’œuvre de cet auteur que j’adore. Première lecture : Le chant de Kali.
Le livre est ainsi présenté :
» Il est des lieux maléfiques qui ne devraient pas exister. Il est des villes malfaisantes où l’on ne peut demeurer. Calcutta est de celles-là. Avant Calcutta, pareille idée m’aurait fait rire. Avant Calcutta, je ne croyais pas au mal, et surtout pas comme s’il était une force indépendante des hommes. Avant Calcutta, je n’étais qu’un imbécile. » Robert Luczak est envoyé à Calcutta par sa maison d’édition pour récupérer le mystérieux manuscrit d’un poète que tous croyaient mort depuis huit ans. Mission simple en apparence, mais qui prend des allures de descente aux enfers dès lors que son chemin croise celui des Kapalikas, secte vouée à l’adoration de la meurtrière Kali dont les membres font régner la terreur sur la ville. Sacrifices humains, cadavres ressuscités, meurtres en pagaille… Luczak comprendra – mais trop tard – que rien n’arrête le chant macabre de Kali.
Quelle plongée en eaux troubles, quelle affolante vision de l’enfer urbain qu’est Calcutta, sa misère ambiante, ses rites, ses ruelles sordides et l’omniprésence de ce chant de destruction qu’est le chant de Kali… Dan Simmons, dès la première page, nous impose une sensation de mal-être, un sentiment d’oppression sous la forme d’un prologue lancinant puis de premiers chapitres à la douce tonalité décroissante alors que son personnage principal n’a même pas encore quitté les USA.
L’arrivée à Calcutta sonne le glas de cette douce tonalité pour une plongée de plus en plus profonde dans le mysticisme indien, leur relation à la mort, la comparaison que l’on peut faire entre cette ville et les grandes villes européennes de 1850 (misère, insalubrité, etc.), les différents groupuscules qui régentent la vie souterraine de la ville, le tout étant bien évidemment intimement lié.
On se demande quand la chute va s’arrêter… et elle ne s’arrête vraiment jamais, le glauque et l’oppressant s’imposant peu à peu comme la couleur maîtresse de ce roman avant de s’effacer quelque peu tout en restant présents, sous-jacents, latents… Stressant. Comme l’est la lecture de ce livre qui prend aux tripes sans atteindre toutefois le potentiel destructeur de l’Échiquier du Mal ou de certaines des nouvelles du Styx coule à l’envers.
Ce livre revêt aussi les atours d’une présentation sans fard de l’Inde actuelle, une sorte de bouillonnement permanent, de foisonnement de violence, de sollicitation permanente… Effrayante, réellement, et terriblement séduisante malgré tout.