Essai – Maserati Ghibli S Q4

De Maserati, je connais surtout les grands coupés et cabriolets, très peu les berlines. J’ai toujours regardé avec beaucoup d’intérêt la Quattroporte, alternative séduisante et baroque aux grandes allemandes. L’arrivée de la Maserati Ghibli l’an passé ressemblait fort à une nouvelle offensive en bonne et due forme, visant à stabiliser la marque sur ce fameux créneau des berlines premium et au sommet de cette gamme Ghibli trône la version S Q4. S pour Sport avec le V6 3.0L biturbo de 410 ch et 550 Nm. Q4 pour la transmission intégrale, bienvenue pour les conditions normalement hivernales de cet essai !

Extérieurement, cette Maserati Ghibli S Q4 ne peut renier ses origines italiennes ni le fait qu’elle est bien une voiture au trident. Les lignes sont un bon mélange entre contraintes contemporaines et clins d’œil au passé de la marque, équilibre également entre élégance et agressivité. La face avant reprend la traditionnelle calandre Maserati, gueule béante s’ouvrant dans ses coins supérieurs sur un regard acéré. Les nids d’abeille de la grille inférieure accentuent encore le dynamisme de la face avant avec en sus un capot nettement plongeant qui donne à la Ghibli l’air de vouloir bouffer du bitume ! Le trident a évidemment sa place dans ce bel ouvrage, tout comme les traditionnels évents dans le prolongement des arches de roues avant. Ce sont justement les lignes d’arches de roue, de capot et de flanc qui donnent de la grâce à la voiture, jouant de lignes et de galbes pour fluidifier les quasiment 5 mètres de long de la voiture. Un nouveau trident se place derrière la vitre de passager et on arrive sur le train arrière, un peu moins réussi à mes yeux malgré l’utilisation de surfaces multiples qui permettent à la voiture d’éviter l’écueil classique de la malle massive. En clair : Ghibli est une réussite stylistique et accroche sérieusement le regard de ceux qui la croisent tout en restant sobre et classieuse.

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A l’intérieur, force est de constater que la qualité est là même si certains détails ne sont pas pour me plaire sur une voiture facturée pas loin de 100k€ ! L’habitacle se gaine d’un très beau cuir et de finitions en carbone et l’impression générale est bonne, voire très bonne. On remarque toutefois rapidement les blocs plastique à gauche du volant ou encore les vilains comodos. Un peu dommage car l’ambiance générale est une fois encore bonne, rehaussée par la fameuse montre Maserati joliment gainée de cuir. Le volant est bien fait, bien gainé de cuir lui aussi et doté de boutons de bonne facture. Bémol toutefois quant au diamètre de sa jante, vraiment trop grand et à l’actionneur haut/bas au pouce gauche qui manque de précision. Les palettes sont en bonne place derrière le volant et, une fois n’est pas coutume, elles sont longues ! Voilà qui n’est pas pour me déplaire et qui change des micro palettes bougeant avec le volant.

A côté de cela, la voiture manque d’un grand nombre de fonctionnalités que l’on a pris l’habitude de voir chez la concurrence : détection de franchissement de ligne, affichage tête haute, régulateur actif et ainsi de suite pour le pack de fonctions destinées à surprotéger le conducteur. La Ghibli est certes splendide mais la plateforme sur laquelle elle se base n’est pas de prime jeunesse et elle en souffre. C’est bien pour cela que mon constat est mitigé pour ce qui est de l’intérieur de cette voiture : on sent assurément une belle qualité de finition, d’assemblage, de choix de matériaux mais l’ensemble est parfois amoché par quelques détails ou par des manques qui ternissent le caractère ou le niveau de prestations de l’habitacle. C’est bien, mais Maserati peut encore mieux faire pour combler cet aspect inégal, surtout au tarif facturé.

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Du côté de l’écran, on retrouve un système très proche de celui vu dans le Grand Cherokee SRT : écran tactile bien réactif, système globalement intuitif et complet, doublage des commandes sur le petit écran située entre les compteurs. On passe ainsi d’un mode à l’écran central ou aux compteurs, affichant l’état de la transmission, pilotant la climatisation ou bien la navigation. L’appairage des téléphones fonctionne parfaitement mais il faudra en revanche oublier la partie reconnaissance vocale qui est… peu fiable dira-t-on ! Quoiqu’il en soit, bilan global positif sur le système infotainment qui, s’il n’est pas le meilleur que j’aie rencontré, s’avère bien pensé et ergonomique. Il faudra simplement revoir l’identité graphique et les coloris, très… américains et jurant un peu dans cet habitacle plutôt luxueux.

