Essai – Ford Mustang Bullitt

L’an passé, alors que je concluais mon essai de la Ford Mustang crû 2018, je grognais un peu sur la BVA10 et je me disais qu’elle aurait été beaucoup mieux en cabriolet. Je disais aussi qu’il fallait que je me recale un essai de cette version remise à jour en BVM6 et (sic) « allez, soyons fous, la version Bullitt ! ».

Les planètes se sont alignées et j’ai eu la chance de reposer mon séant dans le cuir légendaire de la pony car qui a tant évolué mais fait toujours autant tourner les têtes. La version de mon essai est bien la Bullitt et elle est forcément équipée de la boîte à 6 rapports activée par mes mimines. Banco. Y a plus qu’à.

Essayer une Ford Mustang est et reste un moment rare. A l’approche, la Bullitt est tout aussi impressionnante que la Fastback orange de l’an passé. En réalité, elle l’est même un peu plus. Qui dit Bullitt dit British Racing Green, ah non pardon, Dark Highland Green ! Le vert est profond, inhabituel, un peu perturbant mais offrant des reflets sympathiques.

Au soleil, le vert s’éveille un peu mais c’est finalement sous quelques nuages ou dans l’ombre qu’elle peut se révéler, menaçante. Ce ressenti est d’autant plus renforcé que d’autres éléments cosmétiques s’ajoutent à ce coloris spécifique. La gueule noire, sans le Mustang au galop… voilà un effet réussi pour ce qui me concerne. Certains n’aiment pas, moi j’adore.

On n’oublie pas non plus les étriers peints en rouge qui tranchent dans les roues noir laqué spécifiques, chaussant des PilotSport 4S en 19″. Il y a aussi le logo Bullitt à l’arrière, en lieu et place du « GT » et le 5.0 a disparu des ailes, par pudeur sûrement. Des rétroviseurs en noir et une toute petite lame de capot n’auraient peut-être pas été de trop. Pas sûr. Cela se tente, en tout cas, pour aller encore un peu plus loin.

Si à l’extérieur, on peut clairement se dire que Ford a fait le job sur sa Bullitt hommage, tout en restant dans le raisonnable ; je suis un petit peu plus dubitatif à l’intérieur. Il y a certes le logo Bullitt sur le volant chauffant (le modèle est très bien équipé, pour aller avec le prix 7k€ supérieur à la GT standard) mais il y a surtout ce petit pommeau de vitesse tout blanc, rondouillet (rondouillard ?)…

La sellerie est aussi spécifique, avec des surpiqûres vertes pour aller avec le coloris extérieur. On n’oublie pas non plus le placage aluminium qui va bien avec le petite plaque Bullitt. Au cas où on aurait oublié. Je ne sais pas ce que j’attendais. Une version plus dépouillée, dans l’esprit de l’époque ? Allégée en quelque sorte et avec les Recaro optionnels de série ?

Sûrement quelque chose comme ça oui, pour se souvenir de la course poursuite légendaire de ce film tout aussi légendaire qu’est Bullitt. Une Ford Mustang un rien plus sauvage, sans aller chercher les GT350 et GT500 non homologuées par chez nous. Un peu plus en tout cas, qui passerait par un peu moins dans l’habitacle.

C’est mon seul commentaire car si on suit ce postulat de bel équipement choisi par Ford, force est de constater que oui, la Ford Mustang Bullitt est tout aussi pratique que ses soeurs « standard », qu’elles soient V8 ou EcoBoost. CarPlay, Sync dernière génération, ergonomie plutôt nickel, finitions plus que raisonnables et satisfaisantes au regard du tarif vs. avoir un V8 5.0L atmo, etc etc etc. La Ford Mustang Bullitt ne renie pas ses origines, se voulant à la fois exceptionnelle et populaire.

Mais voilà, j’aurais bien aimé avoir un peu plus encore. L’auto est (était) facturée à peine plus cher que la version GT et tous les modèles se sont écoulés sans peiner, légende oblige. Regardez la dernière MRS Trophy R… les 500 exemplaires sont partis et pourtant, certains sont facturés à 90k€ ! La Bullitt est collector et vaudra bien plus dans les années à venir. Elle aurait même pu valoir encore beaucoup plus si elle avait forcé le trait de l’exclusivité, à mi-chemin entre GT et GT350.

Pour la partie mécanique, c’est donc bien le V8 5.0 L qui est reconduit, en compagnie d’une BVM6 qui a tout d’une bûcheronne assagie, un peu rude au verrouillage, bien guidée et exploitant l’allonge exceptionnelle (lire : excitante au possible) de ce moulin si volontaire. Cette fois-ci, 460 chevaux à un peu plus de 7000 tr/min, mais surtout 529 Nm de couple.

