Il y a des bouquins qu’on aborde avec un brin de circonspection… Premier roman, une approche assez inédite du contact humain/extraterrestre mêlant Amérique profonde et parti pris de laisser dans l’ombre les origines de ce fameux Tink Puddah, être contrefait, ressemblant peu ou prou à un être humain que la vie n’aurait pas gâté en plus de l’affubler d’une peau bleue.
À la mort de ses parents, alors qu’ils venaient d’arriver sur Terre, Tink Puddah est livré à lui-même. Malgré sa peau bleue et sa difformité, il est recueilli par un couple qui vit en Pennsylvanie, au coeur de la forêt. Mais sa survie n’est pas assurée dans ce pays où le simple fait d’être noir vous met en danger de mort. Et lorsqu’il est tué d’une balle dans la tête, personne ne se soucie vraiment de savoir qui a bien pu l’abattre. Pourtant, ceux qui l’ont connu se souviennent d’un être doté d’une intelligence rare et d’une gentillesse à toute épreuve. Ainsi se révèle la vie secrète et remarquable de Tink Puddah.
Le roman commence par la mort et sera hanté par celle-ci : tout d’abord celle des parents de Tink, puis la trouvaille macabre du corps de celui-ci. De ces deux éléments fondateurs, bornes temporelles, l’auteur tire deux récits qu’il met en résonance, oscillant les évènements passés sur la vie de Tink Puddah et sur les éléments postérieurs à sa mort.
A l’aube de la Guerre Civile, Tink Puddah trace une route d’incompréhension et d’intégration difficile, face à ce qui gêne tout un chacun dans un monde austère, rétrograde et conservateur : la différence. On le traite de nègre alors qu’il est très visiblement bleu, voilà un rapide exemple de l’ignorance et de la bêtise crasse des gens qu’il est amené à croiser parfois : différent = nègre = danger = coupable idéal. Et ainsi de suite. Mais la vie de Tink Puddah est aussi remplie de quelques douceurs et belles rencontres, venant tempérer la noirceur certaine du roman.
D’un autre côté, le même monde perdure même s’il est marqué par la vie secrète et remarquable du petit homme bleu. Chacun cherche à trouver les causes de sa mort, d’aucuns souhaitent politiser la chose à un niveau local tandis que l’histoire se focalise sur celui qui aura toujours tenté de le convertir à sa religion : le pasteur Jacob Piersol. Ladite religion trône d’ailleurs en pièce maîtresse du roman qui se révèle finalement plus être une réflexion sur les différences, sur le prosélytisme et la liberté de (non-)croyance aux États-Unis de l’époque (et d’aujourd’hui ?) qu’une œuvre de science-fiction au sens traditionnel du terme.
Le roman est court et se lit rapidement, posant de bonnes bases de réflexions et arrachant quelques jolies sensations même si je préfère de loin les Voisins d’Ailleurs de Clifford D. Simak (et le second tome qu’il faut que j’achète et lise d’ailleurs). Un auteur à suivre quoiqu’il en soit.