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En revanche, s’il y a bien un domaine où cette Maserati Ghibli ne pâtit d’aucun défaut, c’est en conduite coulée ou dynamique, en mode Gran Turismo. Maserati est une marque qui répond parfaitement à cet état d’esprit automobile et cela se sent dans cette voiture. Téléphone appairé, sièges électriques réglés à son gabarit, musique allumée, on enchaîne les kilomètres dans un confort et un silence de premier choix. L’amortissement piloté est excellent et gomme les imperfections des routes empruntées, de l’autoroute aux petites départementales bourguignonnes. Le freinage se dose avec facilité et fait montre d’une bonne progressivité. La boîte est connue : il s’agit d’une ZF 8 rapports déjà vue ailleurs avec son convertisseur et c’est un régal de douceur et de rapidité dans ces conditions « Confort ». Quant à la transmission intégrale, elle sait se montrer absente puisque la voiture est typée propulsion, basculant seulement en 50/50 quand cela est strictement nécessaire. Enfin, le couple imposant du moteur permet de dérouler sur le couple, le silence tout juste troublé par quelques ronronnements du moteur. Ce silence est d’ailleurs à signaler de manière générale puisque au delà du moteur, l’habitacle est globalement très bien insonorisé. Vraiment : cette Ghibli sait rouler à bon rythme tout en soignant son conducteur et ses passagers, c’est du sans défaut.

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Appui sur le mode Sport. Les clapets de l’échappement s’ouvrent et les différentes cartographies se modifient. La sonorité du V6 se fait enfin entendre même si elle reste toujours feutrée à l’intérieur de l’habitacle. Impossible d’en dire autant à l’extérieur : ça chante, voire ça gueule ! Les passages de rapports sont ponctués de râles presque trop audibles mais pour le reste de la montée en régime, c’est une jolie sonorité qui s’échappe de la Maserati et la montée en vitesse est très respectable. Le moteur s’avère réactif à la pédale et doté de peu d’inertie : ils savent faire chez Ferrari, puisque le bloc a été développé là-bas et y est toujours assemblé d’ailleurs. La montée en régime et la poussée restent néanmoins très linéaires et bien que l’on soit face à un moteur turbo doté de pas mal de caractère, ce n’est pas non plus un bouilleur pur jus. GT, encore et toujours. De fait, on a presque l’impression de ne pas avoir 410 chevaux sous le pied droit et le poids conséquent de l’auto n’aide pas vraiment. La réalité est que la voiture reste encore et toujours très bien suspendue et qu’on atteint des vitesses répréhensibles en éternuant sur la pédale de gaz. Les dépassements sont une formalité, les passages de rapports sont un peu plus violents mais n’arrachent pas la colonne vertébrale pour autant et on se plaît à rouler ainsi à beau rythme sans aller jusqu’à la grosse attaque, chose pour laquelle la voiture n’est pas vraiment conçue. On oublie par la même occasion le mode Manuel de la boîte, sans grand intérêt au final tant la Ghibli semble s’occuper de tout.

Et voilà, on se retrouve finalement à rouler fort alors que l’on pense rouler normalement et cela en est presque déroutant ! Les trains roulants sont de très bonne facture mais la direction est un rien floue à mon goût, elle aurait mérité un peu plus de fermeté en mode sport et quelques retours d’informations plus clairs sur ce qui se passe sur les deux gommes avant. C’est peut-être là que se trouve la différence de perception entre attaque réelle et sportivité perçue. Le maintien des sièges est bon également à l’avant et une fois encore : on déroule, on déroule, à vive allure, dans les petits enchaînements, sans se poser une seule fois la question du rythme, avec toujours des freins faciles à doser et vraisemblablement endurants ! Finalement, entre Confort et Sport, il n’y a pas un monde absolu d’écart pour ce qui est du comportement, simplement un petit cran supplémentaire pour ce qui est de la réactivité générale de la voiture, de son amortissement et enfin du train arrière qui se balade un peu, rebasculant sur l’avant quand il le faut et sans jamais percevoir un quelconque danger malgré un état des routes parfois déplorable !

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Après quelques 200 kilomètres passés à son bord et un joli 20 L/100 de moyenne (oui, on a roulé un peu fort tout le temps), cette Maserati Ghibli m’étonne encore et j’avoue avoir du mal à me faire un avis tranché sur elle. Sportive ? Oui, quand on la pousse, mais toujours avec de la douceur. Confortable ? Indubitablement, c’est un régal. Facile à vivre ? Tout à fait avec le Q4 et ses qualités de vie à bord, si l’on excepte les bavettes de roue qui frottent tout le temps. Bien équipée ? Correct mais peut mieux faire. Bien finie ? Même combat ! Belle ? Assurément. Excitante ?

Ah. C’est là que je suis perdu. C’est une Maserati et cela devrait m’exciter, me subjuguer… et pourtant ce n’est pas tout à fait vrai. Je fais face à une excellente grande routière, dotée d’un réel équilibre entre confort et dynamisme, dans le plus pur esprit GT mais je ne suis pas transcendé, bien que les lignes soient splendides.

La synthèse est là : à trop vouloir ménager la chèvre et le chou, on ne sait plus vraiment s’il faut avec elle jouer la carte du sport ou du tourisme tout confort, de la beauté classique ou de la sportive italienne. La Maserati Ghibli S Q4 est ainsi une excellente voiture qui se positionne comme une alternative sérieuse aux traditionnelles allemandes, mais il faudra pour en être convaincu vous laisser séduire par ses lignes splendides et singulières afin d’en oublier les menus défauts intérieurs. Il semblerait que cela soit d’ores et déjà le cas pour beaucoup puisque la marque a très bien vendu la belle cette année !