En bref : cette Bullitt est comme les Mustang GT, elle aime autant être roulée à la cool qu’être fouettée et conduite comme si on l’avait volée (14.2 L/100 sur mes 520 km, ça va pour une voiture volée non ?) ! La boîte méca’ s’y prête aussi pas mal, poussant certains instincts de hoonigan, même si le grip des Mich’ arrive très facilement à contenir les assauts du moulin qui gronde et grogne délicieusement en dessous de 4000 tr/min une fois le mode « Circuit » activé.

En haut des tours, l’inertie du moteur est perceptible mais il grimpe avec vigueur jusqu’à la zone rouge, faisant tout sauf s’essouffler et hurlant désormais avec hargne. Le passage des rapports à la volée n’est pas facilité par la boîte et l’embrayage mais il y a matière à quelques passages décents et au pire, ma foi… il y a le couple pour compenser un éventuel passage raté.

Le moteur est d’ailleurs bien visible sous le capot, là où il était planquée dans mes souvenirs sur la GT. C’est que ça chauffe, là-dessous, comme à l’échappement dont le mode Silencieux peut servir. Bon, je ne l’ai pas utilisé… mais j’ai par contre adoré le rev-matching qui vous colle automatiquement un petit coup de gaz au rétrogradage.

Jouissif et puis ça colle bien avec la Bullitt d’ailleurs, ce petit côté faire du bruit, à l’attaque, ronflant et grognant. Juste, ça glisse pas assez, faudrait mettre des pneus de camelote en lieu et place. Ou bien augmenter un peu le couple / la puissance. Tiens d’ailleurs, cela aurait été dans le sens de mon entre-deux entre GT et GT350. Mais Ford a fait un autre choix et je me répète : un peu « plus » partout se serait sûrement vendu sans peine. Est-ce que ça aurait été facile à homologuer ? Aucune idée.

Dans tous les cas, la Ford Mustang est de toute façon en décalage avec l’air du temps, Bullitt ou pas. Cette dernière en rajoute une couche sur le dossier déjà chargé de l’auto légendaire et pas vraiment, hem, écologique. La légende vit pourtant bien, il n’y a qu’à voir les regards, les sourires, les pouces levés, de tous les usagers. La Mustang est une légende et la Bullitt ne faillit pas à ce pedigree.

Le comportement est identique à mes souvenirs, typé GT du fait du poids toujours conséquent de l’auto. Le freinage ne faillit toutefois pas, la suspension non plus d’ailleurs, avec un comportement toujours sain et lisible, malgré l’enclume que l’on sent bien peser sur le train avant.

La direction se raidit gentiment en mode Sport mais n’est pas caricaturale pour autant. En fait, on se sent bien au volant, alternant les envies de sauvagerie et le cruising à rythme tranquille, en planque sur un bord de route, avant de soudain tomber 3 rapports et faire fuir toute vie animale à 3 kilomètres à la ronde. (pas très écolo, j’ai dit)

Vous m’aurez compris : la Mustang Bullitt conserve les qualités mais aussi les défauts de la version GT, ajoutant à sa soeur un joli package cosmétique servant à rendre hommage au film qui contribua largement il y a 50 ans à la constitution de la légende automobile dans laquelle j’ai eu la chance de m’asseoir une nouvelle fois.

Légendaire, la Ford Mustang l’est donc déjà. Cette nouvelle série Bullitt vient y apporter sa pierre, limitée dans le temps mais pas en nombre d’exemplaires, forcément collector toutefois, les capacités de production n’étant pas extensibles à l’infini.

Je ressors de ces sièges toujours aussi séduit, amoureux de ce moteur incroyable et des bons compromis trouvés ici et là pour faire progresser l’habitabilité, la finition et l’ergonomie ; tout en conservant ce qui a toujours été la marque de la ‘stang, à savoir un tarif accessible. 55k€ en prix de base (et donc 65-70k€ avec options et malus), c’est unique.

La Bullitt, pour faire vraiment parfaitement les choses, aurait gagné à être encore plus exclusive. Un peu plus que 10ch de rab’, un peu plus de dépouillement à l’intérieur (2 places seulement ?), un volant vraiment spécial, que sais-je…

Je ne dis pas que l’exercice est raté, loin de là car elle a un caractère bien à elle avec son pack extérieur, mais il y avait peut-être matière à faire toujours plus. Qui sait si cette génération de Mustang n’est pas la dernière, après tout ?

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