Le Monde enfin : Récits d’une fin du monde annoncée – Jean-Pierre Andrevon

Après Sukran, j’ai décidé de me lire quelques-uns des autres livres de Jean-Pierre Andrevon, à commencer par l’une de ses toutes dernières sorties (2006) : Le Monde enfin, Récits d’une fin du monde annoncée. Joyeux comme titre ? Oui, je trouve aussi.

Il faut dire qu’en terme de fin du Monde, Jean-Pierre Andrevon n’y est pas allé avec le dos de la cuiller, dépeignant l’extinction quasi totale de l’espèce humaine en quelques jours, foudroyée par une pandémie mondiale qui a pris la forme d’une étrange mutation entre un virus et un prion, combinaison absolument fatale qui a laissé l’Humanité exsangue avec un joli taux de transformation : 1 survivant pour environ 1000 à 2000 morts. Des morts un peu dégueulasses soit dit en passant puisque ce charmant virus ne se contente pas de tuer, il dégomme, il liquéfie, il représente un mélange de SIDA, d’Ebola, de maladie de la « vache folle » comme on dit.

Cette disparition brutale de l’Humanité est terrifiante de réalisme mais ne dure finalement que peu de pages… car après, qu’y a-t-il ? L’auteur va s’attacher à nous décrire la survie de quelques uns de ces survivants, usant d’une construction narrative très sympathique et loin des modèles habituels. On suit un vieux cavalier octogénaire sur les routes du sud de la France, en chemin pour son rêve : mourir en face de l’océan. Il ressasse certains de ses souvenirs, parcourt des régions inhabitées, découvre quelques noyaux de résistance humaine où tous les gens sont vieux, les femmes survivantes ayant été rendues stériles par le virus (efficace, le bestiau, hein !), s’attache à survivre, à se nourrir. Et entre chacun de ces chapitres sur notre vieil homme, à la fois attachant, répugnant et profondément humain, se déroule un pan de l’histoire d’autres survivants, à Paris, dans l’espace, dans une base militaire, dans les ruines de toutes ces villes abandonnées et que la Nature reprend peu à peu, doucement mais surement.

Et pour chacun de ces chapitres, c’est une claque qui nous est assénée, c’est l’Humanité qui trébuche, qui tente de survivre, qui est réduite à son statut premier d’animal, oublions donc le « sociable », il s’agit de survie, seul, ou parfois à deux. Les destinées de chacun de ces personnages vont s’infléchir et infléchir le salut de la race humaine, mais cela, je vous laisse le découvrir. Triste fin ou douce fin ? L’Humanité disparaîtra-t-elle ? Jean-Pierre Andrevon n’apporte pas vraiment de réponse à cette question, libre à chacun d’interpréter les tous derniers signes.

Mais une chose est sûre, Andrevon a réussi ici le tour de force de mêler dans un seul roman l’humanisme, la survie, les notions de développement durable et de perturbations climatiques, il a dressé un portrait d’un Monde sans Hommes d’un réalisme sans pitié, un Monde qui ne leur a jamais appartenu mais qui clairement ne leur appartient plus.

A lire.